Plaidoyer en vue de financer la lutte contre les pandémies : Le président ATT invité à New York pour le Fonds mondial

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Invité à New York, en début d’octobre prochain, pour livrer un message en faveur du refinancement du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, le président de la République, Amadou Toumani Touré, n’aura assurément pas la tâche facile. En effet, des subventions mises à la disposition de notre pays par cette institution ont fait l’objet de détournement à la pelle. Et voilà qu’au même moment, le président du Mali est invité à la tribune des Nations Unies, en vue d’user de sa notoriété  pour lancer un appel dans le but de renflouer les caisses du Fonds mondial.

 C’est notre compatriote, Michel Sidibé, le Directeur exécutif de l’Onusida, qui a annoncé la nouvelle à l’issue de l’audience qui lui a été accordée, le vendredi 24 septembre 2010, par le président de la République. Cette invitation atteste, certes, de l’estime dont jouit le président Amadou Toumani Touré auprès de la communauté internationale, mais elle intervient à une période assez délicate dans les relations entre notre pays et le Fonds mondial. En effet, des ressources mises à la disposition de notre pays par le Fonds mondial ont fait l’objet de détournements, à hauteur de quelques milliards F CFA, au niveau notamment du ministère de la Santé. Des investigations sont actuellement en cours au niveau également d’une structure rattachée à la présidence de la République. Déjà des rumeurs, qui restent à confirmer alors qu’elles sont distillées par-ci et par-là, font   état de mauvaise gestion voire de malversations au niveau de ladite structure. Les investigations des enquêteurs du Bureau de l’Inspecteur général du Fonds mondial ont aussi visé  la Cellule sectorielle de lutte contre le sida (CSLS) du ministère de la Santé, avec à sa tête le bouillant Dr Aliou Sylla, un fin connaisseur du Sida. Quid de la gestion des ressources ? Des ONG et des structures bénéficiaires secondaires des subventions du Fonds mondial ont aussi reçu la visite de la mission d’audit et d’investigation conduite par l’intraitable Bourassa.

Rappelons que le 3 août 2010, le ministre de la Santé, Oumar Ibrahima Touré, dans une lettre au Directeur exécutif du Secrétariat du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, se plaignait du rapport produit par cette institution et " contenant de graves accusations de corruption compromettant la crédibilité de l’ensemble du Programme de santé du Mali ". Et pourtant, dans la même correspondance, le ministre de la Santé reconnaissait lui-même la réalité des détournements à travers ces mots: " Suite au cas de malversations décelées dans la gestion des ressources allouées par le Fonds mondial aux Programmes Paludisme et Tuberculose, le gouvernement du Mali, après avoir remboursé les sommes détournées et engagé des procédures judiciaires contre les auteurs, a toujours marqué sa volonté de mettre en œuvre toutes les recommandations issues des différentes missions de votre institution ". Comme le dit l’adage, une faute avouée est à moitié pardonnée. Mais tel n’est, malheureusement, pas le cas en ce qui concerne le Fonds mondial. Toute somme détournée est totalement et entièrement remboursée par le pays bénéficiaire.

C’est dire déjà que le contribuable malien aura à rembourser des milliards F CFA détournés par des délinquants financiers et ayant servi à construire des villas à l’ACI 2000, à Bamako, et à envoyer leurs progénitures étudier au Canada, aux Etats-Unis et ailleurs.     

Si en octobre 2009, suite à la pression du Fonds mondial, le ministère de la Santé a remboursé 140 millions F CFA frauduleusement prélevés sur ses comptes, aujourd’hui on ne parle plus de millions mais de milliards F CFA. Car depuis 2003, notre pays a eu à bénéficier de " financements importants à travers plusieurs rounds " selon les termes mêmes d’un communiqué du département de la Santé.  Dans le même communiqué paru dans les médias, le 16 août 2010, le ministre de la Santé a " fustigé la méthode peu orthodoxe employée " par le Directeur exécutif du Fonds mondial, Michel Kazatchkine, qui " a fait circuler des rumeurs, au niveau de l’ensemble des ambassades, chancelleries et partenaires techniques et financiers, faisant état d’une corruption généralisée au Mali. Une rumeur tendancieuse pour dire que la santé des Maliens ne mérite plus qu’on y injecte un sou ". En conclusion, le département de la Santé rappelait à l’institution basée à Genève que " la lutte contre la corruption au Mali n’est pas le fait du Fonds mondial. Elle est plutôt le fait du gouvernement de la République du Mali qui a agi et continue d’agir, soutenu en cela par le Chef de l’Etat, Son Excellence Amadou Toumani Touré ". Pour rendre la politesse aux responsables du Fonds mondial, le département de la Santé avait tenu, dans son communiqué, à rappeler que " le Fonds mondial est une Fondation à but non lucratif…et que beaucoup de pays riches et des donateurs tels que les Etats-Unis, l’Angleterre, Bill Clinton, Bill et Melinda Gates ne le financent plus fortement comme auparavant ".

C’est dire, après tous ces propos et à compter de ce moment, que le fossé entre les dirigeants du Fonds mondial et le ministère de la Santé s’est sensiblement élargi. A New York, le président de la République va certainement tenter de colmater les brèches afin que puissent se rétablir des relations de confiance qui, jusqu’à  cette affaire de détournement, avaient toujours caractérisé les rapports entre le Fonds mondial et le département de la Santé de notre pays. 

Mission noble mais très délicate

Invité, les 4 et 5 octobre prochains à New York, à la réunion de la communauté internationale  au cours de laquelle seront annoncées de nouvelles promesses de contributions pour les trois prochaines années, le président de la République du Mali va, certainement, livrer un message en faveur du refinancement et de la bonne gestion des subventions accordées par l’institution de Genève. Et contrairement aux prévisions alarmistes, la France vient, par exemple, d’annoncer qu’elle octroyait 1,4 milliard de dollars au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, le Japon, le Canada et la Norvège ont également annoncé  des dons s’élevant au total à plus de 1,5 milliard de dollars, lors de la clôture du Sommet de l’ONU sur les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), qui s’est tenu du 20 au 22 septembre à New York. De son côté, le Premier ministre du Canada, Stephen Harper, a promis une aide de 520 millions de dollars pour la période 2011-2013. " Cet engagement montre la détermination du Canada à jouer un rôle de premier plan dans la lutte contre ces trois maladies ", a salué le Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon. De ce fait, les promesses de dons faites par des Etats membres au Fonds mondial ont atteint, à l’occasion du Sommet de l’ONU sur les OMD, près de 3 milliards de dollars. C’est dire que le Fonds mondial est loin d’être à l’agonie et son refinancement est même en bonne marche.

Et c’est dans cette dynamique que le président du Mali est invité à user de son aura pour inciter les partenaires à renflouer les caisses de ce partenariat public-privé visant à récolter des ressources supplémentaires pour prévenir et traiter le VIH-Sida, la tuberculose et le paludisme. En effet, depuis sa création en 2002, le Fonds mondial est devenu le principal bailleur des programmes de lutte contre ces trois pandémies, avec plus de 600 programmes lancés dans 145 pays. À ce jour, les programmes soutenus par le Fonds mondial ont sauvé 5,7 millions de vies en fournissant des traitements contre le sida pour 2,8 millions de personnes et contre la tuberculose à 7 millions de personnes. 122 millions de moustiquaires imprégnées d’insecticide destinées à la prévention du paludisme ont également été financées par le Fonds mondial.

C’est donc avec beaucoup d’intérêt que l’opinion nationale et internationale   suivra le message du président du Mali dont l’engagement pour les causes humanitaires et de développement des communautés, notamment les plus démunies, est mondialement connu. Cette invitation du président ATT à s’adresser à la communauté internationale intervient également au moment où " de gros poissons", trempés dans le détournement des ressources du Fonds mondial mises à la disposition de notre pays, commencent à être pris dans les mailles du filet du Pôle économique et financier chargé de traquer les auteurs d’infractions relatives à la corruption et à la délinquance économique et financière. Cela faisant suite à la volonté exprimée par les plus hautes autorités   de ne laisser aucune zone d’ombre dans cette affaire scabreuse de malversations et de détournement de fonds d’origine extérieure. Les dernières arrestations d’opérateurs économiques laissent, en tout cas, penser que la machine judiciaire a réellement pris son envol.

                                                  Mamadou FOFANA

 

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