Dans un rapport publié récemment, trois ONG internationales, à savoir OXFAM France, Sherpa et ONE ont passé au peigne fin les paiements effectués par des multinationales françaises aux pays africains dans lesquels elles exploitent des ressources naturelles. Le rapport met en relief certaines pratiques peu orthodoxes des entreprises françaises dans les pays en développement. Ce qui engendre d’importants manques à gagner pour les budgets de ces pays comme c’est le cas en Angola avec le géant Total et au Niger avec Areva.
Dans le rapport qu’elles viennent de publier, intitulé « la transparence à l’état brut : décryptage de la transparence des entreprises extractives », OXFAM France, Sherpa et ONE ont décortiqué les premières déclarations publiques des paiements effectués par six entreprises pétrolières, gazières et minières françaises auprès des gouvernements des pays dans lesquels elles opèrent. Il s’agit d’Areva, d’EDF, d’Engie, d’Eramet, de Maurel & Prom et de Total, des multinationales très actives en Afrique depuis des décennies.
La publication de ces données s’inscrit dans le cadre des directives adoptées en 2013 par l’Union européenne et qui font obligation aux entreprises pétrolières, gazières et minières enregistrées ou cotées dans l’UE de publier chaque année les paiements effectués au profit des gouvernements dans lesquels elles ont des activités extractives. Selon la même source, en décembre 2014, la France a transposé ces directives dans sa législation interne, ce qui a imposé aux entreprises extractives françaises de publier pour la première fois leurs paiements aux gouvernements.
Comme quoi, le temps de l’opacité totale est donc révolu et d’après le communiqué publié à l’occasion de la sortie du rapport, les auteurs ont tenu à souligner que la publication des paiements aux gouvernements témoigne d’un progrès dans la gouvernance du secteur. Ainsi, grâce à la publication de leurs paiements, les activités de deux grandes entreprises opérant dans deux pays en développement ont pu être passées à la loupe. Ce qui a permis aux trois ONG de mettre en lumière des irrégularités inquiétantes, conduisant à des manques à gagner importants pour l’Angola et le Niger, deux pays riches en ressources naturelles.
Soupçons de détournement et optimisation fiscale de Total Angola
« Depuis plusieurs années, de forts soupçons de détournements de fonds, de corruption et d’évasion fiscale planent sur le secteur pétrolier angolais », peut-on lire dans le rapport qui a croisé la première déclaration de paiements aux gouvernements du pétrolier français Total avec ceux publiées par l’Etat angolais. L’analyse de ces données montre un écart supérieur à 100 millions de dollars en 2015 entre les revenus déclarés par l’Angola et les revenus issus de la déclaration de Total a relevé le document. Pour le rapport, «cet écart pourrait s’expliquer par un détournement de la part de la compagnie pétrolière angolaise, ou par la mise en place d’un prix de transfert par Total, qui lui permettrait de payer moins d’impôts en Angola».
Niger, les bonnes affaires d’AREVA qui ne profitent pas au pays
C’est un constat qui, à lui seul, illustre toute l’ampleur des mauvaises pratiques du géant mondial du nucléaire, la firme française Areva, au Niger. Selon le rapport, les données publiées par Areva révèlent que l’entreprise ne contribue toujours pas à sa juste part pour l’exploitation de l’uranium nigérien.
Alors que l’uranium nigérien représente près de 30 % de la production du groupe français, le Niger perçoit seulement 7 % des versements d’Areva aux pays producteurs. Les données montrent que pour une production équivalente, Areva a payé une redevance inférieure en 2015 qu’en 2014, privant ainsi le pays de 15 millions d’euros. Ces mêmes données du rapport suggèrent également qu’Areva serait parvenue à sous-évaluer ses exportations d’uranium vers la France, lui permettant de ne pas payer jusqu’à 30 millions d’euros d’impôts la même année, soit 18% du budget de la santé du Niger. Une injustice inacceptable qui priverait le pays de ressources essentielles pour lutter contre la pauvreté et les inégalités.
En somme, afin de rééquilibrer le rapport de force entre les multinationales et les pays riches en ressources naturelles et ainsi permettre à ceux-ci et à leur population de bénéficier réellement de l’extraction de ces ressources naturelles, ONE, Oxfam France et Sherpa recommandent à l’Union européenne et à la France d’améliorer les mesures existantes. Toute chose qui renforcerait la transparence dans ce secteur.
Dieudonné Tembely
tembely@journalinfosept.com