Le barrage de Kandadji est un gigantesque projet de la République du Niger soutenue par 11 bailleurs de fonds à concurrence de 900 milliards FCFA. Il ambitionne «d’accroitre l’accès à l’eau pour le développement agricole, la capacité de production d’énergie hydroélectrique dans la partie nigérienne du Bassin du Niger et contribuer à la réduction de la variabilité saisonnière du débit en aval de Kandadji jusqu’aux frontières béninoise et nigériane». Le Président Mohamed Bazoum accorde une attention particulière à la réalisation des travaux supervisés par l’Agence du Barrage de Kandadji (ABK).
Le Barrage de Kandadji est situé sur le fleuve Niger à 180 km au nord ouest de Niamey et à environ 60 km en aval de la frontière du Mali. Il s’agit d’une gigantesque infrastructure de développement dont la réalisation des travaux est suivie de très près par le Président Mohamed Bazoum.
Un an après sa prise de fonction, le chef de l’Etat nigérien s’est rendu le 10 septembre 2021 sur le site. Le 24 mai 2022, il a présidé une réunion de haut niveau sur la mise en œuvre du programme conçu autour de ce barrage dénommé « Kandadji ». Et dès son installation aux commandes de l’Etat, il a reçu l’équipe de Kandadji pour s’enquérir de l’évolution des travaux.
Mercredi 8 juin 2022. Une équipe de journalistes africains quitte Niamey tôt le matin sous bonne escorte de deux pick-up d’une unité spéciale de la garde nationale nigérienne pour se rendre sur le site. Les journalistes sont accueillis à la base de l’Agence du Barrage de Kandadji (ABK) par son secrétaire général, Ali Yero Amadou et son directeur technique, Doulla Harouna, en présence des experts chinois et indiens en charge de la réalisation et du suivi des travaux. Le secrétaire général détaille à ses hôtes les étapes de cette visite de terrain. Il insiste sur le port du gilet et du casque pour accéder aux chantiers. Un préalable avant de mettre le cap sur le site proprement dit, distant d’environ 3 km. Le convoi lourd de plusieurs véhicules est escorté par des équipes de pandores assurant la sécurisation des lieux.
21% de réalisation des travaux en BCR (Béton Compact au Rouleau)
La délégation s’arrête au niveau de l’emprise en Béton Compact au Rouleau (BCR) de ce vaste chantier que quelques manœuvres sont en train d’arroser. De là, le visiteur se rend compte de l’immensité des travaux abattus et surtout des fouilles effectuées sous la digue. Un peu plus loin, des camions-bennes déversent des tonnes des boues pour dévier l’autre bras du fleuve. Ces camions défilent sous le regard vigilant des ingénieurs chinois qui tiennent chacun un poste «radio» pour mieux communiquer. A l’intérieur de chaque camion-benne conduit par un chauffeur sans apprenti, se trouve un petit système de ventilation.
Selon Vijay Pai Singh Chauhan, de nationalité indienne, les travaux du bétonnage se poursuivent jusqu’au mois d’août. «Nous sommes actuellement à 21%. D’ici août, le taux va s’améliorer», a expliqué Doulla Harouna, directeur technique de l’ABK. Selon lui, l’insécurité a impacté le début des travaux tout comme l’arrivée des techniciens et des matériels avec la Covid 19. Doulla Harouna rassure que le site est sécurisé aujourd’hui. Une affirmation facilement vérifiable avec l’impressionnant dispositif sécuritaire qui quadrille le chantier afin de permettre le bon déroulement des travaux.
Après les sites du barrage et de la centrale hydro-électrique, la délégation, a visité la centrale à béton où des machines concasseuses tournent sans arrêt. A la centrale électrique, un bruit assourdissant accueille le visiteur. Elle comporte 6 groupes électrogènes qui assurent l’approvisionnement du site en électricité. Selon le directeur technique, Doulla Harouna, l’entreprise a préféré avoir sa propre centrale pour produire l’électricité 24h/24h. Car, a-t-il expliqué, une minute de coupure de courant peut occasionner un arrêt des travaux d’un mois. Le directeur technique de l’ABK se veut optimiste pour l’avancée des travaux.
Cette visite du chantier a été suivie d’une rencontre avec les populations locales réinstallées de Sanguilé dans le cadre de la réalisation de l’ouvrage. Le chef de village est entouré par quelques un de ses notables.
Sanguilé, selon Diaouga Idrissa, responsable du département de la sauvegarde environnementale et sociale de l’ABK, est l’un des trois villages touchés par la réalisation de ces travaux qu’il a fallu réinstaller. Le processus de réinstallation a été participatif, a-t-il avoué avant de rappeler les infrastructures collectives (écoles, centres de santé, mosquées, adduction d’eau, électricité, etc.) réalisées au profit des populations déplacées. A en croire Diaouga Idrissa, les leçons tirées de la première vague permettront d’améliorer les prochaines étapes.
«Nous n’avons pas de problèmes avec l’entreprise en charge de la construction du barrage», a déclaré le Chef de village de Sanguilé. Il a toutefois évoqué des difficultés liées à l’approvisionnement en eau du village qui accueille de plus en plus de populations déplacées du fait de l’insécurité.
Pour Mme Aminata Alassane, Présidente des femmes de Sanguilé, «les femmes continuent avec les activités génératrices de revenus comme elles le faisaient, sauf les productions de contre-saison à cause des problèmes d’eau». Avec l’électricité, elles arrivent à faire des activités et se sentent mieux, a-t-elle déclaré.
Aux préoccupations relatives à l’accès à l’eau potable, le responsable du département de la sauvegarde environnementale et sociale de l’ABK a tenu à apporter quelques éclairages. Ce problème, a expliqué Diaouga Idrissa, est dû essentiellement au système de pompage d’eau qui reste manuelle. L’équipe en charge de pomper l’eau accuse des retards. Pour résoudre définitivement ce problème d’eau, il préconise de connecter le système d’adduction d’eau à Nigelec.
Multiples avantages d’une infrastructure de développement
La réalisation de cette infrastructure de développement devra contribuer à la réduction de la variabilité saisonnière du débit en aval de Kandadji à travers la création d’un réservoir d’une capacité suffisante de 1,443 milliards de m3 répondant aux exigences de soutien d’étiage (120 m3/s à Niamey) pour atténuer la dégradation de l’écosystème du fleuve. Elle permettra d’accroitre l’accès à l’eau pour subvenir aux besoins domestiques et développer l’irrigation afin d’atténuer l’insécurité alimentaire et les conditions de vie des populations à travers la mise en valeur du potentiel de terres irrigables de la vallée du Niger. Elle permettra aussi d’accroitre la capacité de production nationale d’énergie hydroélectrique (capacité : 130 MW, production : 629 GWh) permettant d’améliorer le taux de couverture des besoins du pays en énergie.
Chiaka Doumbia*Envoyé spécial à Kandadji*
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Les assurances données par le directeur général de l’ABK
Ingénieur de Génie civil, diplômé de l’Université de Sherbrooke au Canada, Amadou Harouna est directeur général de l’Agence du Barrage de Kandadji, un établissement public à caractère industriel et commercial relevant de la Présidence de la République du Niger. C’est un vieux projet, a confié Amadou Harouna aux journalistes. Si l’idée a commencé à germer lors des épisodes de sécheresse sévères de 1970, les premières études datent de 1970, la mise en œuvre du programme a véritablement commencé à se concrétiser avec l’engagement des études de faisabilité en 1997 et la formulation du Programme Kandadji de Régénération des Ecosystèmes et de mise en valeur de la vallée du Niger (P-KRESMIN) en 2001.
L’objectif est d’accroitre l’accès à l’eau pour le développement agricole, la capacité de production d’énergie hydroélectrique dans la partie nigérienne du Bassin du Niger et contribuer à la réduction de la variabilité saisonnière du débit en aval de Kandadji jusqu’aux frontières béninoise et nigériane.
Le Plan d’action de Réinstallation (PAR) concerne environ 60 000 personnes regroupése en deux vagues. La première vague déjà exécutée a touché 10 000 personnes qui se trouvaient sur le site des travaux. La deuxième vague va englober 50 000 personnes installées dans l’emprise de la retenue du barrage. 3000 personnes sur le territoire malien seront aussi concernées par cette deuxième vaque. Conçu comme un programme de développement socio-économique, le PAR comprend les travaux de viabilisation des sites de réinstallation ; la construction des logements et infrastructures collectives administratives, culturelles et cultuelles (écoles, centres de santé) ; l’aménagement des périmètres hydro-agricoles en compensation de la perte des terres subies par les populations ; l’appui au développement des activités agricoles, pastorales, commerciales, de sylviculture, de pêche, des activités génératrices de revenus et l’indemnisation des populations en numéraire pour l’auto-construction des annexes de concessions.
« Notre capacité à mettre le barrage à l’eau en 2025 dépendra de notre capacité de déplacement des populations», a laissé entendre Amadou Harouna. Selon lui, le plus grand défi est la sauvegarde environnementale conformément aux exigences des bailleurs dont certains sont très regards sur ces détails.