Comment éviter les erreurs du passé ? Quatre leçons aux décideurs soucieux du développement

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Depuis l’accession de notre pays à la souveraineté nationale, les gouvernements successifs se sont donné comme objectif commun le développement du pays. Quarante-sept ans après, les discours se ressemblent, mais nous persistons dans un sous-développement inégalé. Comme si cet échec n’était pas suffisant, l’histoire semble se répéter avec un futur qui ressemble plus au passé. Les raisons de cette défaite sont nombreuses, mais la part des politiques demeure incontestée. Que les leaders politiques aient tous aimé le Mali, nul ne peut en douter. Mais les méthodes ont divergé avec des résultats qui n’ont nul besoin de commentaires. Il est aujourd’hui nécessaire d’en tirer toutes les leçons pour ne pas répéter les erreurs du passé. En voilà quelques-unes à retenir.

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Première leçon. Le développement n’est pas synonyme de croissance économique. Plutôt, c’est un système social qui va loin au-delà des chiffres. Les chiffres sont certes importants, mais il n’est un secret pour personne que les facteurs non économiques sont tout aussi cruciaux pour le développement d’une nation. Parmi ces facteurs l’on a : l’attitude envers la vie, le travail, l’autorité, l’intégrité, la promotion du mérite, la tolérance, la religion et les liens de parenté. Ces facteurs, qui varient d’un pays à l’autre, constituent le noyau central du développement puisqu’ils ont des conséquences directes sur la productivité, l’efficacité des services publics, la croissance (diversifiée), le chômage et donc le niveau de vie. Pour que ces facteurs retrouvent tout leur rôle, la moralisation de l’action publique est une nécessité, et la responsabilité de l’Etat passe au premier rang puisqu’il fixe le cap.

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Deuxième leçon. L’Etat doit donner le bon exemple en sanctionnant sévèrement les cadres qui faillissent à leurs obligations pour servir de leçons aux autres. Le gouvernement chinois, bien qu’étant communiste, fait de son mieux pour enrayer toute suspicion d’immoralité en son sein. Pour servir de leçons aux cadres tentés de faillir à leur devoir, le directeur de la sécurité alimentaire et des médicaments et son assistant viennent d’être exécutés il y a juste quelques jours. Leur crime ? Avoir accepté des pots-de-vin pour l’autorisation de certains produits non-conformes aux normes.

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Il y a un mois, le ministre de l’Agriculture japonais s’en est pris à sa propre vie après avoir été soupçonné de corruption (sans être mis en examen). Ces sanctions – si fréquentes en Asie de l’Est en sont pour quelque chose dans la qualité sans pareille du public – aussi démesurés qu’elles semblent traduisent l’attitude des leaders soucieux de leur devenir. Ces gouvernements asiatiques ont compris que le poisson pourrit toujours par la tête, et de fait, ils veillent à ce que les chefs des services publics soient les meilleurs d’entre eux.

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Troisième leçon. Quand la carrière nationale la plus convoitée est de faire la politique, notre développement ne serait qu’un mirage. Aujourd’hui, la société malienne est en crise. Tout le monde veut être président et tout le monde veut être député, y compris ceux qui ont un passé douteux. La raison est connue : la politique, pour le Malien, représente le raccourci vers une vie de rêve. Du jour au lendemain, un politicien peut se retrouver ministre ou directeur, et donc parmi les plus riches. Ils n’ont ni passion pour le service public ni idée pour résoudre les maux sociaux. Le trafic d’influence dont ils abusent à tort et à travers leur permet de jouer les rôles qui ne sont pas les leurs.

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Quatrième leçon. Aussi longtemps que les bureaucrates seront dotés d’un pouvoir discrétionnaire inégalé, tel le cas présentement, qui leur permet de rendre tout possible y compris le pire, les décisions seront toujours basées sur des calculs personnels. Ce pouvoir discrétionnaire transforme les serviteurs de l’Etat en des demi-dieux qui peuvent, sans justification aucune, nuire à un prestataire de service public ou mettre un terme à la carrière d’un autre.

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Au lieu d’être les serviteurs des citoyens reconnaissant que leur salaire et donc leur survie dépendent intégralement des contribuables, en les voyant parler et agir, on a l’impression d’avoir affaire à un roi s’adressant à ses sujets. Cet abus de pouvoir de discrétion fragilise nos institutions censées protéger les citoyens contre l’excès des tenants du pouvoir.

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Paradoxalement, les réponses appropriées sont aussi claires que les problèmes : qu’on cesse de créer des ministères inutiles pour récompenser les alliés politiques, qu’on nomme à la tête des ministères et autres services publics de grands talents et d’indiscutables patriotes, que les représentants des citoyens les plus misérables de la planète cessent de circuler dans des Mercedes, qu’on augmente les salaires et qu’on licencie les fonctionnaires qui se présentent à 9 h au travail, qu’on interdise l’achat et la vente des produits ou tissus dans les lieux de travail public, qu’on élimine le pouvoir de discrétion des bureaucrates qui fait tant de mal au professionnalisme des agents publics. Qu’on renforce nos institutions pour qu’elles mettent chacun à sa place et chacun dans ses droits, et qu’on respecte ceux qui ont des points de vue différents mais qui sont tout aussi animés par la volonté de contribuer au développement de leur pays.

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En attendant, le goût du gain facile, l’absence de dignité, l’abus de confiance, le paraître, le trafic d’influence et l’incompétence continueront à faire partie intégrante de notre vie. Quel gâchis !

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Soya Djigué

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(économiste)

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