A l’occasion de la réunion annuelle des services des routes 2019, tenue à Sikasso, le ministre Seynabou Diop a fait une sortie des plus inattendues. Elle a surpris plus d’un en remettant en cause le professionnalisme et l’intégrité morale des Chefs des services relevant de son département.
En poste depuis plus de 4 ans, les Maliens ont été surpris de ce réveil soudain de madame le ministre qui vient de se rendre compte de l’inefficacité de toutes les actions entreprises pour la construction et l’entretien des routes à travers le pays. Elle en a profité pour accuser ses collaborateurs directs d’amateurisme, de manque de professionnalisme, de manque de rigueur dans la passation des marchés publics, de népotisme, de clientélisme….
Sur un ton à l’allure d’un réquisitoire, Madame le ministre a pointé du doigt l’ensemble des structures de son département. Elle affirme : « Si des résultats encourageants ont été enregistrés, le chemin reste encore long pour doter notre pays d’infrastructures routières adaptées et de qualité. En effet, nous recevons des sollicitations de plus en plus fortes de nos concitoyens qui exigent des infrastructures routières offrant les meilleurs niveaux de service. C’est pourquoi, je saisis cette occasion qui m’est offerte pour inviter instamment la direction nationale des routes, la direction générale de l’Autorité routière, la direction générale de l’AGEROUTE et l’ensemble de tous les services intervenant dans le secteur des routes à plus de rigueur et de pro-activité dans l’exécution et le suivi des travaux ».
Comme pour s’accuser elle-même, elle s’en est prise particulièrement à la direction nationale des routes. En ces termes : « je l’exhorte à plus de professionnalisme, je dis bien : plus de professionnalisme, aussi bien dans l’analyse des rapports d’études que dans l’exécution des travaux afin d’éviter au maximum les multiples avenants ». Pour montrer son exaspération, elle explique avoir déjà fait cette recommandation l’an dernier au cours de la réunion annuelle des routes. « Le recours aux avenants doit être une exception », a-t-elle déclaré. Avant de remettre en cause les méthodes d’approbations des études techniques par la Direction nationale des routes. Mais, sans prendre de sanctions.
Aussi, elle dénonce le non respect des délais de réalisation des travaux. A ce sujet, elle se dit désormais intraitable. « Les retards relevant de votre responsabilité ne sont pas acceptables », a-t-elle déclaré. Et, invite la direction nationale des Routes à sortir de ses bureaux pour investir le terrain afin d’effectuer fréquemment et régulièrement des missions et veiller strictement au respect des engagements contractuels.
« Nos interventions n’ont pas été à hauteur de souhait…. »
Passant aux aveux, Madame la Ministre avoue : « l’année 2019 a été une année d’épreuves, car, nos interventions n’ont pas été à hauteur de souhait… et de justifier cet échec… nos démarches n’ont pas été toujours accompagnées et cela dans un contexte socioéconomique difficile que connaît notre pays ».
Dans la stratégie de montrer pattes blanches, Madame le ministre a indirectement, brusquement et surtout maladroitement dénoncé des pratiques qui jurent avec toutes les procédures légales. « Nous devons bannir de notre langage des expressions telles que ‘’ on a l’habitude de faire comme ça’’. Toute action que nous posons doit avoir une base légale », a-t-elle instruit. Et, pour être plus précise, Madame le ministre a « invité l’ensemble des responsables en charge de la commande publique, à avoir comme seules règles dans leurs analyses des offres et surtout dans leurs propositions d’attribution des marchés et contrats, l’équité, la transparence, l’impartialité et la célérité ».
Plus loin, dans un langage accusateur à peine voilé, et comme pour reconnaître l’existence de pratiques peu orthodoxes, Madame le ministre, au lieu de prendre des sanctions à hauteur de souhait, a simplement invité ses collaborateurs à mettre fin au népotisme, au clientélisme et au retard dans l’exécution des travaux.
Partant, ce discours va-t-en guerre à la limite du populisme n’a pas laissé les observateurs indifférents. Plusieurs hypothèses ont été émises. De deux choses l’une. Les partisans de la théorie du complot voient en cette stratégie de Madame le ministre une façon de séduire à nouveau ses employeurs. Surtout qu’un spectre de remaniement plane. La seconde hypothèse, pour les moins sceptiques, serait que les subordonnés de Madame le Ministre travailleraient à sa chute pour prétendre chacun occuper le fauteuil. Et, une autre hypothèse des plus osées évoquerait une affaire de prébendes.
Dans tous les cas, cette sortie musclée de Madame le ministre n’est pas anodine. Pourquoi, c’est maintenant que Madame le Ministre voit toutes ces défaillances autour d’elle ? Entendu qu’elle est à la tête de ce département depuis plus de 4 ans. Il nous revient que les pratiques qu’elle dénonce aujourd’hui, ont toujours existé au niveau de ce département, et ont fait le bonheur de plusieurs cadres au détriment du trésor public malien.
Assane Koné