En visite officielle à Strasbourg (France) le 7 septembre dernier, le Président Amadou Toumani Touré s’est adressé à l’auguste institution réunie en plénière pour la circonstance. Il s’est prêté volontiers à des séances de questions-réponses avec les membres de la Commission des Affaires Etrangères puis du Groupe socio-démocrate avant de rencontrer, en comité restreint, Andris Piebelgo, commissaire au développement, Louis Michel, co-président du Parlement européen, José Manuel Barroso, président de la Commission européenne. Résultat de cette journée marathon- elle durera neuf heures d’affilée- " le soldat de la démocratie " vocable affectueux par lequel les Européens désignent ATT, a renforcé l’estime dont il jouit auprès de ses hôtes. Qui ont solennellement réitéré leur volonté de poursuivre et d’intensifier leur coopération avec le Mali dans tous les domaines.
En honorant l’invitation qui lui a été faite d’effectuer une visite officielle au Parlement européen, ATT en mesurait pleinement les enjeux. Pour le Mali d’abord. L’Union européenne (UE) est, en effet, le premier partenaire au développement de notre pays. Ses engagements pour le 10ème FED, qui s’étend sur cinq années (2008-2013) sont de l’ordre de 560 millions d’euros, soit quelque 367 milliards de FCFA. Ce pactole fait du Mali le deuxième bénéficiaire par tête d’habitant en Afrique, après l’Ethiopie, de ce mécanisme de financement du développement. Les secteurs prioritairement ciblés sont la décentralisation, les infrastructures, la gouvernance, l’atteinte des Objectifs du Millénaire pour le Développement (éducation, santé, eau potable, environnement sain) une attention particulière devant être réservée aux régions septentrionales (Gao, Tombouctou, Kidal) défavorisées ainsi qu’aux régions du Delta (Ségou et Mopti) qui offrent les conditions pour un développement optimal de l’agriculture et de l’élevage; et donc pour assurer la sécurité alimentaire à l’ensemble des Maliens.
Qui plus est la mise en œuvre des programmes est jugée ”globalement satisfaisante”. Alors que le 9ème FED a été engagé à 100%, le 10ème en est à 83%, moins de deux ans après sa mise en route.
L’UE est, en outre, la principale pourvoyeuse d’Aide Publique au Développement (APD) du Mali. A elle seule, elle apporte plus de la moitié des donations annuelles que notre pays reçoit. Ceci, par le biais de la Commission européenne et des 27 Etats membres réunis. Après la France et l’Allemagne qui arrivent largement en tête, les principaux donateurs sont les Pays-Bas avec une enveloppe de 251 millions d’Euros, soit 152 milliards de FCFA pour la période 2008-2011, le Luxembourg avec 55,2 millions d’Euros soit 36,2 milliards de FCFA pour la période 2007- 2011, la Belgique avec 50, 5 millions d’Euros soit environ 33 milliards de FCFA . Fait notable toutes ces aides, octroyées dans le cadre de Programmes indicatifs de coopération (PIC) sont en augmentation par rapport aux périodes précédentes.
Au regard de l’importance du partenariat entre l’UE et le Mali, on n’attendait pas moins du président ATT qu’il fasse un état des lieux de cette coopération. C’est à cet exercice qu’il s’est prêté aussi bien dans le discours prononcé en plénière que lors des séances de questions-réponses, fort animées, qu’il a eues avec la Commission des Affaires Etrangères et le Groupe parlementaire socio-démocrate.
Les thèmes les plus largement exposés et discutés portaient sur la démocratie malienne, la décentralisation, la migration, les OMD, l’insécurité grandissante dans la bande sahélo-saharienne avec la multiplication des prises d’otages, le plus souvent européens, par Al Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI) et les risques d’interventions miliaires de puissances extérieures que cette situation fait courir, comme on l’a vu récemment avec le raid franco-mauritanien pour tenter de libérer Michel Germaneau. Qui paiera de sa vie l’échec de cette opération aventureuse et mal préparée. Pour le moins.
Par rapport à cette question qui préoccupe de plus en plus les Européens (un débat spécial lui sera consacré ce lundi 13 septembre au sein de la Commission des Affaires Etrangères du Parlement européen) ATT s’est évertué à lever toute ambiguïté sur la position malienne. Pour endiguer le fléau, le Mali a défini et adopté une politique nationale qui, par le biais de l’encadrement et une assistance accrue aux populations fragiles, vise à les soustraire de l’influence nocive des preneurs d’otages et autres narcotrafiquants. Une cellule d’analyse et de proposition a été installée auprès du président de la République, avec l’appui de l’UE et de certains Etats membres. Un Office national de répression du trafic de drogues et de stupéfiants a été créé, adossé à un arsenal juridique répressif endurci.
Enfin un Programme d’intervention pour la réduction de l’insécurité au Nord-Mali (PIRIN) a été initié sur deux ans (2010-2012). Avec pour objectif d’éradiquer les causes de l’insécurité dans cette zone " par la mise en œuvre d’actions vigoureuses, en matière de sécurité et de développement communautaire ". Il est l’illustration d’une conviction forte chez le président ATT selon laquelle la lutte contre l’insécurité sous toutes ses formes ne peut être productive qu’étroitement associée au développement local. Son succès passe, également, par une coopération sous-régionale qui, malgré les innombrables réunions et les belles résolutions qui les ont sanctionnées, tarde à avoir un début d’exécution.
Le message, décliné par ATT devant tous ses interlocuteurs et la presse européenne, qui a tenu à être de l’événement, a été, semble -t-il, entendu.
L’autre enjeu de cette visite officielle au Parlement européen de Strasbourg est qu’elle vient renforcer le prestige personnel du président ATT.
Presque vingt ans après les événements du 26 Mars 1991 qui ont vu l’effondrement de la dictature militaro-civile et ouvert la voie à la démocratie pluraliste et après presque dix ans d’exercice du pouvoir, dans des conditions souvent difficiles, ATT continue de jouir d’un prestige immense auprès des Européens. Ceux-ci le décrivent toujours sous le vocable affectueux de "soldat de la démocratie". Une réputation qu’il n’est pas près de perdre avec son refus récent, malgré bien des pressions, de tordre le cou à la Constitution pour briguer un troisième mandat, comme nombre de ses pairs africains l’ont fait ou s’apprêtent à le faire. En le recevant à l’Hôtel de Ville de Strasbourg, en marge de cette visite officielle, le maire, Roland Reis, n’a pas manqué de saluer cette attitude «qui prend un écho particulier à Strasbourg, Capitale européenne des Droits de l’Homme et de la Démocratie».
Saouti Labass HAIDARA