La Douane malienne est malade. Maladie de sa hiérarchie, dont l’incompétence est de notoriété publique. Malade de ses recettes, en chute libre depuis la nomination du nouveau Directeur Général, Modibo Maïga, il y a 8 mois. Malade de la corruption et du népotisme, érigés en système de gestion. Les maux de la Douane malienne, en ces derniers temps, se résument en peu de mots : affairisme, détournements de fonds, et gestion clanique du personnel. Un seul exemple : pour le mois de novembre finissant, 17 milliards CFA manquent à l’appel de la caisse. D’où la colère du gouvernement. Mais surtout, du ministre de l’Economie et des Finances Lassine Bouaré, qui a asséné ses quatre vérités au dirlo des Douanes. Avant de lui sommer de mettre fin à cette hémorragie financière, dont l’onde de choc continue de retentir dans les caisses du Trésor public, en cessation de paiement.
«Nous avons honte, aujourd’hui, de porter l’uniforme de la Douane. Car, la Douane a perdu son prestige d’antan. Au manque criard de recettes, s’ajoute un désintérêt quasi-général pour la profession de Douanier. Sans compter les scandales, qui ne finissent pas de finir à la Direction générale… ». Les gestes hauts et forts, un haut gradé de la Douane malienne résume, en ces termes, la situation désastreuse de son service. Avant d’ajouter, ému : « Tout ce que nous demandons, à nos autorités, c’est de nous débarrasser de notre Directeur général, le colonel Modibo Maïga, qui, aujourd’hui, a plongé la Douane dans l’agonie ». En effet, depuis 3 mois, la Douane malienne est au bord du gouffre : chute vertigineuse des recettes, scandales à répétition, détournements, à la pelle, corruption, népotisme, etc.…D’abord, les recettes douanières. Elles vont de mal en pis. Et, aujourd’hui, de pire en pis.
Des recettes en chute libre
Sur 26 milliards de francs CFA attendus en novembre dernier, la Direction générale des Douanes du Mali n’a réalisé que 9 milliards de francs CFA. Soit, 17 milliards FCFA partis en fumée. Du coup, le gouvernement grincent les dents. Conséquence : les caisses du Trésor public sont vides. Ou presque. Les mandats, en instance de paiement, se font attendre. Les impayés du Trésor avoisinent 40 milliards CFA. Autre conséquence de la forfaiture de la Douane : ensuite, le mécontentement général des Agents.
Magouille à la pelle
Annoncé, à grands renforts de publicité, le redéploiement du personnel n’a pas donné les résultats escomptés. Bien au contraire. Les recettes vont de mal en pis. Les déficits succèdent aux déficits. L’homme-cabot a été mis à la place-pivot. Et vice versa. Illustration de cet échec patent : l’usage abusif des anticipations, c’est-à-dire la perception des droits sur des marchandises, qui n’ont pas franchi le cordon douanier. Le nouveau DG des douanes, le colonel Modibo Maïga pour compléter son quota de recettes des trois premiers mois, après son arrivée en mai dernier, a dû encaisser 15 milliards CFA sur les recettes de son deuxième trimestre à la tête des douanes maliennes. Au moment où nous mettons sous presse, des milliers de tonnes de marchandise, appartenant à un opérateur économique connu de la place, sont en souffrance à la Direction générale des Douanes. Motif : les droits auraient été encaissés, depuis belle lurette. Mais les Chefs de service, eux, refusent de livrer les marchandises. Du moins, sans l’accord écrit du Directeur général des Douanes, qui ne semble pas vouloir s’y résoudre. Mais dans le fond, ce sont les magouilles qui entourent ces anticipations, qui donnent froid dans le dos de plus d’un Agent. « Lorsqu’un opérateur économique paie par anticipation, sur une importation de 10.000 tonnes, il en fait venir 20.000 tonnes. Les droits des 10.000 autres tonnes s’en vont en fumée », indique un Agent, qui sait de quoi il parle.
L’affaire des droits et taxes Partout, les mêmes magouilles. Partout, les mêmes travers. Si l’affaire des exos reste pendante, devant la justice, d’autres affaires, plus grave, risque de secouer – une fois de plus – la douane : la perception des droits et taxes sur les produits pétroliers et la gestion des fonds spéciaux. Estimés à plusieurs milliards de francs CFA, ces fonds – du moins selon nos sources – n’ont pas échappé au scalpel des bonzes de la douane. De sources concordantes, 13,51 milliards CFA manquent à l’appel de la caisse du bureau des produits pétroliers. Les enquêteurs du Bureau du Vérificateur général s’apprêtent à reprendre leur quartier à la Direction générale des Douanes pour tirer au clair la gestion de ces fonds. C’est pour exorciser ces « mauvais sorts », que le ministre de l’économie et des finances a tapé du poing sur la table des têtes couronnées de la Douane. Objectif : ramener la Douane dans les rangs.
A cette occasion, le ministre Lassine Bouaré, n’est pas allé – comme à l’accoutumée – avec le dos de la gamelle. Il a fustigé la mauvaise gestion du personnel, dénoncé la chute vertigineuse des recettes, et rappelé les bruits de casseroles, qui ne cessent de tympaniser l’opinion publique et les partenaires au développement de notre pays. Mais, à en croire les observateurs avertis, le seul remède, à la gabegie ambiante, reste le départ du colonel Modibo Maïga. Huit mois après sa nomination à la tête de la Douane, c’est l’échec. Un échec qui, par ricochet, a conduit le Trésor public au bord de la ruine. Et, plus grave, fait peser une grave menace sur les salaires des fonctionnaires. Mais les protecteurs, hauts perchés, du tout-puissant colonel sauront-ils taire leur ego, en privilégiant l’intérêt de la Douane ? Une certitude : quand le colonel Modibo Maïga dit, à qui veut l’entendre, que « son poste n’est pas lié à l’amélioration des recettes douanières », il sait de quoi il parle. Comprenne, qui pourra !
Jean pierre James