La mobilisation et la réaction positive de toute l’administration des finances à gérer conséquemment une économie en pleine récession, la résistance de certains secteurs et branches d’activité tels que l’agriculture, le secteur minier, le transport et télécommunication face à la crise, l’affectation très tôt des secteurs qui ont un lien très forts avec l’Aide publique au développement (APD): le BTP, les projets de développement, le tourisme et l’hôtellerie et le commerce ; la faible capacité de stockage de produits alimentaires et des produits pétroliers du pays, la très grande dépendance du Mali vis-à-vis de ses relations extérieures. Tels sont, entre autres, enseignements à tirer du rapport final de l’Observatoire du Développement Humain Durable et de la Lutte Contre la Pauvreté (ODHD), pour le compte du mois de mars 2013.
Les évènements du 22 mars 2012 ont chamboulé le processus démocratique au Mali et provoqué des problèmes d’ordre politique et sécuritaire qui ont conduit à l’occupation d’une grande partie du territoire national. Ce qui a mis le pays dans une situation de guerre et aggravé la situation humanitaire avec le déplacement d’environ 412.401 personnes dont 203.843 dans les pays voisins (108.953 en Mauritanie, 64206 au Niger et 35335 au Burkina Faso). Ainsi, le pays a été confronté à des difficultés inhérentes aux mesures coercitives à son endroit, avec la suspension de l’aide publique au développement par les Partenaires techniques et financiers (Ptf), l’embargo économique et financier de la Cedeao. Ce qui est visiblement démontré dans le rapport de l’Odhd sous le thème : « effets économiques et financiers de la crise politique et sécuritaire 2012 au Mali : analyse de la situation et énoncé de mesures conservatoires ». L’analyse des effets de la crise politique et sécuritaire a porté sur les agrégats macroéconomiques et des aspects micro économiques.
Au niveau macroéconomique, la croissance réelle du Pib en 2012 est estimée à -1,5% contre 5,6% initialement prévue. Cette régression s’explique par un recul généralisé des activités dans les secteurs secondaire et tertiaire, à l’exception des productions d’or, l’engrainage du coton et le textile qui ont survécu aux secousses. Selon l’analyse sectorielle, la production agricole devrait passer de 5,770 millions de tonnes en 2011, à 6,2 millions de tonnes en 2012, la production de coton progresserait de 446 000 tonnes en 2011 à 480 000 tonnes 2012 et celle de l’or est estimée à 50,272 tonnes en 2012 contre 46,033 tonnes en 2011. Par contre, l’activité du Bâtiment travaux publics (BTP), l’agro industrie et les services connaitraient des baisses respectives de 20%, 11% et1 et de 10%. Au niveau des Finances publiques, au titre du collectif budgétaire de 2012, les recettes sont estimées à 941,659 milliards de Fcfa contre initialement 1.341,508 milliards de Fcfa, soit une réduction de 29,8%. Les dépenses de 2012 révisées seraient de 988,605 milliards de Fcfa contre 1 483,495 milliards de Fcfa dans le budget initial, soit une baisse de 33,36%. Le gouvernement, selon le rapport, a fait des efforts appréciables en matière de gestion budgétaire : le taux de recouvrement des recettes fiscales au 30 septembre serait de 67% par rapport à l’objectif du début d’année, et de 72,4% comparé au budget rectifié. Concernant les dépenses, le niveau d’exécution au 30 septembre serait de 49% comparé au budget initial, et de 61,8% par rapport au budget rectifié.
Au niveau des comptes extérieurs, il a été constaté que les exportations continueront à progresser par rapport à 2011 en raison du maintien de la tendance de la production d’or et des résultats de la campagne cotonnière. Mais le fait le plus marquant est que le financement de l’économie malienne exprimé au niveau du déficit de la balance courante (301, 6 milliards de Fcfa) ne serait pas couvert par le flux de capitaux attendus qui s’élèveraient à 171 milliards en 2012 contre 551,9 milliards en 2011. Bref, il en résulte une détérioration des avoirs extérieurs nets de 130 milliards de Fcfa en 2012.
Le secteur privé fortement touché
Le secteur privé a été fortement touché par la crise. Sur le plan industriel, l’on a vu la destruction de l’outil de production circonscrite, la réduction de la production industrielle, l’hésitation des investisseurs étrangers. Dans le domaine de l’hôtellerie et la restauration, il y a eu peu de visiteurs (8097 visiteurs de janvier à juillet 2012 contre 74.050 pendant la même période de 2011), la fermeture de 44 établissements dont 7 à Bamako, le licenciement de 208 agents, la mise en chômage technique de 739 agents. Les banques ont enregistré une perte dans les zones occupées de 17,768 milliards Fcfa, selon le rapport.
L’inflation dépasse la norme de l’Uemoa
L’inflation a dépassé de loin la norme fixée par l’UEMOA pour se situer à 5,4% en grande partie liée à l’augmentation des prix des produits alimentaires et des hydrocarbures. En dépit du contexte difficile de 2012, les perspectives macro-économiques du Mali s’annoncent favorables pour l’année 2013. La croissance réelle du Pib devrait se situer à 4,8% en 2013 contre -1,5% attendu en 2012 grâce à l’augmentation de la production aurifère et d’un regain du volume d’activités dans les autres secteurs en raison d’un retour à la normale dans le sud du pays et la reprise progressive des projets financés par les Ptf. L’inflation pourrait baisser à 3% en 2013, si la pluviométrie restait favorable. L’analyse des effets économiques et financiers de la crise permet de tirer deux catégories d’enseignements. La première concerne la faiblesse de la gouvernance politique, institutionnelle et juridictionnelle. La seconde catégorie d’enseignement est à tirer de l’économie et du social.
Hadama B. Fofana
(Source ODHD)