Depuis le putsch du 22 mars 2012, la crise économique du Mali gagne du terrain. Du coup, le trafic des compagnies de transport routier a diminué. Ce qui a eu un impact catastrophique sur le secteur des transports routiers.
Une enquête réalisée auprès des transporteurs de Bamako a démontré que la plupart des compagnies de transport ont réduit leurs trajets. Depuis le début de la reprise des villes du Nord, près d’un tiers des entreprises ont décidé de réduire volontairement leur mobilité à cause de l’insécurité qui prévaut actuellement sur la ligne du Nord. Aux dires d’Ousmane Traoré, gérant de «Bani Transport», cette crise n’a pas épargné les compagnies de transport routier. «Du coup de force du 22 mars dernier à nos jours, le trafic routier a chuté de 70%, surtout sur le tronçon Bamako-Gao. Mais le début de la libération des villes du Nord a compliqué davantage la situation. Avant les évènements, les cars partaient tous les jours à Gao. Mais depuis la reprise des villes de Konna et Douentza, les cars sont interdits d’entrer dans ces localités à plus forte raison de se rendre dans les localités du Nord. Seul les camions qui acheminent des vivres sont autorisés d’y assurer le trafic» informe -t-il avant de préciser : «Au début de la crise, la compagnie a été obligée de subventionner le prix du carburant afin que nos parents du Nord puissent rejoindre leurs familles. Ceci étant, le prix du transport Gao-Bamako a légèrement augmenté de 2 000 FCFA».
Par ailleurs, certains actes posés par les salafistes et même par nos forces de l’ordre font l’objet de dégradation du trafic routier. En effet, à en croire le Directeur commercial d’une compagnie de transport, cette dégradation s’explique par les rackets perpétrés non seulement par des rebelles, mais aussi par des forces de l’ordre (Gendarmerie, Police, Douane, agents des Eaux et forêts) qui ont changé la donne du contrôle au niveau des postes. «Pour le tronçon Bamako-Gao, les chauffeurs étaient obligés de payer 50 000 FCFA aux rebelles touaregs pour les frais de passage. Aussi, le Commandant de brigade de Ménaka, qui a basculé du côté des rebelles, demandait 20 000 FCFA pour le droit de passage. Aujourd’hui, le ridicule dans cette histoire d’acheminement des camions, c’est que nous étions mieux traités par les rebelles que par nos militaires qui ne cessent de s’enrichir sur le dos des passagers et compagnies de transport en exigeant des sous pour les véhicules qui ne sont pas en règle. Cela est valable à chaque poste imaginaire, notamment à Konna, Sévaré, San, Bla», indique notre interlocuteur avant d’ajouter «Même la route de Kayes n’est pas épargnée par cet acte de rançonnage venant de nos forces de l’ordre qui sont avant tout censées assurer notre sécurité». Mais malgré, les tracasseries et les difficultés rencontrées au cours du trajet, les transporteurs routiers restent optimistes.
Absence d’institution pour gérer les transporteurs
Au Mali, le transport occupe une place importante dans le Produit intérieur brut (PIB). Mais les principaux acteurs de ce secteur considèrent qu’ils ne sont pas assez aidés et soutenus par l’Etat. Les responsables de la Fédération nationale des groupements professionnels des transporteurs routiers (FENAGROUP) expliquent que le Mali dispose de nombreux textes sur le transport qui, selon eux, compliquent la tâche des transporteurs. «Au Mali, il n’y a pas d’institution qui s’occupe spécifiquement du domaine du transport, excepté les systèmes coopératifs. C’est pour cela que nous avons élaboré un document sur le droit de traversée». Ce document établit les normes que doivent respecter les transporteurs. Mais l’application de ce texte n’est pas encore effective au Mali car il rencontre des difficultés lors de son application. Pour la FENAGROUP, cela est un dommage : «Nos frères transporteurs burkinabés se sont inspirés de notre document pour l’appliquer chez eux et ils gagnent des milliards de FCFA aujourd’hui et ne dépendent plus de l’Etat. Ce que nous recherchons, c’est l’indépendance. Nous avons besoin de l’aide du Mali, du Patronat et de notre structure de tutelle pour pouvoir avancer et être autonomes et indépendants». Les transporteurs maliens, qui reconnaissent que ce n’est qu’en unissant leurs forces qu’ils pourront espérer avoir une autonomie économique, sont répartis en trois groupements distincts : la FENAGROUP, le Syndicat des entreprises de transport (SET) et la Fédération nationale des transporteurs routiers du Mali. N’Faly est transporteur routier depuis plus de dix ans, mais il juge essentiel que le Conseil malien des transporteurs routiers (CMTR) et les différents syndicats discutent. Selon lui, il faut que chacun sache quel rôle il a à jouer et quelle place il occupe réellement, sinon les tâches vont se chevaucher, compliquer la bonne exécution du travail et créer des divergences entre eux. Le président du syndicat des entreprises de transport, Amadou Traoré, indique qu’il y a quelques années, le gouvernement a mis en place le Conseil national du transport (CNT). Du point de vue, ce Conseil, ne fait pas ce qu’il faut pour aider les transporteurs du pays. Il pense aussi que le secteur du transport est assez mal représenté au sein de la structure de tutelle, notamment le Conseil national du patronat du Mali (CNPM). Le président du CNPM, Mamadou Sidibé, demande aux trois principaux groupements de se mettre ensemble pour ne former qu’un afin de mieux gérer les problèmes et éviter que l’aide se disperse, d’autant plus que les problèmes sont pareils. Selon lui, il importe aussi que les cotisations soient payées régulièrement. «C’est grâce à elles que nous arrivons à nous entretenir et venir en aide aux transporteurs. Nous sommes là pour eux et prêts à les aider du mieux que nous pouvons. Aidez-nous donc à vous aider !», souligne-t-il. En attendant, le transport routier malien connait d’importants problèmes, particulièrement sur les trajets du Nord. Enfin, les transporteurs jugent les montants des taxes excessifs et appellent les autorités à la vigilance tout long des trajets.
Jean Pierre James