Le barrage de Taoussa fait l’objet, depuis quelques mois, de beaucoup de rumeurs et de spéculations. Pendant que les uns s’interrogent sur l’arrêt des travaux, d’autres spéculent sur les raisons qui ont motivé cet arrêt. De quoi s’agit-il ? Enquête.
Les travaux de construction du barrage de Taoussa ont, en principe, commencé avec le lancement effectué en Février 2010 par le président de la République, Amadou Toumani Touré. Et depuis, beaucoup de nos compatriotes pensaient à un démarrage effectif des travaux de construction du barrage proprement dit. Il n’en est rien. En fait, c’est l’entreprise chinoise China Gezouba Group Compagny (CGGC), chargée de la construction de la cité du barrage, qui a entrepris des travaux sur le site. Il s’agit pour elle de construire les bureaux et les logements des cadres de l’Autorité pour l’aménagement du barrage, le nouveau village de Taoussa et sa propre base. Ce sont uniquement les travaux de construction de la base, des bureaux et logements de l’autorité qui sont effectivement en cours, avant que les chinois ne décident d’aller en vacances. Selon l’autorité du barrage, l’entreprise a évoqué des raisons liées aux vents de sable et la forte chaleur pour justifier ses vacances. Mais d’autres sources aussi indiquent que l’insécurité dans la zone n’est pas étrangère à ce repli des chinois. Dans tous les cas, l’entreprise n’a aucune obligation vis-à-vis de l’Etat dans la mesure où elle n’a pas encore signé son contrat pour l’exécution des travaux. L’entreprise, elle-même, a préfinancé le début de ses travaux.
C’est sur l’arrêt des travaux de l’entreprise chinoise que les populations spéculent. Pendant que certaines personnes s’interrogent sur le bien fondé de cette interruption, d’autres avancent des raisons plus où moins inexactes comme le retrait de certains bailleurs de fonds, des réserves des autorités du Niger et de l’insécurité dans la zone.
Pour l’Autorité pour l’aménagement du barrage de Taoussa, tout cela n’est que spéculations inutiles et sans fondement. D’ailleurs, selon elle, l’entreprise chinoise, qui leur a écrit en avançant ces arguments, a laissé sur place un personnel réduit pour la surveillance de sa base et de ses matériels.
L’autorité affirme que le processus de construction de l’ouvrage de Taoussa suit son cours. Que le retard accusé dans le démarrage des travaux n’est lié en aucune manière aux allégations soulignées plus haut, mais plutôt à une lourdeur administrative. Les responsables de l’autorité tiennent d’ailleurs à préciser que les travaux proprement dits de l’ouvrage n’ont pas commencé.
C’est seulement après les vacances gouvernementales de cette année (précisément le 8 septembre 2010) que le conseil des ministres a adopté le projet de décret portant approbation du marché relatif aux prestations d’Ingénieurs-conseils pour le contrôle et la surveillance des travaux de construction de l’aménagement de Taoussa. Ceci explique que les travaux ne sont pas en train d’être exécutés : il est impossible de démarrer des travaux de cette ampleur sans un bureau de contrôle et de surveillance.
Pas de problèmes…
Le barrage de Taoussa est un projet multisectoriel comprenant le barrage et les autres ouvrages, notamment la route (130 km entre Taoussa et Gao), l’aménagement de 185.000 hectares de terres, la construction du nouveau village de Taoussa, l’aménagement d’un port de pêche, et la construction de la cité du barrage. Ce sont les travaux de cette dernière qui étaient en cours et qui sont momentanément arrêtés pour les raisons évoquées plus haut.
S’agissant de l’ouvrage proprement dit, il sera construit par une entreprise qui n’est pas encore connue. Mais le processus de sélection est en cours. Quatre entreprises ont été déjà retenues lors de la présélection. Les experts du gouvernement sont entrain de faire les derniers réglages afin de retenir une seule entreprise parmi les quatre de la présélection.
Concernant la composante route aussi, le choix de l’entreprise de construction est sur la bonne voie, rassurent les responsables de l’autorité du barrage. C’est pareil pour les aménagements hydro agricoles. Pour cette composante, l’autorité attend seulement un arrêté du ministère de l’économie et des finances pour lancer l’appel d’offres.
Ensuite, d’autres spéculateurs jouent à réveiller des vieux démons, notamment les réserves du Niger et du Nigeria à propos de la construction du barrage de Taoussa. L’ Autorité de Taoussa rappelle que c’est un vieux problème qui a été solutionné. Le Gouvernement du Mali a signé avec celui du Niger un protocole d’accord, le 6 Octobre 2004. Ce protocole est toujours en vigueur. Avec le Nigeria aussi, un accord a été signé dans le cadre de l’ABN (Agence du Bassin du Niger) sur le projet de Taoussa. Depuis la signature de ces accords, il n’y a pas eu de problème, a indiqué le responsable de l’Autorité.
Mise à disposition des fonds…
Le projet de Taoussa est estimé à environ 142 milliards FCFA. Avec le barrage et ses ouvrages annexes, la route d’accès, le système électrique comprenant une centrale électrique de 25 MW, un réseau de transport d’énergie électrique devant desservir les villes de Bourem, Gao et Bamba, les aménagements hydro-agricoles, la construction de la cité et du nouveau village de Taoussa, le projet est l’un des plus grands ouvrages de génie civil jamais réalisé dans notre pays.
Aussi, il a fallu beaucoup de patience et de la diplomatie au gouvernement du Mali pour convaincre les bailleurs de fonds. Ils sont au total neuf plus l’Etat malien. Il s’agit de la BID, des fonds de l’OPEP, de la BADEA, de la BOAD, de la BIDC, de la Banque Mondiale, des Fonds d’Abu Dhabi, du Fonds saoudien et du Fonds koweitien.
Tous ces bailleurs ont déjà signé des accords de financement avec le gouvernement malien. C’est d’ailleurs pourquoi l’autorité du barrage balaie d’un revers de la main les informations selon lesquelles certains bailleurs se sont retirés du projet de Taoussa. « Aucun bailleur ne s’est retiré. Ils ont d’ailleurs commencé à mettre à disposition leurs fonds… », précise notre interlocuteur, qui a requis l’anonymat. Il nous explique que la seule difficulté, c’est la complexité des procédures. Entre l’évaluation d’un projet et l’entrée en vigueur de l’accord de financement, plusieurs années peuvent s’écouler. D’où la difficulté à mettre en route un projet de l’envergure de Taoussa. Mais les responsables de l’Autorité sont confiants et estiment que les travaux du barrage de Taoussa pourraient effectivement commencer avant la fin de l’année.
Idrissa Maïga