Face au rapatriement de façon unilatérale de 5 milliards d’Euro en guise de réserves de change (avoirs extérieurs) vers la BCEAO (Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest), au mois de mai 2021, Dr SikoroKéïta (Ph.D. en Economie de l’Université Laval, Québec, Canada) invite les pays de l’UEMOA à se lever rapidement pour coordonner leurs actions et adopter une orientation commune avec les autres pays de la CEDEAO.
Dr Sikoro Kéïta a d’abord rappelé que, le 29 juin 2019 à Abuja au Nigéria, lors de la 55è session ordinaire de la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement de la CEDEAO, la création d’une monnaie unique CEDEAO, dénommée « Eco », (tiré de ECOWAS, l’équivalent en anglais de CEDEAO), a été entérinée pour l’année 2020, après plusieurs tentatives infructueuses depuis les années 1980. Cette décision a, par ailleurs, été renforcée,ajoute-t-il, le 07 juillet 2019, à Niamey, au Niger, lors du sommet extraordinaire de l’Union Africaine (UA), avec le lancement de la « phase opérationnelle» de la ZLECA (Zone de Libre-Echange Continentale Africaine).
Toutefois, contre toute attente, le 21 décembre 2019, à Abidjan, en Côte d’Ivoire, les présidents français Emmanuel Macron et ivoirien Alassane Ouattara (alors président en exercice de la Conférence des Chefs d’Etat et Gouvernement de l’UEMOA),actent l’abandon du Franc CFA au profit de l’ECO (monnaie unique de la CEDEAO), et cela sans concertation ni implication des autres pays concernés, y compris les pays anglophones comme le Nigéria, le Ghana, etc.,qui sont,en revanche,parmi les grands leaders de cette organisation, a-t-il relevé.
Selon Dr Kéïta, l’ECO à la Macron-Ouattaran’est ni plus ni moins qu’un « CFA bis », puisque, entre autres, les questions d’intermédiation par la France, de parité fixe avec l’Euro (la monnaie européenne) et d’impression de ladite monnaie, à Chamalières, en France, n’ont littéralement pas été touchées, ce qui a valu son rejet par les autres pays de la CEDEAO, notamment, le Nigéria, le Ghana, la Sierra-Leone, le Libéria, la Gambie et la Guinée, le 16 janvier 2020, à Abuja, au Nigéria.
Malgré cela, la France a adopté en Conseil des ministres, en mai 2020, puis voté le 10 décembre 2020, par l’Assemblée Nationale, la loi N°2986 autorisant l’approbation de la Réforme d’Abidjan du 21 décembre 2019, souligne Dr Kéïta. L’application de cette loi suit désormais son cours depuis, malgré qu’en son article 10, il est clairement stipulé que ce nouvel accord de coopération entre la France et les pays de l’UEMOA n’entrera en vigueur qu’à la date d’entrée en vigueur de la Convention de garantie de la nouvelle monnaie (ce qui n’est pas encore le cas) et, plus important encore, sous réserve de la ratification par les parlements de l’ensemble des pays concernés(ce qui loin d’être le cas des pays de l’UEMOA).
En clair, la France est en train de « faire cavalier seul », ajoute Dr Kéïta, pendant que nos pays restent en observateurs. Elle a même commencé, au mois de mai 2021, à rapatrier,de façon unilatérale,5 milliards d’Euro, en guise de réserves de change vers la BCEAO (Banque Centrale de l’UEMOA), réserves déposées au Trésor français depuis la Convention de compte d’opérations,signée le 29 septembre 1955 (que certains estiment aujourd’hui à plus de 500 milliards de dollars américains).
Plusieurs questions se posent dès lors, entre autres : Quel est à ce jour le montant global des réserves de change des pays de l’UEMOA déposées auprès du Trésor français ? Pourquoi, ces pays ne sont-ils pas associés à l’application de la réforme d’Abidjan ? Quelle en sera la répartition par pays et la gestion par la CEDEAO des réserves transférées ? etc.
Malheureusement, regrette-t-il, il y a un immobilisme criardet un silence radio inquiétantde la part des pays de l’UEMOA, qui présagent de graves problèmes économiques,dans un futur pas lointain, si rien n’est fait pour s’approprier de ce processus de transition en accordant les violons avec la France. Les pays de l’UEMOA devraient se lever rapidement pour coordonner leurs actions et adopter une orientation commune avec les autres pays de la CEDEAO.
Par ailleurs, Dr Sikoro Keïta est co-auteur du livre intitulé« Le Franc CFA : Chute du dernier maillon de la colonisation – Création de monnaies autonomes », paru le 1er trimestre 2020, aux Editions Jamana.
Falé COULIBALY