Le président sénégalais est aussi le président en exercice de l’Union africaine. Il arrive ce lundi 15 août 2022 à Bamako pour discuter avec son homologue malien, col. AssimiGOITA, d’un certain nombre de dossiers sous-régionaux et internationaux. Toutefois, la coopération bilatérale entre les deux pays « très » voisins ne pourrait passer sous silence.
«Monsieur le Président, s’il vous plaît, il faut enlever l’embargo sur le Mali. On a faim, on a soif. S’il vous plaît Monsieur le Président, il faut enlever l’embargo sur le Mali»,lançait une pèlerine malienne à l’endroit d’un autre pèlerin et non des moindres, à savoir le président sénégalais MackySALL, en avril dernier, sur les lieux saints de l’islam en Arabie saoudite. Malgré la voix imposante mais suppliante de l’interpellatrice, l’interpellé se contentera comme réponse d’un simple « in challah » aux relents cependant d’acquiescement dans le sens religieux. La vidéo est vite devenue virale. Le lieu, réservé pour la spiritualité islamique, s’est vu offrir une séquence d’une crise socio-politique censée rester dans sa région ouest africaine, à plus de six mille kilomètres à vol d’oiseau. L’interpellation de la malienne avait son pesant à la proportion de la crise malienne, sur fonds d’embargo imposé par la CEDEAO quatre mois plutôt. Le président sénégalais n’est pas seulement un poids lourd de la communauté régionale ouest africaine mais il est aussi le président en exercice de l’Union africaine et surtout d’un des voisins les plus proches historiquement, sociologiquement et géographiquement du Mali. Sa voix devrait donc compter triple pour un allègement de la peine de l’ « accusé Mali ».
La suite est connue : l’embargo sera levé en juillet 2022, soit deux mois après la séquence d’Arabe saoudite. Et un mois et demi après cette levée, le président sénégalais est annoncé en visite de travail au Mali ce 15 août 2022. Président sénégalais, président de l’Union africaine, membre de la Conférence des Chefs d’Etats de la CEDEAO et de l’UEMOA, Macky SALL aura l’embarras du choix sur les sujets d’intérêts bilatéraux ou multilatéraux à discuter au bord du Djoliba.
Le multilatéral pour ouvrir les portes de Koulouba
Dans un contexte de crispation et de méfiance, le président sénégalais va devoir mettre son manteau de président de l’Union africaine pour justifier au mieux sa visite. Ses pairs, pour une année d’exercice, lui ont donné entre autres missions la gestion les bouches d’incendie pour éteindre les foyers de tension sur le continent. Au Mali le foyer a des étincelles politiques avec une période de transition très tendue à l’interne comme à l’externe et sécuritaire avec la lutte contre les groupes armés terroristes (GAT) contre lesquels les FAMamènent une guerre difficile et dont les déflagrations menacent de dépasser les frontières des pays voisins. Le « pompier »Macky va devoir user de clapets coupe-feu solides car les flammes ardentes qui sont partout : dossier des 49 militaires ivoiriens, gestion du système de rotation des contingents de la Minusma avec l’actualité encore chaude de l’arrêt des rotations du contingent allemand, coopération avec les membres de l’EUTM, etc. Tous ces dossiers seront discutés avec le Président de la Transition, Col Assimi GOITA, dans une vision sécuritaire de l’ensemble ouest africain et du grand ensemble africain. Car en président de l’Union africaine, le Chef de l’Etat sénégalais ne devrait pas perdre de vue les effets du contexte géopolitique mondial marqué par la guerre en Ukraine et le terrorisme au Sahel, le tout entrelacé par la tendance à la formation d’un nouveau pôle multilatéral au sud-est de la planète, autour du groupe des BRICS s’élargissant. Les deux Chefs d’Etats tenteront à coup sûr, dans leurs échanges, de trouver une convergence de vues sur le rôle de l’Afrique dans cette mutation géopolitique, dans l’élan de recherche d’un non alignement africain intelligent et adapté entre les puissances mondiales. A l’analyse des positions très tranchées des autorités de la Transition sur toutes ces questions à l’aune de l’intérêt supérieur de la l’Etat malien, le président SALL aura besoin de bien d’astuces pour faire fléchir son cadet GOITA.
Le bilatéral pour faire pragmatique
Macky SALL sera le deuxième chef d’Etat à fouler le sol malien après les évènements de mai 2021 qui ont vu le Colonel Assimi GOITA reprendre les rênes du pays, après le Bissau guinéen Umaru Emballo Sissoko, en ne prenant pas en compte la visite officieuse du président togolais après l’imposition de l’embargo. A chaque fois que des Chefs d’Etats du Mali et du Sénégal se rencontrent, s’ils ne l’évoquent pas ouvertement, l’histoire de la Fédération du Mali, qui a réuni les deux Etats à l’aube des indépendances,repasse dans les esprits. Si la Guinée et le Mali se disent deux poumons d’un même corps, le Sénégal et le Mali devraient se considérer comme la jambe et le bras d’un même corps. Les contrecoups du récent embargo de la CEDEAO et de l’UEMOA ont été désastreux pour les économies et les populations de part et d’autre. En juillet dernier l’hebdomadaire Jeune Afrique rappelait à juste titre que «près de 23 % des exportations sénégalaises sont destinés au Mali. Selon les chiffres de l’Agence nationale de statistique et de la démographie (ANSD), elles étaient évaluées à plus de 62 milliards de francs CFA (95 millions d’euros) en janvier. Mais elles ont chuté de 30 à 60% au cours des mois qui ont suivi les sanctions économiques ».
Et donc politiquement les deux délégations s’affaireront ce 15 août à s’entendre sur les leviers pour que cela devienne rapidement un vieux souvenir. Assimi GOITA et Macky SALL ont l’avantage de se parler souvent au téléphone. Le leader malien ne manquera pas de rappeler à son ainé Macky Sallque sur le plan des populations et de l’économie de nos deux pays, le bilatéral devrait l’emporter sur le multilatéral, tel que le pensent et le veulent les populations maliennes. Autre sujet bilatéral, la sécurité. Les conseillers et services du président sénégalais ont dû inscrire sur les petites fiches préparées pour cette brève visite que la sécurité du Sénégal est liée à celle du Mali. Que les terroristes venus frapper à Kati, Kolokani, s’approchent de plus en plus de la frontière sénégalaise, moins de quatre cents kilomètres en linéaire. Avec le Mali hors G5 sahel désormais et le Sénégal n’en ayant jamais fait partie, une approche bilatérale de la gestion sécuritaire le long des frontières va forcément s’imposer.
Le bilan du Chef de l’Etat sénégalais à la tête de l’organisation continentale passera par l’écho qu’aura sa visite à Bamako, pour brève qu’elle sera, et par l’oreille que lui prêteront les autorités de Bamako. Une visite donc très attendue.
Journaliste