Selon un nouveau rapport du Groupe de la Banque mondiale, Bamako pourrait devenir une capitale à la fois plus résiliente et productive, en améliorant l’offre de services publics et en stimulant la croissance. Mais, parce qu’elle entrave l’accès à l’emploi et augmente le coût des infrastructures et des services, la forte fragmentation urbaine pèse sur la productivité et la qualité de vie. Le moment est venu pour Bamako d’investir en amont dans des infrastructures étroitement couplées à une planification à long terme.
Pour le rapport, bon nombre des problèmes de développement du Mali ont une dimension spatiale, et Bamako se trouve au centre de cette équation. Dans un pays déjà urbanisé à 41%, le rythme de l’expansion des villes qui est de 4,9 % par an, dépasse celui de la croissance démographique. Jusqu’ici, cette urbanisation rapide ne s’est pas traduite par une augmentation proportionnelle du PIB. La taille de la capitale du pays a plus que doublé entre 2000 et 2015, et les pressions sur la ville devraient s’exacerber.
Ce dernier numéro d’une série de rapports consacrés à l’analyse du secteur urbain met un coup de projecteur sur Bamako. Pour le rapport, centre économique névralgique, Bamako contribue au PIB national à hauteur de 36 %. Les réformes et les investissements visant à résoudre les problèmes de développement urbain dans la capitale auront par conséquent des répercussions sur le développement économique du pays tout entier.
Le rapport note que, «pôle dominant dans le paysage urbain et économique du Mali, Bamako ne parvient pourtant pas à jouer un rôle de locomotive pour la croissance et l’offre de services publics. La ville peine toujours à renforcer durablement sa compétitivité et à proposer des services de qualité à ses habitants».
Pour les auteurs du rapport, ces contre performances sont liées à la fragmentation institutionnelle et spatiale de Bamako. «Le développement urbain a été inégal, ce qui explique en grande partie l’incapacité de la ville à tirer parti de sa croissance. La plupart des nouvelles constructions ont été édifiées loin des concentrations urbaines existantes, ce qui a aggravé les problèmes de déplacement et d’accès aux services. Cette forte fragmentation urbaine pèse à la fois sur la productivité, en empêchant le rapprochement entre les emplois et les individus, et sur la qualité de vie, les habitants étant pénalisés par l’augmentation du coût des infrastructures et des services urbains» notent les auteurs.
Dans le même temps, le paysage administratif est caractérisé par une fragmentation institutionnelle et la complexité des rapports entre le district de Bamako et les communes voisines ; sur lesquelles déborde la croissance de la capitale ; mais aussi entre les différents échelons de gouvernement, c’est-à-dire l’Administration centrale, la Région, le district, et la commune. «Bamako a aujourd’hui la possibilité d’investir en amont dans les infrastructures urbaines en couplant étroitement cet effort à celui d’une planification de long terme », explique Megha Mukim, économiste senior et auteur principale du rapport. «Ces investissements seront durables et déterminants pour l’avenir.»
Agir vite
Les auteurs avancent trois grandes recommandations pour permettre à la ville de Bamako de tirer pleinement parti de son potentiel.
Coordonner occupation des sols et infrastructures de liaison
Ici, les auteurs du rapport indiquent que les terrains et le domaine publics pourraient servir à promouvoir des investissements et stimuler ainsi des investissements plus denses dans les infrastructures économiques de la ville. Ainsi, une première étape pourrait consister à dresser un inventaire des avoirs publics, parallèlement à des efforts visant à améliorer le régime foncier et l’utilisation des sols. Une meilleure gestion des infrastructures publiques de transport et des espaces publics permettrait d’améliorer l’accès des citadins aux débouchés économiques.
Financer les services publics et améliorer leur gestion
Pour eux, face à la demande grandissante d’investissements dans les infrastructures publiques, des solutions doivent être trouvées. Cela pour augmenter les recettes propres et autres ressources financières à l’échelon local ; grâce notamment à une hausse des tarifs, des taxes et des transferts de l’administration centrales. Parallèlement, les autorités doivent réduire les inefficacités du système pour alléger les dépenses publiques, en revoyant par exemple l’emplacement des décharges pour améliorer la gestion des déchets solides ou en développant des sites de compost.
Investir dans les institutions urbaines
Là, les auteurs pensent qu’une grande partie de la croissance actuelle et à venir de Bamako profite aux communes voisines, il faudra impérativement mettre en place des dispositifs et des incitations. Afin de garantir une concertation entre collectivités en matière de planification des investissements dans les infrastructures et d’organisation des services publics. Dans le même temps, il faut clarifier les responsabilités institutionnelles des différentes collectivités et entre échelons locaux et nationaux, et renforcer les capacités des collectivités locales à exécuter leur mandat.
En somme, le rapport reconnait qu’avec un niveau de revenu par habitant assez faible, Bamako dispose aujourd’hui, grâce aux technologies numériques et disruptives, d’une bonne marge de manœuvre pour s’attaquer aux problèmes qui pèsent sur le secteur public. Ainsi, en exploitant les nouvelles technologies et les données, les autorités doivent associer les citoyens et le secteur privé, et reconnaitre le rôle déterminant de ces parties prenantes pour résoudre la question du financement et de la gouvernance des infrastructures urbaines. Aux côtés de ses partenaires du développement, la Banque mondiale s’engage à aider la ville de Bamako à relever les défis. Cela, pour faire de la capitale du Mali un véritable moteur de croissance sans exclus.
Dieudonné Tembely