Le Front pour la Démocratie et la République (opposition) présidée par Tiébilé Dramé a réussi à organiser, le 30 novembre et le 1er décembre, un atelier sur « la sécurité, la stabilité et le développement dans l’espace sahélo-saharien, regroupant toutes les forces politiques (majorité et opposition), le gouvernement, les élus des régions concernées, des experts, des personnes ressources, des rebelles. Etait également présente une forte délégation parlementaire du Niger, venue pour «entendre et comprendre ce qui se passe au Mali». Devant ce beau monde, le doyen Seydou Badian Kouyaté, figure emblématique de la première République, a fait une brève intervention au cours de laquelle, il a souligné l’appui du régime socialiste au FLN (Front de Libération National) de l’Algérie. Avant de se lamenter en ces termes : «Je ne comprends pas et ne comprendrai jamais l’attitude de l’Algérie à notre égard. Pourquoi solliciter l’arbitrage d’Alger dans une mutinerie puisqu’il ne s’agit pas de rébellion touareg. Pourquoi sommes-nous sous la tutelle de l’Algérie. Je ne comprends pas que le Mali en soit arrivé là».
Cette importante rencontre s’est déroulée autour de trois thématiques : les causes, manifestations, conséquences et caractéristiques des rébellions au Mali et au Niger, les nouvelles dimensions de la crise du Nord : trans-nationalité, trafic de drogue, de cigarettes, circulation des armes, islamisme et, enfin, les pistes de solution.
Nous abordons dans cette édition le premier thème et les discussions qui ont suivi. Il a été exposé par Ibrahim Samba Traoré, plus connu sous le nom de Archi, ancien conseiller à la présidence de la République et Massoudou Hassoumi du Niger, ancien député et ex-ministre.
L’ancien collaborateur du président Alpha Oumar Konaré estime que la rébellion au Nord est un grand bourbier, un grand défi depuis 40 ans que notre peuple se doit de relever. Ensuite, il a fait un aveu : «Je ne connais pas les causes objectives de la rébellion. Ce qui a été entendu, c’est qu’il s’agit des enfants des victimes de 1963, mais l’évaluation de la situation bat en brèches cette thèse. Certains évoquent l’irrédentisme touareg, d’autres parlent de banditisme atavique et de méthode de gestion des évènements de 1963 et 1990. En 1991, nous avons entendu également que les rebelles et le Mouvement démocratique ont le même combat. Les conditions socio-économiques de la zone et l’idée selon laquelle le Nord est délaissé, exploité au profit d’un Sud riche a plusieurs fois été répétée comme l’une des raisons de la rébellion. En définitive, ce qui c’est passé en 2006 est considéré par les acteurs comme une déficience dans la gestion des acquis (engagements non tenus)».
Pour sa part, Massoudou Hassoumi du Niger s’est contenté de schématiser les différents régimes qui se sont succédé pour tenter d’expliquer les deux rébellions que son pays a connues (1994 et 2006). Ainsi, on retient de son exposé que de 1960 à 1974, il y a eu un régime politique d’intégration, lequel a nommé des ministres touareg et a développé la partie nord. Durant cette période, il n’y a pas eu d’insurrection.
De 1974 à 1987, il y a eu le régime de Seyni Kountié qui a adopté une approche sécuritaire. Conséquence : en 1976, des ressortissants du Nord tente un coup d’Etat, sévèrement réprimé. Six ans après, une attaque touareg fut également matée. La fragilisation de l’Etat qui s’en est suivi a vu les manifestations de la rébellion (1992-1994). De l’Etat sécuritaire, le Niger s’est retrouvé dans un Etat de droit avec la mise en œuvre des accords du 24 avril 1995. Douze ans après, il y a une autre rébellion et une bande mafieuse qui troublaient la paix et la quiétude des populations.
Au cours des débats, certains ont soutenu que ce qui s’est passé en 1963 n’est pas une rébellion touarègue parce qu’elle n’était soutenue par aucune revendication populaire. D’autres ont mis en avant l’argument contraire en disant que des Touaregs, même s’ils étaient minoritaires, s’étaient révoltés contre l’ordre établi et ont été matés par le régime d’alors dans le sang.
C’est dans ce contexte que le doyen Seydou Badian Kouyaté a été interpellé. Il dira, sans porter de gangs que «les problèmes du Mali ne peuvent pas se régler dans un petit salon. Depuis 1957, nous savions que quelque chose se tramait. On n’avait certainement pas un service de renseignement fiable mais la fibre patriotique de certains nous a permis d’être informé. On nous avait dit que la France est en train de travailler certains touaregs pour nous faire payer notre soutien au FLN. Avec le problème de l’OCRS, le RDA a failli éclater. Le président Modibo Kéïta avait dépêché Jean-Marie, Mamadou Diarra, Dossolo, Bourama Bocoum à Kidal pour qu’ils aillent parler à nos frères Touaregs en leur disant que depuis 1000 ans, nous sommes ensemble et de ne pas écouter la France qui veut nous séparer. Mais le français Clausel avait plus d’argent, d’armes et de tactiques que nous. Ce qui devait arriver arriva en 1963».
Très remonté contre les derniers événements au Nord – Mali, l’ancien ministre du Plan de Modibo Kéïta n’est manifestement pas d’accord avec l’option qui consiste à mettre le pays de Abdoul Aziz Boutéflika au premier plan : «Il n’y a pas de rébellion, il y a des soldats qui se sont mutinés. Pourquoi l’arbitrage de l’Algérie, pourquoi sommes-nous sous la tutelle de l’Algérie dans cette affaire ? Je ne comprends pas et ne comprendrai jamais l’attitude de l’Algérie à notre égard».
A suivre.
Chahana TOURE