Rencontre des premiers ministres malien, burkinabé et Ivoirien : Faire des espaces transfrontaliers des moteurs de développement

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Lancement à Sikasso d’une Zone Economique Spéciale Burkina - Côte d’Ivoire - Mali
Les PM Burkinabé, Ivorien et Malien

La semaine passée, à Sikasso,  les Premiers ministres du Mali, du Burkina et de la Côte d’Ivoire ont manifesté leur volonté commune à faire des espaces transfrontaliers des moteurs de croissance. Ce, à travers  le lancement de la Zone économique spéciale qui couvre les régions de Sikasso (Mali), Korhogo (Côte d’Ivoire) et Bobo-Dioulasso (Burkina Faso). 

A la croisée des chemins, notre sous-région a besoin d’un souffle nouveau pour amorcer son développement socioéconomique à travers  la redynamisation de l’intégration.

Pour consolider les acquis,  le Premier ministre malien Soumeylou Boubèye Maïga, visiblement  heureux,  a souligné que le lancement d’une telle zone est le début de la concrétisation de la volonté des trois chefs de gouvernement à donner un nouveau souffle à la dynamique d’intégration dans laquelle leurs pays se sont engagés dans le cadre de l’Uemoa et de la Cedeao.

Pour lui, nonobstant les efforts déployés par nos différents pays avec quelques avancées,  l’intégration économique peine  à atteindre la vitesse de croisière souhaitée.  A  titre illustratif, précise-t-il,  les échanges commerciaux entre les pays membres de la Cedeao n’ont représenté que 11,5% de l’ensemble des échanges de la zone. « Il s’agit alors pour nous, sur la base des avantages comparatifs de ces trois régions, de mutualiser nos moyens afin de desserrer les contraintes à l’investissement permettant ainsi de développer les nombreuses potentialités dont elles regorgent», a-t-il précisé.

A en croire les initiateurs, la Zone économique spéciale,  lèvera les obstacles et offrira aux investisseurs les infrastructures de soutien nécessaires à la production (l’énergie, les routes, les services), des incitations y compris fiscales pour augmenter le rendement des capitaux investis, un bassin de main d’œuvre qualifié ainsi qu’une concentration d’entreprises, notamment de PME-PMI, qui bénéficieront des externalités positives les unes des autres. Elle sera un véritable accélérateur de la croissance économique permettant ainsi de réduire considérablement la pauvreté et d’asseoir les bases de l’émergence économique de nos pays.

Selon Soumeylou Boubèye Maïga, l’approche choisie pour la mise en œuvre de la ZES-Sikobo est novatrice pour un certain nombre de raisons. D’abord, à la différence de nombreuses zones, notamment franches, elle est bâtie autour de trois régions transfrontalières de trois pays frères. Le caractère novateur tient ensuite au fait que le projet, bien qu’étant ancrée dans les politiques d’intégration des Etats, confère un rôle prépondérant aux collectivités territoriales concernées, notamment dans la définition des filières porteuses et des moyens de les développer, les confortant ainsi dans leur rôle de maîtrise d’ouvrage du développement économique régional. La ZES est enfin novatrice en ce sens qu’elle privilégie le partenariat entre nos Etats et nos secteurs privés.  «Cette zone économique spéciale est, j’en suis convaincu, le départ d’une nouvelle ère de prospérité partagée pour nos pays et nos peuples», a affirmé le chef du gouvernement malien

Le chef du gouvernement Burkinabé  a estimé que l’enjeu pour eux était de construire, sur la base de cet environnement géographique partagé et de cette homogénéité culturelle, un espace de croissance partagée, de développement inclusif et d’une résilience plus grande face aux vulnérabilités de l’environnement régional. «Il s’agit notamment des changements climatiques et de l’insécurité qui n’épargnent pas cette région. Cette vulnérabilité impose une exigence naturelle d’aménagement du territoire régional», a expliqué Paul Kaba Thièba. Partant, le Premier ministre du Faso a souligné la nécessité de transformer nos espaces frontaliers, pour en faire des moteurs du développement régional. Avec la ferme conviction que la ZES permettra l’émergence de pôles de croissance par-delà les frontières dans un espace communautaire véritablement unifié, Paul Thièba a souhaité que cette initiative conduise à la mise en commun des facteurs de production; des avantages fiscaux propres à créer un environnement favorable à l’investissement privé; des projets communs de valorisation des ressources locales; une gestion concertée des ressources naturelles.

L’optimisme du Premier ministre ivoirien

Quant au Premier ministre ivoirien, il a mis l’accent sur la mise en place d’un plan de développement économique commun pour la zone. Selon Amadou Gon Coulibaly, une étude doit être préalablement faite pour identifier les potentialités de chaque région pour permettre la réalisation des infrastructures de développement. Pour davantage mettre en relief l’intérêt que ce projet susciterait déjà, le chef du gouvernement ivoirien a révélé que « l’Uemoa a déjà débloqué 43 milliards de francs CFA pour le développement d’un certain nombre de projets d’ordre spécifique».

Valoriser les opportunités de développement

Faut-il rappeler que dans le cadre de la coopération et de l’intégration sous-régionale, les gouvernements des Républiques du Burkina Faso, de la Côte d’Ivoire et celle du Mali ont décidé la réalisation d’une zone économique spéciale. Cette initiative qui entre dans le cadre des réformes entreprises par la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) et de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) vise la valorisation des opportunités de développement et d’industrialisation de nos pays dans la perspective d’une union économique et monétaire en vue d’élever le niveau de vie des populations des Etats membres.

Afin de réaliser ce but, l’action de la Communauté a porté sur l’harmonisation et la coordination des politiques et programmes nationaux, la création d’une zone de libre échange et la création d’une union économique et monétaire. Dans ce cadre, plusieurs réformes ont été entreprises dans les domaines de l’agriculture, de l’industrie et du commerce, des biens et des services.

Ainsi, conscients des progrès réalisés dans le cadre desdites réformes et les dispositions pertinentes des traités instituant la Cedeao et l’Uemoa, le Mali, le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire ont envisagé la création et la mise en place effective d’une zone économique spéciale (ZES) en vue de lever les obstacles résiduels à l’intégration régionale, notamment: la faible complémentarité des économies nationales; l’insuffisance des infrastructures socioéconomiques de base; l’insécurité et un environnement économique et juridique peu incitatif à l’investissement privé.

Promouvoir l’investissement à travers les PPP

Pour concrétiser cette initiative, les visites de travail effectuées au Burkina Faso (3 au 4 avril 2018) en Côte d’Ivoire (5 au 6 avril 2018) par le Premier ministre Soumeylou Boubèye Maïga avaient pour objet de renforcer la coopération avec les pays voisins et d’apprécier les efforts de développement en vue de créer un environnement plus sécurisé, plus stable et plus propice à l’émergence d’une zone économique spéciale. Il faut noter que l’objectif visé par le projet ZES est de créer des opportunités d’investissement et un environnement juridique et commercial favorable, notamment dans les domaines de l’agro-business, des technologies de l’information et de la communication, de la culture, du tourisme, des services médicaux, des industries manufacturières et des services financiers. Il s’agira spécifiquement de bâtir une infrastructure résiliente; développer les chaînes de valeurs agricoles prioritaires de la production, de la conservation, du transport, de la transformation et de l’accès aux marchés afin de favoriser le développement économique; promouvoir l’investissement à travers les partenariats publics-privés (PPP); renforcer la productivité et la compétitivité des entreprises implantées dans la ZES; accroître les échanges communautaires et les exportations en s’appuyant sur une infrastructure de qualité.

En cohérence avec le Credd

En effet, la création de cette ZES est en cohérence avec le Cadre stratégique pour la relance économique et le développement durable (Credd 2016-2018), cadre unique de référence des politiques et stratégies nationales du Mali. L’objectif est de promouvoir un développement inclusif et durable en faveur de la réduction de la pauvreté et des inégalités dans un Mali uni et apaisé, en se fondant sur les potentialités et les capacités de résilience en vue d’atteindre les Objectifs de développement durable (ODD) à l’horizon 2030.

L’ambition de la ZES est de mettre en synergie toutes les opportunités de développement entre les trois (03) pays de manière à rendre leurs économies plus complémentaires, en particulier dans la zone transfrontalière. La ZES offrira ainsi un environnement propice pour réaliser l’intégration économique des trois pays concernés dans les chaînes des valeurs.

Sikasso comme première zone économique spéciale du Mali

Avec une superficie de 71 790 km² (soit 5,8 % de la superficie totale du Mali) et une population de 3 434 000 habitants en 2017 (soit 18,2% de la population malienne), la région de Sikasso recèle d’énormes potentialités: existence de terres favorables à l’agriculture (6 000 000 d’ha) dont 14 079 ha de bas-fonds et plaines aménagées; deuxième région d’élevage du Mali avec 16% du cheptel national en 2017: bovins (1 913 598), ovins (1 057 995) et caprins (1 103 799); potentiel forestier important avec des forêts classées, des périmètres de reboisement, des réserves de faune et des zones d’intérêt cynégétique; existence d’un cheptel important et un pâturage favorable à l’élevage; existence de sites miniers dont les plus importants sont: Morfila, Kalana et des zones d’orpaillages tels: Nampala, Soumaya; initiatives et dynamisme d’un secteur privé local et de la diaspora.

Malgré ces potentialités, la région de Sikasso s’illustre par une situation contradictoire où la production agricole importante est concomitante à une malnutrition infantile étendue d’où «le paradoxe de Sikasso». En effet, l’ampleur de la pauvreté est la plus élevée dans cette région avec une incidence qui était de 66,2% en 2016 contre 65,1% en 2015, soit une augmentation de 1,1%.

Nanpaga KONE

 

 

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