MILLENUM CHALLENGE ACCOUNT : Que ferons-nous des 238 milliards ?

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Accouchement au forceps, pourrait-on dire, mais le travail a été long et difficile. Maintenant, le Mali a 238 milliards de francs CFA pour avancer. Qu’en ferons-nous ?

 

Le Millenium Challenge Account, compte spécial créé par George Bush avec l’appui du Congrès, a fait un nouvel élu, un heureux élu : le Mali. Par l’acte signé le 13 novembre à Washington, notre pays obtiendra la bagatelle de 244 milliards de F CFA, une manne jamais obtenue d’un coup par notre pays.

Les négociations ont été dures et laborieuses. Les Maliens ont appris une nouvelle manière de faire : répondre à un cahier de charges, respecter des critères sévères et précis et surtout, se débrouiller avec le seul argument des faits et des chiffres. Condoleezza Rice, le pince-sans-rire qui dirige la diplomatie américaine, l’a malicieusement noté dans son discours : fini le paternalisme.

Pourquoi une allusion perfide de ce genre ? Mme Rice, en spécialiste des relations internationales, lançait surtout une pique aux pays européens dont le penchant pour le copinage et la condescendance est reconnu. Avec nos partenaires traditionnels, une visite d’amitié du chef de l’Etat suffisait pour débloquer un dossier. En Amérique, ces méthodes n’ont aucune chance de prospérer. Le Millenium Challenge Account est géré par une structure complètement autonome et indépendante, le Millenium Challenge Corporation auquel même Bush en personne ne peut donner des ordres.

Ne pas décevoir

Maintenant que nous avons cet argent, le plus dur reste à faire : prouver que nous sommes dignes de confiance. Ce n’est pas une boutade parce que, de là, je vois déjà la meute des affairistes, prévaricateurs et voleurs patentés, tapis dans l’ombre, qui planifie déjà des méthodes qui leur permettraient de mettre la main sur une partie du magot. Il n’est pas exclu que, malgré toutes les précautions dont on sait les Américains capables, des scandales de surfacturation, de vols ou de concussion éclatent.

En fait, il y a lieu que les autorités maliennes éclairent nettement l’opinion sur la manière dont seront gérées les sommes, les modes d’attribution des marchés, les critères de répartition entre les paysans des 16 000 hectares qui seront viabilisés dans la zone Office du Niger. Il ne faut surtout pas que des agriculteurs du dimanche, débarquant de Bamako ou Ségou viennent faire main basse sur les superficies viabilisées.

A propos de l’aéroport de Bamako-Sénou, je suis personnellement sceptique sur l’inclusion de ce volet dans le projet. D’abord, j’ai appris que l’IDA vient de leur prêter 2 milliards et quelque CFA pour mettre à niveau la sécurité. Est-ce que ce projet est coordonné avec celui du nouvel aéroport ? Ou, va-t-il falloir démanteler ces infrastructures dans trois ou quatre ans dès la mise en marche du nouvel aéroport ?

J’espère seulement que pour une fois, par amour pour la patrie, nos autorités arrêteront de voir petit et doteront Bamako d’un vrai aéroport, d’un aéroport digne de ce nom. Qu’elles ne nous referont pas le coup du gros hangar nase qui tient lieu de gare à avions. Que sorte un site parmi les meilleurs en Afrique et dans le monde.

La pauvreté n’est pas seulement dans la poche vide, elle est aussi dans la mentalité. Pour une fois au moins, pensons grand et faisons quelque chose de grand. Par simple fierté. Pour montrer que nous sommes capables de rêver même si le Pnud dit que nous ne devançons que 2 pays dans le monde.

Ousmane Sow

(journaliste, Montréal)

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