Réuni en Conseil des ministres le mercredi 15 juillet 2015, le gouvernement ivoirien a approuvé et rendu publiques des mesures inédites au profit des Petites et Moyennes Entreprises (PME) ivoiriennes. En effet, au terme de ce Conseil, le gouvernement ivoirien a décidé de mettre en branle un dispositif pour réserver aux petites et moyennes entreprises locales une part fixe des marchés publics inférieurs à 100 millions de F CFA. Il s’agit de 30 % des marchés publics de moins de 100 millions de F CFA. Une mesure introduite par le ministre chargé du Budget, Abdourahmane Cissé et soutenue par toute l’équipe gouvernementale. En effet, selon Bruno Koné, le porte-parole du gouvernement qui commentait cette mesure très bien accueillie par les Ivoiriens en général et les opérateurs économiques en particulier :« L’objectif de cette réforme est de conduire à l’émergence de champions nationaux. Les PME compétitives pourront aller à l’international vendre leur savoir-faire ». Un bel exemple de patriotisme économique !
Comme mesures devant accompagner l’application efficace de cette initiative, le gouvernement ivoirien a décidé de ramener à 1,5 % du coût du projet, le taux de « cautionnement » que doivent apporter les entreprises en garantie de la bonne exécution des marchés attribués. Ce taux était de 3%. En plus, pour accroître la capacité d’intervention des PME afin qu’elles puissent tirer largement profit de cet élan de patriotisme économique, il a été décidé de leur faciliter l’accès aux crédits bancaires.
Rappelons qu’en Côte d’Ivoire, est classée comme PME toute entreprise qui emploie moins de 200 personnes et dont le chiffre d’affaires annuel est inférieur à 1 milliard de F CFA. Au pays du Président Ouattara, les Petites et Moyennes Entreprises constituent 80 % du tissu économique et 12 % du PIB. Environ 60 000 PME sont dénombrées dans le pays, selon le fichier de la Direction générale des impôts. Alors que, comme dans tous les pays de l’Afrique de l’Ouest, il y en a plus dans l’économie informelle. En Côte d’Ivoire, plus de 150 000 entreprises seraient nichées dans l’économie informelle.
En réservant 30 % des marchés publics de moins de 100 millions de F CFA aux PME, le régime Ouattara, incite par ce truchement les opérateurs économiques «cachés dans le bois » ou dans le ghetto économique, à rejoindre les pratiques légales afin de pouvoir accéder à ces marchés publics réservés.
500 milliards Fcfa de marchés de gré à gré
Rappelons que cette mesure est prise en Côte d’Ivoire, au moment où sont dénoncés des abus dans l’attribution des marchés publics, notamment ceux donnés en gré à gré. En effet, 60 contrats publics accordés par six ministères entre 2011 et 2013 ont été audités et dans 95 % des cas les motifs avancés pour justifier le recours à l’entente directe se trouvent infondés, au regard de la loi sur les marchés publics en Côte d’Ivoire, où les marchés attribués en gré à gré durant la période 2011-2013 ont atteint la valeur de 500 milliards de francs CFA et constituent 30% des marchés publics en 2011 et 56% en 2013.
Ces audits ont concernés les ministères de la Construction, du Logement, de l’Urbanisme et de l’Assainissement; des Infrastructures économiques; de la Santé et de la Lutte contre le Sida; de la Salubrité urbaine; de l’Éducation nationale et de l’Enseignement technique; des Transports. Il s’agit donc des départements dont les activités ont un impact direct sur les populations, selon le premier responsable de l’Autorité nationale de régulation des marchés publics.
Dans cette foulée, certains ont tôt fait de classer le geste du gouvernement ivoirien au chapitre des mesures politiciennes tendant à calmer l’opinion publique sur un sujet aussi sensible qui défraie la chronique à quelques encablures de l’élection présidentielle prévue pour le mois d’octobre prochain. Pourquoi d’ailleurs attendre maintenant, à moins de six mois de la fin de son quinquennat pour penser enfin à ce genre d’initiatives, se disent beaucoup d’observateurs.
Les PME ne pouvant réellement toucher les retombées de ces mesures qu’après sa réélection, la présente année budgétaire étant en train de tirer vers sa fin, il y a donc de quoi penser à un appât politique lancé aux promoteurs des très nombreuses PME du pays qui constituent ainsi une masse électorale importante.
Mais calculs politiques ou non, la mesure reste en elle-même salutaire et on voit déjà des entrepreneurs maliens, burkinabé et ceux d’autres pays de l’Afrique de l’ouest bondir sur l’occasion en disant : « Et si nos autorités pouvaient en faire de même pour nous ! ». Pourquoi pas ! Mais il faudrait aussi que leurs entreprises soient à la hauteur de l’attente des autorités et surtout, que leurs organisations chargées de les représenter puisent en faire un cheval de bataille, avec des propositions concrètes et réalisables.
Amadou Bamba Niang
Source : Actualite-économique