Le roi, le rebelle et le bon voisin impuissant

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S’il y a des pays de la bande sahélo saharienne que le destin s’amuse à réunir de temps à autres, c’est bien l’Algérie, le Mali et le Maroc.  Quatre guerres ont scellé à tout jamais un pacte fraternel de sang entre eux et entre leur peuple. Une cinquième plus pernicieuse fait son apparition.

 

 

La première collusion entre le royaume du Maroc et le Mali remonte au temps des grands empires, lorsque Moulaye Ahmed El Mansour, arrière-grand-père de Mohamed VI, convoitant les richesses de l’Empire Songhay, envoya à Gao, outre ses troupes, celles de mercenaires espagnols, prêts à tout pour apporter au souverain chérifien or, pierres précieuses, talismans et objets cultuels mythiques ayant fait la renommée des Askia.

 

 

Le Mali, aujourd’hui jeune Etat panafricaniste et l’Algérie s’entraidèrent lors de la longue guerre d’indépendance que cette dernière menait contre la France coloniale, allant jusqu’à héberger l’actuel président algérien à Gao, ville frontalière de ce pays, avec un statut exceptionnel et une assistance que le peuple frère d’Algérie gardera toujours en mémoire.

 

 

La troisième guerre est celle dite des sables. Un conflit stupide, s’il en est, que le Maroc et l’Algérie se livrèrent au beau milieu des années 60. Le président feu Modibo Keïta s’emploiera de toutes ses forces pour l’éteindre.

 

 

La quatrième est bien sûr celle que les Maliens vivent aujourd’hui. C’est une campagne contre le crime organisé et le terrorisme au Sahel, qui inquiète tout le monde, par le fait qu’elle engendre au Mali des incertitudes et déclenche des questionnements.

 

 

Nombre d’observateurs considèrent l’implication simultanée de deux puissants amis dans la crise du Nord, comme une opportunité inquiétante, si on peut l’exprimer ainsi. Les plus optimistes s’accordent à conclure que c’est un vrai challenge de pouvoir faire sourire l’un de ces pays frères sans fâcher l’autre.

 

 

La cinquième guerre que se livrent en territoire malien ces deux pays, potentiellement plus riche, est économique. Déjà, en des temps pas très  lointains,  «l’invasion économique» du royaume chérifien se caractérisant par l’achat de l’outil de communication et de banques du Mali. Elle est perçue à la fois, au-delà du Tilemsi, comme une provocation de la part du Maroc et une flagrante ingratitude de la part du Mali.

 

 

Le dynamisme marocain a pris le dessus sur les hésitations et l’attentisme algérien dans le domaine économique. L’Algérie qui, dans un passé encore en mémoire, offrait gracieusement, sans contrepartie un avion, des véhicules 4×4 pour booster le développement du Mali et lui prêtait une main généreuse dans la lutte antiacridienne et la recherches pétrolière. Ce pays frère se voit délaissée au profit du Maroc qui a des réponses immédiates aux préoccupations de l’heure, à savoir : l’argent frais dans les banques et une rééducation des oulémas pour endiguer la tentation djihado-salafiste.

 

 

Realpolitik, tâtonnement ou politique abdominale, pour un pays pauvre, obligé de tendre perpétuellement la main, parce que tout le temps, même se nourrir relève du domaine de l’impossible. «Si vous avez du miel chez vous, impossible d’empêcher les ours de transformer votre salon en arène.

 

 

Malgré les mots humanitaires, panafricanistes et religieux qui accompagnent les visites officielles de nos autorités respectives, il y’a lieu de ne voir en le Mali qu’un voisin impuissant ou obligé, devenu le théâtre d’affrontement à distance, entre un roi à qui tout semble sourire et un ancien rebelle nationaliste qui se sent bien en droit de dire son mot sur ce qui se passe dans ses frontières politiques et économiques.

 

 

Dans tout ça, le tort du Mali est de n’avoir pas de réels moyens de se faire entendre. Coincé entre la croyance aveugle au bon voisinage, le désordre permanent au Nord, l’absence de répit économique, la continentalité du pays et la  nécessaire frivolité de sa politique extérieure, tous ses actes semblent à la fois, pour les Maliens et, en même temps, sources de satisfaction économique relative pour un temps et sources également de nouveaux mécontentements et de problèmes. C’est le cas du mari polygame, qui ne rit qu’avec la partie de la bouche tournée vers l’épouse avec laquelle il fait face.

 

 

La solution à ce syndrome, que les historiens s’emploieront certainement à qualifier un jour, est que les Maliens puissent être eux-mêmes un jour : frère et voisin de tous sans être l’obligé de quiconque. Voilà un vrai challenge pour les hommes politiques prompts à s’engraisser de deniers publics sans pour autant savoir : comment mettre en valeur les propres richesses et la culture, comment tourner la jeunesse vers le travail et la patrie, comment reconquérir la souveraineté économique du Mali ?

 

 

Voilà un challenge digne du «Mali d’abord» et digne de ses politiques, majorité comme opposition, pour les nouvelles frontières qui s’ouvrent devant les Maliens et dont ils sont loin, et même très loin, d’être les décideurs souverains.

Issac Théra

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