Des experts de l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal (OMVS) étaient en conclave les 23 et 24 octobre 2023 à l’hôte de l’Amitié de Bamako pour valider le rapport de l’étude de l’impact des activités d’orpaillage sur la Falémé du bassin du fleuve Sénégal. La cérémonie d’ouverture de l’atelier était présidée par le secrétaire général du ministère de l’Energie et de l’Eau, Djoro Bocoum, qui avait à son côté le secrétaire général de l’OMVS, Dr. Amadou Lamine Ndiaye, représentant le Haut commissaire de l’OMVS, Mohamed Abdel Vetah.
L’atelier de validation du rapport de l’étude de l’impact des activités d’orpaillage sur le fleuve Falémé du bassin du fleuve Sénégal est la suite de l’étude sur la dégradation de la Falémé par l’orpaillage artisanal traditionnel et semi mécanisé pratiqué de part et d’autre de la frontière sénégalo-malienne.
Selon le secrétaire général de l’OMVS, Dr. Amadou Lamine Ndiaye, représentant le Haut commissaire de l’OMVS, Mohamed Abdel Vetah, cette étude, financée par l’Agence française de développement (AFD) dans le cadre du projet Suivi et contrôle des ressources en eau (Screen) pour un montant de 656 millions F CFA, a pour objectif de caractériser et d’évaluer les impacts des activités d’orpaillage sur l’environnement de la Falémé, notamment l’impact sur la qualité des ressources en eau et les régimes hydrologiques du fleuve.
En outre, cette étude doit permettre de proposer des mesures correctives et un plan d’actions pour limiter les impacts de cette activité. “Le bassin versant de la Falémé est le siège de plusieurs sortes d’exploitations artisanales : éluvionnaire, alluvionnaire et filonienne. Il est aussi le théâtre d’une importante activité minière avec plusieurs grandes mines à ciel ouvert dans le cours amont, toutes proches du lit de la Falémé. Mais à côté des sites artisanaux, un autre type d’orpailleurs opère dans le lit de la rivière, avec des dragues de grandes dimensions, lourdement mécanisées. C’est pourquoi, le Haut-commissariat de l’OMVS, en collaboration avec les autorités sénégalo-maliennes a initié cette étude pour lutter efficacement contre le phénomène de l’orpaillage clandestin dans cette partie du bassin du fleuve Sénégal (Falémé)”, a-t-il rappelé.Il précisera qu’une des missions de l’OMVS est la gestion et la préservation de la ressource en eau du bassin du fleuve Sénégal. A ce titre, a-t-il insisté, la gestion rationnelle de l’environnement et la préservation de la Falémé, notamment dans les zones d’orpaillage devraient assurer le bien-être des populations présentes et des générations futures dans l’espace OMVS.
A ses dires, l’étude de l’impact des activités d’orpaillage sur le fleuve Falémé revêt une importance pour l’OMVS ainsi que les populations vivant dans le bassin du fleuve Sénégal, notamment dans la Falémé.
Evoquant quelques résultats de l’étude, il a insisté sur l’impact de l’orpaillage sur la Falémé. Il s’agit, entre autres, de la destruction du paysage avec un déboisement des sites (pour gagner de l’espace pour l’exploitation de l’or et récupérer le bois pour soutenir les puits creusés) ; la très forte turbidité (eau boueuse) due à l’intense activité des dragues de tout calibre dans le lit vif du fleuve ; les rejets de ces engins encombrent le lit vif et perturbent ainsi l’écoulement naturel de la Falémé ; les résidus miniers, constitués de minerais et de roches concassées, constituent une menace potentielle pour la qualité de l’eau, l’écosystème et la santé humaine ; les rejets miniers, tailings et stériles, issus des slices (canal de lavage) dispersent des métaux lourds potentiellement dangereux pour la santé : chrome, arsenic, plomb, cadmium et mercure.
Quelques recommandations de l’étude
Selon le secrétaire général de l’OMVS, Dr. Amadou Lamine Ndiaye l’étude a formulé des recommandations. Il s’agit, entre autres, de faire de l’orpaillage une cause nationale pour le Sénégal et le Mali, comme producteurs d’or “vert” (éco-responsable) reconnus officiellement, avec une véritable industrie et économie de ce métal, en faisant de l’orpaillage une activité reconnue et légale, et des orpailleurs des travailleurs reconnus et utiles (au lieu de travailleurs clandestins peu considérés) qui gagnent décemment leur vie ; faire appliquer les dispositions institutionnelles et règlementaires internationales par l’OMVS et nationales par les Etats sur la gestion des ressources en eau dans le bassin de la Falémé et du fleuve Sénégal pour un meilleur encadrement de toutes les actions requises pour faire de l’orpaillage artisanal, une activité d’Etat ; procéder à un accompagnement de l’OMVS aux Etats dans le cadre d’un programme de surveillance et de suivi de la pollution du cours de la Falémé, pour un meilleur encadrement dans l’utilisation et la manipulation du mercure et du cyanure, autorisée dans des sites dédiés et certifiés conformes d’un point de vue environnemental et sociétal avec un personnel habilité et formé, qui prendra en charge le traitement des minerais concentrés par les orpailleurs pour leur en extraire l’or ; conserver la paix sociale, mobiliser les orpailleurs en leur offrant un abonnement gratuit à un groupement d’Intérêt (GI) des orpailleurs responsables, avec une carte d’adhérent gratuite.
En ouvrant l’atelier, le secrétaire général du ministère de l’Energie et de l’Eau, Djoro Bocoum a déclaré que l’étude sur l’orpaillage et son impact dans la Falémé (bassin du fleuve Sénégal) a été préconisée dans le cadre du Projet de suivi et de contrôle de la ressource en eau et de l’environnement du bassin du fleuve Sénégal et confiée au Consultant “Ginger Sofreco”.
L’atelier régional qui a regroupé les représentants de la Guinée, du Mali, de la Mauritanie et du Sénégal, à ses dires, a constitué un cadre d’échanges et de travail collaboratif entre les parties prenantes de l’étude, en vue d’un examen sans complaisance du rapport proposé par le consultant et de la prise en compte de leurs préoccupations, commentaires et observations respectifs. Il a rappelé que l’exploitation aurifère traditionnelle est une pratique séculaire, qui remonte à l’époque des grands empires du Ghana et du Mali.
“C’est ainsi qu’on pouvait noter plusieurs types d’exploitations artisanales de l’or tels que : l’exploitation éluvionnaire, alluvionnaire et l’exploitation en roches (filons de quartz). Cependant, ces dernières décennies, le phénomène de l’orpaillage traditionnel dans les bassins fluviaux de nos pays est devenu un fléau qui gangrène toutes les couches de nos braves populations dans les villes comme dans les campagnes. C’est ainsi que l’on constate avec stupéfaction et désolation dans le bassin du fleuve Sénégal en général et plus particulièrement dans le bassin versant de la Falémé, une exploitation aurifère artisanale dévastatrice pour nos écosystèmes.
De nos jours, compte tenu de l’importance de cette activité pratiquée par beaucoup de nos concitoyens, l’extraction aurifère la plus intense se cantonne dans la partie amont du cours de la Falémé, causant ainsi des dégâts énormes aux conséquences souvent irréversibles pour notre environnement. Cette pratique qui jadis s’effectuait avec des moyens rudimentaires avec peu de résultat et de gain, a connu une évolution au point qu’elle utilise de plus en plus de moyens mécanisés pour les dragages en lit vif ou sur berge. C’est ainsi que notre Organisation commune, citée partout dans le monde comme une organisation exemplaire dans la gestion harmonieuse des ressources en eau et de l’environnement des bassins fluviaux, s’est vue prise de cours par l’évolution rapide et démesurée de cette forme d’exploitation aurifère, qui est de nature à compromettre l’existence de la Falémé, un cours d’eau incontournable dans le processus de développement et de protection des ressources en eau et de l’environnement de l’espace OMVS”, a-t-il déploré.
Siaka Doumbia