En marge de la visite officielle de travail de 48 heures qu’il a entreprise au Mali, dans le cadre de sa tournée dans les pays du champ (Mali, Mauritanie et le Niger), le chef de la diplomatie algérienne, Ramtane Lamamra a rencontré la presse dans la résidence de l’ambassadeur d’Algérie à Bamako.
Cette rencontre a été mise à profit pour échanger sur les objectifs de cette tournée ainsi que la position de l’Etat algérien sur la situation en cours au Mali. Notons que les débats ont largement tourné autour de la question sécuritaire notamment le refus de l’Algérie d’envoyer des troupes pour sauver le Mali.
Relancer la coopération bilatérale, taire les divergences apparues publiquement lors de la crise malienne, prouver ses bonnes intentions à ceux qui l’accusent d’exporter l’instabilité chez ses voisins. La mission du ministre algérien des affaires étrangères dans les pays du champ était loin d’être des plus aisées. Il devait ainsi tenter d’arrondir les angles avec les nouvelles autorités maliennes qui ne font pas dans la dentelle et entendent séparer le bon grain de l’ivraie notamment dans le choix de ses vrais amis.
Durant la crise malienne, l’Algérie qui est la plus grande puissance régionale n’a pas jugé nécessaire d’envoyer des troupes pour chasser la horde barbare de jihadistes et de narcotrafiquants qui avait pris le contrôle du septentrion malien. Mieux, lorsque les soldats engagés dans le cadre de la Mission internationale de soutien au Mali (MISMA) sous conduite africaine sont passés sous le mandat onusien, l’Algérie n’a pas émis l’intention de participer à cette force.
Au tout début de la crise malienne, Alger avait même émis des réserves sur l’inscription des mouvements armés Ançar Dine et MNLA sur la liste des groupes terroristes des Nations-Unies, les considérant comme des interlocuteurs légitimes. Autant de faits qui ont fragilisé, les relations bilatérales notamment au sein de l’opinion publique.
Pour clarifier ses positions et renouer les liens avec ses pays voisins, le nouveau chef de la diplomatie algérienne, un vieux briscard des rouages de la diplomatie internationale, a repris du service. Le diplomate a rejeté en bloc toutes les accusations formulées à l’égard de son pays. Il a ainsi indiqué que l’Algérie a toujours été engagée aux côtés des militaires maliens notamment dans le domaine du renforcement de leurs capacités même au plus fort de la crise. Bien qu’étant discrète voire passée inaperçue, cette aide militaire algérienne s’est dit-il, accrue durant les opérations engagées pour la libération du septentrion malien. ” Ni mineure, ni accessoire “. C’est ainsi qu’il a décrit la contribution algérienne dans cette guerre contre le terrorisme au Mali sans rentrer dans les détails.
Il a aussi souligné que la coopération économique a été un élément central du soutien que son pays a apporté pour le Mali. C’est dans ce cadre qu’il a relevé que l’une des causes de l’effondrement du système sécuritaire malien a été sans doute la négligence de cet aspect dans la prise en charge des préoccupations des populations vivant dans cette partie du territoire. Selon lui, il faudrait également rendre effectif le déploiement de l’administration civile et militaire dans le nord Mali pour ” éviter le vide qui est un terreau fertile aux réseaux terroristes et narcoterroristes “.
Malgré les cadres pouvant faciliter son intervention, elle est restée muette comme une carpe…
Pourtant, si elle voulait intervenir au Mali, ce ne sont les cadres qui faisaient défaut. En effet, outre les différentes résolutions adoptées par le conseil de sécurité des Nations-Unies favorisant cette intervention pour libérer le nord du Mali, l’Algérie pouvait également s’appuyer sur le comité d’état-major opérationnel conjoint (CEMOC), un organe regroupant le Mali, la Mauritanie, l’Algérie et le Niger, basé à Tamanrasset depuis 2011. Bien qu’il donne la possibilité à ses Etats membres de mettre sur pied des patrouilles mixtes et d’user du droit de poursuite au-delà des frontières des pays voisins, il n’a jamais été mis à profit. Il existe aussi l’Unité de Fusion et de Liaison (UFL) mise en place en 2010 et dont le siège se trouve à Alger. Elle regroupe l’Algérie, la Mauritanie, le Niger, le Burkina Faso, la Libye, le Mali, le Tchad et le Nigeria. Cette unité permettait à ses pays membres d’exercer une action commune de lutte contre le terrorisme et les crimes organisés dans chaque Etat concerné. Au niveau continental, il existe la Force Africaine en attente qui compose la nouvelle architecture africaine de paix et de sécurité.
En réponse, le ministre algérien a estimé que ces deux dernières structures n’ont pas encore atteint un niveau d’opérationnalisation pouvant leur permettre de se saisir promptement et efficacement des menaces sécuritaires.
D’autre part, il a affirmé que la prochaine réunion du CEMOC, prévue le 8 novembre à Niamey, au cours de laquelle la présidence de l’organe passera de la Mauritanie au Niger permettra également de redynamiser ses activités. Sur un autre aspect, par rapport aux questions soulevées par l’assaut musclé donné par le gouvernement algérien lors de la prise d’otages intervenue sur le complexe gazier d’Aïn Amenas, alors qu’elle prônait le dialogue entre Bamako et les groupes armés, le ministre a indiqué que ce dialogue ne concerne que les forces sociales et politiques qui sont porteuses de ” revendications légitimes “.
Par contre pour les groupes terroristes, elle préconise la tolérance zéro. Pour lui, ces revendications dénotent un certain déséquilibre existant entre le centre du pays et la périphérie. Il salue la réponse apportée par les nouvelles autorités du pays en créant un ministre entièrement chargé de la réconciliation nationale et du développement des régions du nord. Enfin, il a rassuré sur la vie des diplomates algériens enlevés depuis 2012 à Gao, rappelant que son pays mettait tout en œuvre en vue de leur libération.
Massiré DIOP