La Chine, ce n’est pas seulement cet immense pays qui dispose de l’équivalent de 2 400 milliards de dollars de réserves monétaires (assez pour éponger les dettes extérieures combinées du Canada, de l’Autriche, de la Grèce et du Mexique), ou cette source d’importantes réserves de pétrole dans le monde voire cette puissance scientifique disposant d’un arsenal d’armes de pointe, ou cette puissance qui veut hisser son drapeau sur la Lune d’ici 2020 ! L’Empire du milieu, c’est aussi cette nation qui est en train de mettre en place un ambitieux et prestigieux réseau d’organismes culturels. Il veut faire d’un rayonnement culturel universel le socle d’une puissance économique jamais égalée dans l’histoire de l’humanité.
La Chine s’efforce de passer d’une puissance économique et industrielle à pays puissant sous l’angle du développement culturel. Avec la hausse du niveau de vie, la demande de produits culturels s’est accrue et diversifiée. Par exemple, la production cinématographique est passée de 100 films en 2003 à 526 en 2010. Ce qui a fait du pays le 3e plus important producteur de films au monde. Les films produits en Chine ont généré des revenus au box office de plus de 10 milliards de yuans en 2010. Cette même année, l’industrie de la publication numérique a atteint une valeur globale de 90 milliards de yuans.
On comprend alors que le pays conforte son leadership au niveau des marchés de l’art, d’après une étude d’ArtPrice. Ainsi, le produit des ventes aux enchères d’œuvres d’art dans le monde a bondi de 21 % en 2011, atteignant le niveau inégalé de 11,54 milliards de dollars, la Chine caracolant en tête avec une part de marché de plus de 41 %, indique la société ArtPrice, première base de données sur le marché de l’art dans le monde, qui publie mercredi 8 février son bilan annuel du secteur.
« Les artistes chinois sont dans l’air du temps. Ils ont une fabuleuse capacité d’adaptation. Ils ont réussi par exemple à prendre le meilleur du pop art européen et américain. Ils sont à l’écoute des clients et adoptent quand il le faut pour leurs peintures le format à l’italienne, en paysage, afin qu’elles rentrent sans problème dans les appartements new-yorkais. Les Chinois sont ainsi à la fois très présents sur leur marché intérieur et à l’international », souligne M. Thierry Ehrmann, le fondateur d’ArtPrice, numéro 1 mondial des bases de données sur l’art.
Et grâce à une volonté politique soutenue, les indices démontrant un bond vertigineux de la création et de la créativité en Chine ne manquent pas. Ainsi, avant 2009, l’Empire du milieu ne comptait que trois conglomérats de représentation, mais ils sont 46 à l’heure actuelle. Pour ce qui est des entreprises, beaucoup passent de la simple transformation à la fabrication de produits à forte valeur ajoutée et cherchent à faire connaître leurs marques sur le marché mondial.
Pour de nombreux spécialistes, « la culture est un actif intangible dans les produis économiques, qui implique la responsabilité sociale d’entreprise, la crédibilité et la qualité de ses produits, sa culture, de même que le design, l’emballage et la teneur culturelle des produits eux-mêmes. Dans le passé, les Chinois considéraient la culture comme un aspect accessoire de l’économie. Maintenant, leur perception a changé : le développement économique n’a pas de sens s’il ne repose pas sur une base culturelle ».
Une dynamique nouvelle dans la promotion culturelle
Pour le magazine « La Chine au présent », l’influence culturelle de l’Empire du milieu est « liée à sa culture et ses arts contemporains prospères, à ses produits et à ses entreprises, de même qu’à sa culture traditionnelle. Il faut cependant innover tout en protégeant la culture traditionnelle. Dans cette perspective, il faut la reconsidérer et réinterpréter à la lueur de l’époque actuelle pour qu’elle brille d’un éclat plus moderne grâce à des idées créatives et originales qui lui permettront de se faire une place sur la scène internationale ».
De nos jours, le gouvernement chinois est en train de mettre en place les conditions nécessaires pour que le secteur privé puisse agir à sa manière. Par sa gestion active, les autorités chinoises orientent les ressources culturelles privées en productivité culturelle réelle et pour parvenir à un effet de synergie entre les forces culturelles publiques et privées dans la promotion de l’industrie culturelle.
C’est sans doute pourquoi ce pays a récemment dévoilé son plan national sur la réforme et le développement de la culture pour la période 2011-2015. Les dirigeants du pays appellent ainsi à davantage d’efforts pour promouvoir le développement du secteur culturel et élargir l’influence de la culture chinoise. Ce plan est la concrétisation des efforts remarquables fournis les dernières décennies pour la seconde économie mondiale, après l’Oncle Sam (Etats-Unis). Ainsi, de 2004 à nos jours, plus de 280 Instituts Confucius ont été créés dans le monde. En télécommunications, la chaîne multilingue Cctv (la TV5 chinoise) fait connaître les opinions de Pékin partout sur la planète par satellite.
Présentement, les défis auxquels la Chine est déterminée à faire face est l’approfondissement des réformes systématiques dans le secteur culturel et la promotion de la prospérité culturelle. Deux atouts qui vont être nécessaires pour la création d’une société relativement prospère et le développement du socialisme aux caractéristiques chinoises, souligne le plan. Publié par la direction générale du Comité central du Parti communiste chinois (Pcc) et le Conseil des affaires d’Etat (gouvernement central), plan national sur la réforme et le développement de la culture (2011-2015) spécifie les principes directeurs, les objectifs majeurs, les aspects clés de la réforme et du développement de la culture qui seront mis en œuvre au cours des cinq prochaines années. Sa mise en œuvre va reposer sur des principes libres comme « les arts sont libres et illimités ».
Cela se comprend d’autant plus que, pour Zhang Qianhong, professeur à l’Université de Zhengzhou (Province du Henan) et membre du XIe Comité national de la Conférence consultative politique du peuple chinois (Ccppc), « la promotion du développement de la culture socialiste constitue un point chaud de l’attention sociale. Cependant, nombreux sont ceux qui estiment que la prospérité culturelle ne se manifeste que par la multiplication des installations culturelles à l’intérieur du pays, comme les théâtres, des Instituts Confucius à l’étranger, et la formation des marques culturelles réputées. En ce qui concerne les questions plus profondes, comme l’élévation réelle du soft power, des efforts restent à faire ».
Des vides à combler pour conquérir le monde
Selon elle, « l’épanouissement culturel ne peut se limiter à la diffusion de la culture dans les régions rurales et aux efforts en termes de données culturelles et historiques. Il est nécessaire de faire de la culture un moteur de l’évolution de la pensée ». C’est aussi dire que le pays est conscient de ses limites, donc des progrès à réaliser.
Cette initiative est d’autant pertinente que, en dépit des miracles économiques que la Chine a réalisés et qui éclipsent ceux des autres pays, et malgré son progrès remarquable sur les plans culturel et idéologique, la Chine affronte des défis sans précédent dans le domaine culturel. Pour certains observateurs, les compagnies chinoises telles que Sinopec et China Mobile ne sont pas de nouvelles venues dans la liste des 500 plus importantes compagnies dans le monde, mais les entreprises culturelles chinoises n’ont pas encore créé une marque de renommée mondiale.
Avec quelque 14 700 épisodes tournés chaque année, la Chine produit le plus grand nombre de feuilletons dans le monde, mais la proportion de l’import-export n’est qu’un faible 15 %. Dans ce pays, selon de nombreuses sources, le revenu total combiné de l’ensemble des 500 maisons d’édition est inférieur à celui de Bertelsmann, de l’Allemagne. Le « déficit » dans les échanges culturels et les désavantages au sein de la concurrence culturelle internationale touche non seulement la taille de la part de marché, mais également l’initiative du pays sur les plans de l’idéologie et de la puissance immatérielle, pouvait-on lire dans un récent commentaire publié dans le Quotidien du Peuple, le journal le plus prestigieux en Chine.
Dans cette nouvelle ambition, le pays ne manque pas de trésors et d’atouts. Au niveau du tourisme, par exemple, la Cité interdite, la Grande muraille (un ouvrage de 6700 kilomètres de long qui est la plus longue construction humaine au monde), l’Himalaya, la Route de la soie, Lhassa, le Mont Emei (l’une des quatre montagnes bouddhiques de Chine, classée patrimoine mondial de l’UNESCO en décembre 1996) ; les Temples Baoguo, Wannian, Fuhu et Xianfeng ; le Pavillon Qingyin, la passerelle à planches au-dessus de la rivière Heilong, la Terrasse Hongchun, le lac Xixiang et le Sommet d’Or… sont des noms qui résonnent depuis toujours dans l’imaginaire des passionnés de voyages voire de grandes aventures.
Et depuis que la Chine, une destination inclassable selon les Tours Operators, a ouvert ses frontières, il est désormais possible de parcourir cet immense Etat aux multiples facettes. Un pays à l’histoire multimillénaire disposant d’atouts touristiques encore peu exploités. En plus de ses attraits culturels, historiques voire gastronomiques, la Chine offre aux voyageurs une diversité étonnante. Des étendues désertiques et sauvages du Xinjiang jusqu’aux sommets de l’Himalaya en passant par les mégalopoles trépidantes, la démesure est partout …
Les nombreuses régions de cet immense (dans tous les sens du terme) pays ne veulent pas rester en marge de cette nouvelle dynamique culturelle. Ainsi, dans la Province du Hebei, le gouvernement local s’est désormais armé d’une nouvelle politique culturelle visant à faciliter l’accès aux ressources culturelles au plus grand nombre. De 2011 à 2015, cette province du nord projette de créer quinze parcs d’industrie culturelle d’échelon provincial, cinq zones modèles d’industrie culturelle et au moins une zone d’industrie culturelle majeure dans chaque ville.
Une civilisation ancienne pour une riche tradition folklorique
« Cela permettra de mettre en valeur les projets pilotes et les entreprises innovantes. Cette initiative va aussi motiver l’émergence des plateformes de développement économiques grâce à la vente des produits dérivés… », indique M. Wang Jingwu, Directeur adjoint au département de la communication du Comité du Parti pour la province du Hebei.
Pays de civilisation ancienne, presque cinq fois millénaire, la Chine a aussi hérité d’une riche tradition folklorique qui s’exprime sous des formes diverses selon les régions de ce vaste pays. « J’aime la danse chinoise, particulièrement les danses des minorités ethniques que j’ai vues lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Beijing (2008). J’aime aussi la cuisine chinoise. La façon dont le peuple chinois protège sa culture est fascinante. Ce pays a connu une longue période depuis la fondation de la République populaire de Chine, mais es vestiges culturels sont toujours soigneusement préservés. Les reliques sont eux-mêmes l’histoire d’un pays. Et chaque pays besoin de son histoire pour se préparer à l’avenir », soulignait M. Souleymane Ndéné Ndiaye, ancien Premier ministre du Sénégal, lors d’une visite officielle dans ce pays aux fascinants trésors culturels et touristiques.
La peinture chinoise est par exemple un art pictural traditionnel exercé en Chine depuis plus de mille ans. Ses racines prennent source dans un mode de pensée original beaucoup plus ancien qui met l’accent sur l’unicité de l’homme et du cosmos et le dynamisme ininterrompu au sein même de cet univers. Plus que la représentation d’une forme, la peinture chinoise recherche à exprimer l’âme (principe de vie), le mouvement interne des êtres.
D’une manière générale, la peinture chinoise est composée d’un ou plusieurs poèmes, de calligraphies, d’une image peinte et du sceau de l’artiste. Les paysages, les personnages et les fleurs et oiseaux sont les trois thèmes préférés des peintres chinois. Cela implique une étude approfondie des plantes et des fleurs suivant les quatre saisons et celle de la physionomie des oiseaux, des insectes, des poissons et des mammifères.
De façon générale et objective, le Chine ne manque pas d’atouts pour son rayonnement culturel à partir de la mise en œuvre de son plan national sur la réforme et le développement de la culture pour la période 2011-2015. Cela est d’autant possible que l’Empire du milieu a visiblement constaté que la culture est maintenant une importante source de cohésion nationale et de créativité, un facteur déterminant au sein de la concurrence pour la puissance mondiale et un pilier du développement socioéconomique. La nation chinoise a créé une culture vaste et profonde ayant une longue histoire, et elle peut sûrement ajouter une nouvelle splendeur à cette culture en se basant sur le patrimoine de sa culture traditionnelle et en l’enrichissant.
Moussa Bolly
Journaliste/Critique
Sichuan, une vitrine touristique
Le tourisme a joué un rôle majeur pour la reprise économique de la province chinoise du Sichuan dans les trois années qui ont suivi le tremblement de terre de 2008. Sa contribution vitale à la croissance et à l’emploi de la région est incontestable.
« Le riche patrimoine naturel et culturel du Sichuan en fait l’une des destinations touristiques les plus populaires de Chine », a reconnu M. Zoltàn Somogyi, Directeur exécutif à l’Omt, dans un récent discours lors du festival international de la culture et du tourisme de Sichuan (Chengdu, Sichuan, du 18 au 22 avril 2011).
« Le riche patrimoine naturel et culturel du Sichuan en fait l’une des destinations touristiques les plus populaires de Chine. Le séisme destructeur de 2008 a eu des conséquences très dures sur le secteur mais grâce au travail du gouvernement chinois, des provinces proches et de l’aide internationale, le tourisme a été un moteur puissant de reprise économique de la province », avait-il ajouté.
Dans cette province, certains villages sont restés comme le séisme les avait laissés et servent aujourd’hui de lieux du souvenir pour les visiteurs nationaux et internationaux alors que d’autres villages qui vivaient auparavant de l’agriculture, ont choisi comme option durable le tourisme pour assurer leur croissance économique, la création d’emplois et le développement. Ainsi, la province du Sichuan a accueilli 271 millions de visites en 2010, soit une augmentation de 24 % par rapport à 2009 et le tourisme lui a rapporté 188,6 milliards de yuans, soit une augmentation de 28 % par rapport à 2009.
Depuis 2008, l’Omt a aide le Sichuan à maximiser la contribution du tourisme à la reprise économique de l’après-séisme. Le festival international de la culture et du tourisme du Sichuan de 2011 a reçu des participants venant de plus de soixante pays et régions des cinq continents et comportait des visites techniques des zones les plus touchées de la région ainsi qu’un forum international sur la relance du tourisme, la reconstruction, le développement et la revitalisation de l’après-séisme.
M.B