Compagnie malienne du développement des Textiles :rnPourquoi la CMDT sera privatisée en 2008 ?

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Après le rapport d”audit confirmant les dérives financières dénoncées par la Banque Mondiale et le FMI, l”interpellation de l”ancien PDG de la première entreprise du pays pourrait annoncer un déballage sans précédent.
La Compagnie Malienne du Développement des Textiles (CMDT), la première entreprise du pays, est-elle encore viable ? C”est la question que se posent les dirigeants de cette entreprise mais aussi les millions de planteurs de coton, fournisseurs de la CMDT, depuis la publication, le 17 août, du rapport d”audit provisoire du cabinet Ernst & Young sur les états financiers de la société au 31 décembre 1999. C”est la question que se posent également les nouveaux responsables de la Compagnie française pour le développement des fibres textiles (CFDT), établie dans le 8e arrondissement de Paris.

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La CFDT est, en effet, à la fois l”actionnaire de référence (40 % du capital), l”assistant technique et le négociant, via sa filiale la Compagnie cotonnière (Copaco), de la CMDT (*). Les regards se tournent de plus en plus vers Michel Fichet, ancien président de la CFDT et ami intime du puissant Drissa Kéïta, patron de la CMDT de 1991 à janvier 2000, interpellé et mis en garde à vue le 2 septembre.

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Le document en quatre volumes dresse un tableau des plus sombres du fleuron de l”économie malienne. Cinquante-sept milliards de francs CFA de déficit, un système d”information défaillant, une comptabilité matière approximative, un contrôle interne insuffisant, des malversations, etc.

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La compagnie, qui passait pour un modèle de gestion, prend des allures de caisse noire. D”aucuns lui trouvent déjà des ressemblances troublantes avec l”ancienne Caisse de stabilisation ivoirienne (Caistab), qui régna pendant près de quarante ans sur la production et la commercialisation du café et du cacao, et n”hésitent pas à lui prédire le même sort.

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Censée stabiliser les prix du café et de cacao et garantir un revenu aux planteurs, la Caistab s”était métamorphosée en une véritable pompe à finances au service des gouvernants et des cadres du parti au pouvoir.

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En 1999, la Banque mondiale, après plusieurs années de négociations harassantes, a obtenu la dissolution de la Caisse.

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«La CMDT, résume un connaisseur de la vie politique malienne, est pour l”Alliance pour la démocratie au Mali (Adema) [le parti du président Alpha Oumar Konaré, NDLR], ce qu”était la Caistab pour le Parti démocratique de Côte d”Ivoire (PDCI), l”ancien parti unique.» On raconte même que Drissa Keïta, l”ex-patron de la compagnie, était considéré comme un des successeurs potentiels de Konaré.

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Autre ressemblance troublante avec la défunte Caistab : la CMDT est depuis plusieurs années dans le collimateur de l”institution de Washington, qui exige sa restructuration puis sa privatisation.

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Le rapport de Ernst & Young ne pouvait donc plus mal tomber. D”autant qu”il ne fait que reprendre, en les étayant, les conclusions de l”aide-mémoire de la mission conjointe de la Banque Mondiale et du Fonds Monétaire International (FMI), transmis au gouvernement le 5 novembre 1999. Dans ce document, les experts des deux institutions notaient déjà de «dérives graves» et déploraient la chute des performances de la CMDT (47 milliards de F CFA de déficit pour la campagne 1998-1999). Une chute qu”ils attribuaient «pour une part à la baisse prolongée des cours de la fibre de coton (30 % en deux ans ), mais aussi, et principalement, à des problèmes de gestion.» Problèmes que le plan d”assainissement présenté par les autorités, en juillet 1999, dans le cadre de l”Initiative des pays pauvres très endettés (PPTE), à laquelle le Mali était candidat, éludait sans vergogne. Les responsables s”étaient contentés de mesures quantitatives (baisse du prix du coton au producteur, réduction des dépenses de fonctionnement et d”investissements, remise d”impôts, etc.) jugées insuffisantes par la Banque et le Fonds.

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La publication de cet aide-mémoire, classé ultraconfidentiel, dans plusieurs journaux de la place avait suscité de vives réactions au sein de la classe dirigeante et dans l”état-major de la CMDT.

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Le gouvernement parla de «fuite organisée» par, affirmaient des partisans du président malien, les anti-Konaré au sein de l”Adema.

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L”entourage de Drissa Keïta soutenait, lui, que le coup ne pouvait venir que des institutions de Bretton Woods. La Banque et le Fonds, disaient des proches du PDG, avaient exagéré volontairement la situation afin de hâter la privatisation de la compagnie. Pour eux, ce comportement est d”autant plus incompréhensible que les experts de Washington qualifiaient encore leur entreprise, au début de l”année dernière, de «success story».

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Pour les experts de la Banque mondiale, ces réactions ne font que traduire l”embarras du gouvernement et des responsables de la CMDT. «Les autorités, la direction et les actionnaires de la société, dont la CFDT, affirme l”un d”eux, étaient bel et bien au fait de la situation catastrophique de la compagnie. Si la crise de la filière malienne du coton ne s”expliquait vraiment que par la chute des cours internationaux de la fibre, pourquoi alors avoir entretenu un tel mystère autour de l”aide-mémoire de la Banque mondiale et du FMI

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La sensibilité du dossier – 2,5 millions d”exploitants, soit 40 % de la population rurale, vivent du coton – et, surtout, la complicité des dirigeants de la CMDT et des responsables politiques expliquent en grande partie la démarche du gouvernement. «Si l”aide-mémoire n”avait pas été rendu public, Drissa Keïta serait encore à la tête de la Compagnie», analyse un cadre de la Banque mondiale.

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Le 10 janvier, soit deux mois après cette publication, le Président Konaré a été en effet contraint de se séparer de son «poulain». Remplacé par Bakary Traoré, jusqu”alors Président de la Banque Nationale pour le Développement Agricole (BNDA), Kéïta n”a pas cessé de défendre son bilan. Quelques jours seulement avant son limogeage, il n”a pas hésité à brandir à la face de ses détracteurs un accord de prêt entre la CMDT et un pool bancaire international, dont font partie le Crédit Lyonnais et BNP-Paribas, portant sur un montant de 80 milliards de F CFA. «La Compagnie, clamait alors un de ses proches, a encore la confiance des grandes banques internationales. Drissa Keïta peut partir la tête haute !» Pas pour longtemps. Pour en avoir le coeur net, le FMI et la Banque mondiale exigent, en échange d”une éventuelle éligibilité à la PPTE, un audit des états financiers de la CMDT pour les quatre derniers exercices comptables (1996, 1997, 1998 et 1999). Mis en cause dans le rapport provisoire qui a été remis au président Konaré le 17 août, Keïta a été interpellé le 2 septembre et mis en garde à vue dans le cadre de la campagne de lutte contre la corruption lancée, voilà un an, par le chef de l”État. «L”arrestation de Drissa Keïta, commente un de ses anciens collaborateurs, aura à coup sûr des conséquences fâcheuses.

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 Le pouvoir, qui ne peut lui réserver un traitement particulier, court le risque d”un déballage qui, à mon avis, n”épargnera aucun membre du gouvernement ni de l”état-major de l”Adema.» Ni,  peut-être, les anciens dirigeants de la CFDT.

rn   Source Jeune Afrique  du 12 Septembre 2000

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