La région de Tombouctou, contrairement au discours officiel, ne connait toujours pas la relance économique. Les actions de développement sont au point-mort, les acteurs au développement dans l’expectative, les partenaires méfiants.
Plus d’une année après l’intervention française qui a permis sa libération du joug des islamistes radicaux, la région de Tombouctou ne parvient toujours pas à retrouver ses marques dans la course au développement. Pire, aucune trace de la relance des actions de développement n’est visible. En visite dans la région en début de semaine, une délégation officielle, après quelques entretiens avec des représentants de la société civile et des acteurs politiques, a conclu à la bonne santé de la sixième région. Ces officiels n’ont pas tort si l’on s’en tient au superficiel, mais pour s’imprégner véritablement de la situation, il leur aurait fallu creuser davantage.
Qu’est-ce qui se passe dans cette partie du pays ?
Il faudrait d’abord savoir ce qui s’est passé, à savoir que le tissu socioéconomique a été fortement endommagé, avec la destruction de l’outil de la production, le saccage des aménagements agro-hydro-agricoles d’une population qui vit à plus de 90% d’activités rurales. Pourtant, les partenaires techniques et financiers (PTF) ont bien compris la situation, eux, puisque depuis des mois leurs actions ne sont tournées que vers l’humanitaire et l’aide d’urgence. Après plusieurs mois d’occupation du nord et d’asservissement de ses populations, les bailleurs ont cru, à juste titre, à sauver d’abord des vies, à gérer la crise alimentaire, à se préparer à faire face à toutes les autres crises qui se profilent à l’horizon, et qui risquent de durer, selon certains spécialistes, de deux à trois ans voire plus.
Les Partenaires ont donc inscrit, pour le moment et sans doute pour longtemps, dans l’urgence et l’humanitaire, notamment au niveau de la santé et de l’éducation, seuls secteurs qui fonctionnent vraiment. Encore que, lors d’une récente rencontre sur l’éducation, il a été démontré que pas une seule école ne fonctionne véritablement dans le nord de la région en raison de la détérioration du matériel, de la logistique, et du refus du personnel enseignant de revenir.
En plus de l’éducation et de la santé, les PTF interviennent également dans le cadre de la nutrition, de l’eau, de l’hygiène, de l’assainissement, de la sécurité alimentaire. Sur ce dernier point, des responsables d’ONG nationales, qui se disent loin d’être contre les actions d’urgence, ont cependant des réserves. Ainsi, selon Elhadj Mahamane, coordinateur de l’ONG Action recherche pour le développement des initiatives locales (Ardil), il serait souhaitable qu’en plus de la distribution gratuite de céréales, on commence déjà à préparer la prochaine saison agricole qui est imminente. Pour lui, « il est bon de distribuer de la nourriture, mais il est préférable d’aider le paysan à reconquérir son actif productif ».
A entendre le discours officiel, onze milliards seraient mobilisés pour la reconstruction des trois régions du nord. Sur le terrain, rien, à part les locaux du CAP et de l’Académie de l’enseignement qui ont été restaurés. Les services techniques, à commencer par les services financiers, sont absents. Conséquence : les marchés publics relatifs à la reconstruction/réhabilitation sont gérés par le gouvernorat de la région, d’où un ralentissement des investissements et une gestion que certains trouvent peu orthodoxe.
Apparemment donc, face au désengagement des PTF et à l’attentisme de l’Etat, c’est aux ONG nationales qu’incombe la tâche de dépasser l’humanitaire et l’urgence pour faire l’enjambement avec le développement. Mais il se trouve que les ONG nationales n’ont plus de ressources propres maintenant, tout ce qu’elles avaient ayant été volé ou détruit par l’occupant et ses alliés locaux. Il leur faudrait se rééquiper en moyens logistiques, mobiliser des ressources financières, recruter du personnel qualifié afin de pouvoir répondre aux exigences des communautés de base mais aussi des PTF qui leur ont fait de la place. Il leur faudrait aussi reconsidérer les relations de collaboration avec des agents de l’Etat qui, en plus de leur salaire, croient devoir monnayer leurs prestations auprès des communautés sous le couvert des ONG.
Mais surtout, pour l’atteinte de leurs objectifs qui sont de relancer les activités économiques et d’impulser les véritables actions de développement, les ONG doivent pouvoir compter avec un Etat qui ait une réelle volonté politique de trouver une solution durable à la crise que vit le nord du pays et à toutes celles qui se profilent déjà. Mais pour cela, faudrait-il déjà poser des actes responsables, préalable pour que les acteurs au développement reviennent ou suivent le mouvement. Ce qui est loin d’être gagné par des autorités qui se satisfont du clinquant.
Cheick TANDINA
Envoyé spécial à Tombouctou