Ce rapport d’assistance au Mali préparé par une équipe du département des finances publiques du Fonds monétaire international (FMI) après une mission en début d’année 2014 s’appuie sur les informations disponibles en mars 2014 date à laquelle il a été achevé. Face aux nombreuses faiblesses, l’institution de Breton Woods a formulé dix recommandations pour redresser la tendance.
Comme principales faiblesses reprochées à la chaine de dépense au Mali, le Fonds retient, en particulier l’inefficacité, faute de sanctions graduées, des contrôles pourtant abondants et parfois redondants ; l’absence d’instruments de suivi quantitatif et qualitatif de la gestion ; la complexité des procédures précontractuelles ; la vulnérabilité des dépenses dérogatoires qui peuvent concerner de gros montants dans les régies spéciales ; les risques pesant sur les transactions effectuées en numéraire notamment pour les paies et les faiblesses surmontables du mécanisme de remboursement de la TVA.
Selon le FMI, la chaine de la dépense au Mali reste vulnérable, bien qu’organisée selon un processus classique et contrôlé. Ce processus privilégie la séparation de l’ordonnateur du comptable et comprend de nombreuses étapes de vérification a priori. Plusieurs institutions ou corps de contrôle effectuent en outre des contrôles et vérifications a posteriori supposés engager la responsabilité des gestionnaires, ordonnateurs et comptables. Pour autant plusieurs interlocuteurs (bailleurs, société civile, chambre de commerce) font état de lenteurs et de mauvaises pratiques ou malversations. La mission a cherché à vérifier dans les faits ces assertions :elle a constaté les mauvaises pratiques de gestion. Par rapport à ce niveau, elle a constaté que le Vérificateur Général fait état, pour 17 vérifications effectuées de manques à gagner à hauteur de 35 milliards de FCFA soit un peu plus de 3% du budget 2012. L’essentiel de ces vérifications n’ont pas connu de suites judiciaires.
Les lenteurs et complexités sont reprochés à la partie de la chaine de dépense en aval de l’engagement, segment sur lequel les délais de traitement mesurés dans les applications sont en moyenne tout à fait raisonnables et compatibles avec les standards de l’UEMOA. Ce reproche est par contre justifié en amont des engagements sur les marchés publics. Les délais de passation des marchés atteignent trois à six mois pour des contrats supposés être exécutés dans l’année.
Le rapport indique qu’il est possible de redresser à court terme cette performance dégradée. Pour cela, le document formule dix recommandations selon une logique pragmatique et dans l’idée qu’il n’est pour le moment pas nécessaire d’entrer dans une réingénierie des procédures, au risque d’en accroitre encore la complexité. Les dix recommandations sont les suivantes : une charte de déontologie des agents publics visant à éveiller chez l’ensemble des agents un sentiment de responsabilisation ; un renforcement du régime de responsabilité des gestionnaires publics dont la finalité est de disposer d’un régime de responsabilité opérationnel et proportionné à la gravité des faits.
Ensuite la levée graduelle du contrôle financier sur les ordonnancements permettant ainsi un gain d’une semaine à dix jours de traitement des factures en levant prudemment et progressivement le visa du Comptable financier ; la rénovation des outils et des méthodes du contrôle ; la simplification de la passation des marchés publics, le glissement de la gestion sur un mode pluriannuel, la limitation des paiements en numéraire, la restriction des recours aux régies spéciales, le suivi de la qualité de la gestion et la fluidité des remboursements de la TVA.
En tout cas, selon les experts du FMI, la chaîne de la dépense publique au Mali est réputée lente, complexe et vulnérable aux mauvaises pratiques. Le sentiment de fraude est en grande partie confirmé par des éléments objectifs. L’essentiel des pertes financières liées à la mauvaise gestion porte paradoxalement sur les procédures les plus contrôlées.
Le détail des anomalies de gestion montre un risque important sur les procédures de marchés (65% en volume financier des anomalies constatées liées à la chaine de la dépense), les procédures de dépense (26%), les régies (8%) et dans une moindre mesure, la livraison des biens et les constats de service fait (2%).Or ces procédures, à l’exception des régies, font l’objet de contrôles nombreux et parfois redondants. Le rapport conclut que cela démontre que la prolifération des fautes de gestion résulte plus de l’absence de sanctions que du manque de contrôle.
Youssouf CAMARA