Nous n’ignorons point que l’arrimage du CFA à l’euro garantit la convertibilité du CFA dans toutes les monnaies étrangères, que le CFA a permis de contrôler l’inflation, et que la France apporte un soutien budgétaire aux pays de la zone en cas de crise budgétaire majeure. Mais aujourd’hui, à cause de l’euro, la compétitivité des produits de la zone est au niveau le plus bas depuis des années.rn
Pour une croissance solide, le rôle de l’exportation est incontestablement vital pour plusieurs raisons. La raison fondamentale est que les exportations servent à financer nos importations. Quand les importations sont supérieures aux exportations, comme cela a toujours été le cas du Mali moderne, nous avons un déficit de la balance commerciale. Pour résoudre ce problème, nous pouvons soit emprunter sur le marché financier soit dévaluer la monnaie.
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Puisque nos Etats ne sont point crédibles, les taux de crédit des marchés financiers sont prohibitifs. Alors, la solution préconisée est de dévaluer la monnaie, et c’est ce qui a été fait en 1994. Mais, force est de constater que cette mesure est en passe d’être enrayée par la dépréciation du dollar qui a perdu de plus de 40 % de sa valeur face à l’euro ces dernières années. La raison est connue : l’arrimage du CFA à l’euro. Le CFA est arrimé à l’euro et ce dernier monte par rapport au dollar. Les conséquences majeures sont au nombre de trois.
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Premièrement, nos exportations s’abîment puisque les produits provenant de la zone CFA sont 40 % plus chers. Conjuguez cette hausse de prix avec les subventions astronomiques versées aux agriculteurs des pays riches, et c’est des millions de ruraux de la zone CFA qui sont en danger. Dans l’équation de la croissance, l’exportation est une variable si importante que les pays riches ont créé des banques pour appuyer les leurs.
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Aux Etats-Unis, la fameuse Export Bank fait des prêts à des taux avantageux (subventions pour la plupart) à toute entreprise qui exporte ses produits a l’étranger. En France, par exemple, plus du quart de son PIB est exporté vers des pays tiers. Le miracle des dragons d’Asie est basé aussi sur leurs exports.
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Deuxièmement, nos importations, qui favorisent le chômage dans la zone CFA en contribuant au marché de l’emploi des concurrents, augmentent considérablement. Contactez n’importe quel Malien qui importe de l’Asie par exemple. Parce que le dollar a perdu plus de 40 % de sa valeur ces dernières années que les produits dénominés en dollars sont 40 % moins chers. Nos marchés sont inondés par ces produits moins chers, et puisque tout d’un coup tous les importateurs veulent ces produits dans notre marché, la demande pour la production monte et de facto des emplois considérables sont créés dans ces pays asiatiques au lieu du Mali par exemple.
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Troisièmement, et certainement la plus importante, est le fait que petit à petit les producteurs de la zone CFA déposeront le bilan dans le seul secteur dont nous disposons d’un avantage comparatif. Seul secteur parce que dans les autres (électronique et nouvelles technologies, etc.), nous brillons par notre absence. Si l’arrimage du CFA à l’euro constitue un problème sérieux pour la zone CFA, quel moyen d’en sortir ? La réponse est aussi simple : lier le CFA à un panier de devises internationales.
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Lier le CFA à l’euro, au dollar et au yuan aura plusieurs avantages dont la plus importante serait de limiter les fluctuations des cours du CFA et par conséquent débloquer nos exportations (si minimes soient-elles) dans le secteur qui emploie la majorité des habitants de la zone CFA. Nous n’ignorons point que l’arrimage du CFA à l’euro garantit la convertibilité du CFA dans toutes les monnaies étrangères, que le CFA a permis de contrôler l’inflation, et que la France apporte un soutien budgétaire aux pays de la zone en cas de crise budgétaire majeure. Mais aujourd’hui, à cause de l’euro, la compétitivité des produits de la zone est au niveau le plus bas depuis des années.
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Le bon sens exige la réévaluation de cette relation. Mais nous sommes tous aussi conscients que le changement de la politique économique de la zone CFA ne commencera que lorsque les décideurs prendront conscience des trains qui passent, et dans lesquels nous n’embarquons pas (la Chine, qui vient de remplacer les USA comme premier partenaire commercial de l’Union européenne, a lié sa monnaie à un panier de devises et d’autres pays suivent le pas).
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Malheureusement ce temps n’est pas pour le futur proche à cause de l’indifférence de nos responsables, y compris ceux de la BCEAO et de l’Uémoa. En attendant, nos exportations chutent, nos usines ferment, nos emplois sont supprimés, et notre croissance entravée.
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Soya Djigué
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(économiste à Washington DC)
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