Le président de la République du Mali est un homme comblé. Il n’oubliera pas si vite l’honneur que vient de lui faire le chef de l’État français François Hollande, en le recevant en visite d’État . Une première dans les relations entre le deux pays. Les couleurs du Mali sur les champs Élysées, les motards, la« bamakoise », la coprésidence du sommet de l’OCDE etc,
IBK avait toutes les raisons d’être ému. Et tous les maliens aussi car , c’est tout un peuple qui s’est senti honoré. Point de doute la visite a été un succès ,et l’accueil au retour a été à la hauteur de l’événement. Le président de la République y a certainement gagné en terme de capital sympathie, même s’il n’y a qu’un sondage qui puisse permettre de s’en assurer. Pour augmenter ce capital, ou à défaut le sauvegarder , le chef de l’État devrait se mettre au travail pour que la troisième année de son mandat ne ressemble pas aux deux précédentes qui ont laissé la majorité écrasante des maliens sur leur faim.
Ce qui compte le plus , c’est la gestion du pays.
La seule façon pour IBK de savourer son succès à Paris dans la durée , c’est de soigner son image à l’intérieur du pays. Une image qui reste ternie par un certain nombre de faits que beaucoup de maliens ne parviennent pas à oublier encore. Et là, le chef de l’État doit se rassurer que ce n’est pas en multipliant les discours qu’il parviendra à donner une meilleure impression aux maliens. Le président de la République reste en effet attendu sur un terrain précis : celui du concret qui semble jusqu’ici être son point faible, lui qui avait tant promis en sollicitant la voix des uns et des autre. Ici on ne saurait lui tenir rigueur sur un point. Il s’agit bien évidemment de la gestion de la crise au nord. Pourquoi. ? Parce que ce dossier est d’abord trop lourd et trop complexe pour lui. Le problème a failli prendre les formes d’une gangrène au fur et à mesure que l’État s’affaiblissait pendant plus d’une décennie. Il faut donc être réaliste, ni IBK .ni le Mali ne sont maître de la situation. Loin s’en faut. A ce niveau ,il y a des excuses pour lui. Là où l’on attend qu’il fasse ses preuves, c’est la gestion du pays d’une façon générale : la gestion financière ,économique, l’école etc. Beaucoup de maliens à tort ou à raison fondaient beaucoup d’espoirs sur le président « Kanketigui »,ce qui veut dire dans la langue de Molière, sa langue préférée dont-il a tant le souci de démontrer qu’il maîtrise à la perfection, l’homme de parole. Au bout de deux ans , le « Kankeletigui » ,si l’on peut toujours l’appeler ainsi n’a été que l’hombre de lui même. A son arrivée au pouvoir, ses premiers choix donnaient déjà à réfléchir. A un moment donné, on a eu l’impression qu’il avait plus le sens des privilèges que celui du devoir. Pourquoi une telle impression? Parce que pour le président d’un pays en crise et qui se caractérise par son extrême fragilité , la priorité ne saurait être les voyages à l’extérieur du pays. L’achat d’un avion dans des circonstances douteuses à un prix exorbitant ne pouvait donc être une priorité. Dans la situation du Mali, les déplacements du chef de l’État ne devraient être dictés que par des cas de nécessité absolue . Et personne n’en aurait voulu au président s’il avait pris des vols ordinaires pour ses déplacements, puisqu’il trouvait le Boeing de son prédécesseur « suspect ».Il y a aussi le scandale de l’achat du matériel militaire ,sans oublier une affaire plus récente non encore élucidée, celle dite de l’engrais frelaté .Tout cela est de nature à douter de la capacité du chef de l’État d’ assainir, ne serait-ce qu’un tout petit peu, la gestion du pays. D’aucuns iront même jusqu’à dire qu’il fait pire que ses prédécesseurs. Est-ce exagéré ?En tout cas , on n’a pas vu de mesures dignes de ce nom suites aux scandales, même si ,semble t-il, il y a eu un ou deux cas de limogeage . Ça s’arrête là . N’est-ce pas l’impunité qui continue de plus belle, quand le pays déjà exsangue perd ainsi des dizaines de milliards ?N’est-il pas plus prestigieux de s’investir à mettre les forces de défense dans les conditions requises pour qu’elles puissent mieux faire face à leurs missions que de s’envoler à bord d’ un oiseau luxueux , pour, à la limite, impressionner ses pairs lors des cérémonies d’investiture ou de la célébration de la fête nationale de tel ou de tel pays ? Le président de la République a donc du chemin à faire pour convaincre les maliens.
Des institutions et des hommes : quelques inquiétudes.
Le président IBK est-il malchanceux? La question n’est pas insensée quand on s’intéresse au fonctionnement de certaines institutions .En effet il ne peut être confortable pour un chef d’État de voir certains postes clés ou stratégiques occupés par des gens très proches de la famille, encore dans plus d’un cas ,il s’agit de personnes sans la moindre référence. Ici le chef de l’État est vite disculpé puisqu’il ne s’agit pas de postes nominatifs. C’est donc suite à des élections que ces proches du président se sont retrouvés aux postes en question. Mais ce serait une manière simpliste de voir les choses. Dans les « démocraties à l’africaine » comme celle en cours au Mali, les choses semblent plus compliquées. On connaît le poids des consignes présidentielles. Des fois, disent certains politiciens ,ça se lit dans le regard du chef. Parfois , on doit faire preuve de zèle en anticipant. Là, on n’attend donc pas les consignes du chef parce qu’ on est sensé savoir ce qui doit lui plaire. Un politicien malien caricaturait la situation en ces termes : « Chez nous, le jour ou le grand chef voudrait que son chien soit élu à quelque niveau que ce soit, cela passerait comme une lettre à la poste. Nul n’est bête », ajoutait-il . Ceci n’est donc qu’une caricature. Toute fois elle met en exergue la nécessite d’être très prudent quand on exerce la magistrature suprême dans un pays comme le Mali. Le trafic d’influence a toujours fait ses preuves à tous les niveaux à travers le pays, à l’insu ou avec la bénédiction du maître du jour . Il peut servir de socle au népotisme. Le chef de l’État ne le sait peut-être pas. Mais il est beaucoup critiqué dans les rues de la capitale. Et souvent assez sévèrement. D’aucuns même disent qu’il a plus le souci de la famille que celui du pays. Ce genre de propos n’est que l’illustration de la déception. Et c’est un avertissement qu’il ne doit pas ignorer s’il a le souci de l’image qu’il laissera à la fin de son mandat. C’est dire que les principaux défis qu’il a à relever sont ceux de intérieure.
STF