La tension entre le Mali et la France a finalement atteint un point de non-retour avec l’annonce faite par le Président Macron du retrait des forces françaises opérant dans les opérations Barkhane et Takuba. Cependant, le chef de l’Etat français a décidé d’étaler ce retrait forcé sur une longue période de 4 à 6 mois. Pourquoi s’éterniser davantage dans un pays qui ne souhaite plus votre présence ? Que mijote l’Elysée en mettant les troupes françaises dans notre pays ? Des questions sont posées. En attendant, la réplique des autorités maliennes a été à la fois immédiate et cinglante. En effet, le gouvernement, tout en prenant acte de la décision de Macron, a demandé à la France de retirer sans délai ses troupes du sol malien.
En effet, ce retrait est consécutif à la tension persistante entre les deux pays depuis un certain temps, ce qui a conduit à ce retrait forcé.
“En raison des multiples obstructions des autorités de transition maliennes, le Canada et les états européens opérant aux côtés de l’opération (française) Barkhane et au sein de la Task Force Takuba estiment que les conditions ne sont plus réunies pour poursuivre efficacement leur engagement militaire actuel […] au Mali et ont donc décidé d’entamer le retrait coordonné du territoire malien de leurs moyens militaires respectifs dédiés à ces opérations”, ont indiqué dans une déclaration conjointe, la France et ses partenaires européens (entrainés par Paris).
“Nous ne pouvons pas rester engagés militairement aux côtés d’autorités de fait dont nous ne partageons ni la stratégie ni les objectifs cachés”, et qui ont recours à “des mercenaires de la société [russe] Wagner” aux “ambitions prédatrices”, a déclaré Emmanuel Macron, lors d’une conférence de presse…
Concrètement, la fermeture des dernières bases françaises au Mali (Gao, Ménaka et Gossi) prendra “4 à 6 mois”, a précisé le Président Macron. “Pendant ce temps, […] nous allons continuer d’assurer les missions de sécurisation de la Minusma”, qui continuera de bénéficier d’un soutien aérien et médical français sur place, avant le transfert ultérieur de ces moyens, a-t-il ajouté.
La France et ses partenaires européens ne partagent pas la “stratégie” et “les objectifs cachés” de la junte de Bamako, a déclaré le président Emmanuel Macron pour expliquer le retrait militaire du Mali.
Emmanuel Macron précise : «Nous ne pouvons pas rester engagés militairement aux côtés d’autorités de fait dont nous ne partageons ni la stratégie ni les objectifs cachés. C’est la situation à laquelle nous sommes confrontés aujourd’hui au Mali. La lutte contre le terrorisme ne peut pas tout justifier, elle ne doit pas, sous prétexte d’être une priorité absolue, se transformer en exercice de conservation indéfinie du pouvoir.» En revanche, le chef de l’Etat «récuse complètement» toute idée de retrait sur un échec. «Que ce serait-il passé en 2013 si la France n’avait pas fait le choix d’intervenir ?» s’interroge-t-il face aux journalistes. Avant de répondre à sa propre interrogation dans la foulée : «Vous auriez eu à coup sûr un effondrement de l’Etat malien.»
En revanche, l’Etat français, le Canada et leurs alliés européens entendent rester engagés dans la région «afin de contenir la potentielle extension géographique des actions des groupes armés terroristes». Ainsi, «les partenaires internationaux indiquent leur volonté d’envisager activement d’étendre leur soutien aux pays voisins du Golfe de Guinée et d’Afrique de l’Ouest, sur la base de leurs demandes», assurent l’Elysée et ses alliés. «Nous réaffirmons tous notre forte volonté de poursuivre notre partenariat avec et notre engagement pour le peuple malien dans la durée, pour faire face à tous les défis posés par l’activité des groupes armés terroristes au Sahel», poursuivent-ils. Dans une déclaration depuis l’Elysée, Emmanuel Macron dit vouloir «impliquer et appuyer davantage les pays voisins» du Mali, de plus en plus menacés par Al-Qaeda et Daech, qui en font «une priorité de leur stratégie d’expansion».
Concrètement, des militaires européens participant au groupement de forces spéciales Takuba «seront repositionnés aux côtés des forces armées nigériennes dans la région frontalière du Mali», a annoncé ce jeudi le chef de l’Etat. «Ce retrait se traduira par la fermeture des emprises de Gossi, de Ménaka et de Gao, il sera effectué de manière ordonnée, avec les forces armées maliennes et avec la Mission des Nations unies au Mali». Et, «durant cette période, nous maintiendrons nos missions de soutien au profit de la Minusma», a précisé Emmanuel Macron.
Des violations flagrantes
La repique des autorités maliennes à cette décision française ne s’est pas fait attendre. Le Vendredi dernier, Dans un communiqué lu à la télévision nationale, le porte-parole du gouvernement, le colonel Abdoulaye Maïga a qualifié l’annonce du désengagement français de « violation flagrante » des accords entre les deux pays. Et le gouvernement malien invite, les Autorités françaises, à retirer sans délai, les forces Barkhane et Takuba du territoire national sous la supervision des autorités : « Le gouvernement du Mali prend acte de la décision unilatérale des autorités françaises de procéder au retrait des forces militaires de Barkhane et de Takuba en violation des accords liant la France et le Mali impliquant d’autres partenaires ». Selon le gouvernement : « Cette décision fait suite aux annonces également unilatérales de la France, le 03 juin 2021, de la suspension des opérations conjointes avec les Forces armées Maliennes et le 10 juin 2021 de la fin de l’opération Barkhane, sans préavis et sans consultation préalable de la part malienne ».
Avant de poursuivre : « ces décisions unilatérales constituent des violations flagrantes du cadre juridique liant la France et le Mali ».
« Au regard de ces manquements répétés des accords de défense, le gouvernement invite les autorités françaises à retirer, sans délai, les forces Barkhane et Takuba du territoire national, sous la supervision des autorités maliennes» a indiqué Colonel Abdoulaye Maïga.
Profitant de l’occasion, le gouvernement a fait un bref rappel de la présence militaire française au Mali, sous le couvert de l’opération Serval et Barkhane. En effet, le porte-parole du gouvernement déclare : « Le gouvernement rappelle que par rapport aux résultats attendus, les résultats obtenus et annoncés officiellement par les Autorités françaises, n’ont pas été satisfaits, ni en 2013 avec l’opération Serval (détruire le terrorisme, restaurer l’autorité de l’Etat malien sur l’ensemble du territoire national, faire appliquer les résolutions de l’ONU) ni en 2016 avec l’Opération Barkhane (lutter contre le terrorisme, aider à faire monter l’Armée malienne en puissance, intervenir en faveur des populations) ».
« Malgré la présence de l’Opération Barkhane et des forces internationales, de 2013 à 2021, le Mali a risqué la partition et la menace terroriste initialement localisée au Nord du Mali, s’est répandue sur l’ensemble du territoire national » regrette le porte-parole du gouvernement.
Le gouvernement malien rappelle en outre que « l’opération Serval n’aurait été nécessaire si l’OTAN n’était pas intervenue en Libye en 2011.
Cette intervention qui a fondamentalement modifié la donne sécuritaire dans la région et dans laquelle la France a joué un rôle actif de premier plan et au grand dam des Africains, est à la base des problèmes sécuritaires actuels du Mali en particulier et du Sahel en général ».
« Contrairement aux allégations relatives à la dégradation de la situation sécuritaire, les autorités de la transition, dans l’exercice de leur droit souverain, ont entrepris des actions volontaristes pour diversifier les partenariats, consenti d’énormes efforts, permettant ainsi la montée en puissance des forces armées maliennes et l’améliorations significative de la situation sécuritaire sur le terrain, depuis 6 mois, notamment, en vue de créer les conditions de la tenue d’élections » a déclaré le colonel Maïga.
Par rapport à la transition, le porte-parole du gouvernement indique que le gouvernement a mis en place un mécanisme de concertation visant à adopter un « chronogramme consensuel », en rapport avec la CEDEAO, l’UA, l’ONU et certains pays de la région.
Le gouvernement a, enfin, appelé les forces armées et de sécurité nationales à plus d’engagement, de vigilance et de détermination dans l’accomplissement de leurs missions de défense de l’intégrité territoriale et de sécurisation des personnes et des biens.
Mohamed Sylla
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