Tous les Maliens sont égaux en droits et devoirs, dit notre constitution. Mais certains Maliens sont plus égaux que d’autres.
C’est connu : endosser l’uniforme donne droit à des avantages…avant âge. Des avantages indus. Qu’ils soient de la Douane, de la Police, de la Gendarmerie, de la Garde Républicaine ou de la Grande Muette…, les hommes en uniforme sont au dessus des lois dans notre Etat, dit de droit. Ils sont puissants. Trop puissants, pour se comporter comme un citoyen ordinaire. Ils sont les seuls Maliens, censés circuler à bord de véhicules non immatriculés. Sans se faire interpeller par les « Forces du désordre ». Ou, sans voir leur véhicule conduit dans la cour de la Douane. Sous bonne escorte.
Et pourtant, ils sont les premiers à quadriller nos villes, à la recherche de véhicules sans plaque d’immatriculation. Ce système de « deux proies, deux mesures » tire son origine des traumatismes hérités des 23 ans de régime militaire. Après le coup d’éclat de novembre 1968 et la prise du pouvoir par le Comité Militaire de Libération Nationale ( CMLN) , les hommes en uniforme se comportaient, dans nos villes et nos campagnes, comme des Cow-boys : arrestations arbitraires, expéditions punitives, condamnation des leaders politiques d’alors à purger leurs peines au triste bagne de Taoudénit, tortures…étaient le lot quotidien de nos concitoyens. L’enfant terrible du CMLN, Tiécoro Bagayoko, n’hésitait pas à régler ses différends- même privés-, au pistolet. Ou à la Kalachnikov. Dix-huit ans après la chute du régime du Général Moussa Traoré, cette injustice perdure.
LA DICTATURE DE L’UNIFORME
Dix-neuf ans après, les hommes en uniforme ne sont plus perçus comme des Maliens ordinaires. Mais comme des « hyper-Maliens ». Dix-huit ans après, le Policier ou le Gendarme ne sont plus perçus comme des hommes censés assurer la sécurité du citoyen. Mais comme des forces de répression. Même le gabelou, chargé de lutter contre la prolifération des véhicules non immatriculés dans la circulation, devient le premier à s’affranchir de cette interdiction. En clair, celui qui est chargé d’appliquer la loi est le premier à la violer. Sans écoper d’une sanction de la part des pouvoirs publics. Pendant que le citoyen ordinaire se voit, chaque jour, retirer son véhicule pour défaut de plaque d’immatriculation, les hommes en uniforme, eux, paradent dans nos rues à bord de véhicules qui jurent avec la règlementation en vigueur. Bref, dix-neuf après la révolution de mars 1991, qui a balayé le régime dictatorial du Général Moussa Traoré, le « Pouvoirdocus léopardis » ( entendez un pouvoir militaire à visage… civil ), est toujours là. Ou presque. Si, théoriquement, tous les Maliens sont égaux devant la loi, les porteurs d’uniforme, eux, sont plus égaux que les autres Maliens.
Alors directeur régional des Douanes de Bamako et de Koulikoro, Soumana Mory Coulibaly, actuel Chef du Bureau des Produits Pétroliers, avait pris une décision interdisant aux cadres et Agents des Douanes de circuler à bord de véhicules non immatriculés. Décision saluée, à l’époque, par l’ensemble des Maliens. Car, estimaient-ils, ce système de « deux proies, deux mesures » ne saurait perdurer. C’était en 2005.
Mais depuis le départ de « Zou », de la direction régionale des Douanes de Bamako c’est le retour à la case départ. Le Colonel Amadou Togola, nouveau patron des gabelous du Mali, va-t-il remettre de l’ordre dans cette pagaille organisée ?
Quand dans un Etat de droit, certains citoyens se croient au dessus des lois de la République, il ya péril en la demeure. Trop d’injustices, trop de frustrations se sont cristallisées au fil des mois, au fil des ans. Et si rien n’est fait pour les apaiser, elles finiront tôt ou tard par exploser. Comme ce fût le cas un certain 26 mars 1991.
Le Mollah Omar