Impulsée depuis 2019, notamment par Serguei Lavrov, avec le double objectif de gagner des voix africaines aux Nations unies pour modifier le multilatéralisme existant et bénéficier à moindres coûts des richesses et potentialités du continent africain, elle continue à se dérouler avec une accélération liée à la guerre d’Ukraine.
Le Mali est en passe de devenir le hub régional ouest africain de cette stratégie russe. Deux derniers événements passés plus ou moins inaperçus, en attestent:
Les rumeurs d’arrivée de 6 chasseurs MIG russes précédant comme première vague l’implantation prévue d’une flotte de 40 MIG 21 à Bamako. Cela concomitamment à la demande d’immobilisation voire de départ des forces de la MINUSMA, qui reste un témoin gênant, et l’arrestation des 49 ivoiriens, qui n’est qu’un prétexte pour déclencher un conflit avec la Côte d’Ivoire, ainsi que la demande de libérer les lieux de l’aéroport pour d’autres utilisations.
La rencontre officielle et médiatisée entre le Premier ministre Choguel K Maïga et le musicien Salif Keita, également membre du CNT et nouveau chantre d’une Fédération entre la Guinée et le Mali :
C’est peut être un délire – on se rappelle l’échec de la Fédération du Mali avec le Sénégal, dans les années 60. Mais puisse qu’il y a beaucoup de russes en Guinée et cela correspondrait à l’intérêt de la junte qui disposerait ainsi d’’un port pouvant notamment permettre le débarquement du matériel militaire.
En parallèle, les campagnes populistes se poursuivent autour d’un souverainisme exacerbé pour donner un effet de légitimation à ces actions et pour détourner l’attention, avec barrage sur des vidéos qui montrent qu’il vient d’y avoir encore une cinquantaine de personnes tuées !
Une évolution considérable qui semble passer sous les radars
Paradoxalement on constate que la communauté internationale, qui dispose de toutes ces informations, ne bouge pas, ce qui est assez étrange.
En effet la dimension du problème est en train de changer : c’est vers un tout autre équilibre géopolitique, économique et culturel au plan national et régional que s’oriente la junte.
Une légitimité de plus en plus contestable pour des choix de sociétés radicaux
En dehors de tout jugement de valeur, cela outrepasse incontestablement et dans des proportions considérables le mandat confié par l’organisation régionale et la communauté internationale aux autorités de transition, pour organiser des élections transparentes.
Cela se fait également assez insidieusement et sans véritable consultation de la population, qui pourrait s’en trouver largement pénalisée.
Au Mali il y a environ une centaine de langues et cela est le cas de la plupart des pays africains. D’où l’importance d’une langue véhiculaire car on voit très mal la possibilité de choisir une langue locale, en disant par exemple, le peul ou le bambara… ce qui conduirait inévitablement à un conflit ethnique ou à un repli identitaire.
Cette langue véhiculaire depuis plus d’un siècle c’est le français. C’est aussi une richesse et l’accès à une autre culture, qu’un grand nombre de maliens, leurs enfants et leurs petits-enfants possèdent parfaitement et au plus profond d’eux-mêmes. Posséder plusieurs cultures est d’ailleurs toujours une véritable richesse
Le détruire serait un retour en arrière catastrophique et tout père de famille qui aspire à protéger ses enfants n’aimerait pas qu’ils deviennent les parias d’une nouvelle culture imposée.
Et il ne s’agit pas de sauver la Francophonie la Francophonie, ce n’est pas que la France, c’est aussi nous tous, les pays africains francophones !
Des risques croissants pour le Mali, la sous-région et même au-delà
Même, si en définitive cette aventure s’avérait impossible à mener à terme et conduirait à un retour en arrière, quel temps perdu ! Pendant ce temps personne ne parle réellement d’économie et des 80 % de chômeurs ! Qu’est-ce qui est fait contre cela ?
Sur une ligne maintenant bien établie on voit donc les risques considérables que la transition fait courir, tout en se contentant de se focaliser sur des fake news et sur la France, sans résoudre aucun des problèmes essentiels de la population.
Si on ajoute au tableau le conflit actuel qui menace de s’envenimer avec la Côte d’Ivoire- poids lourd économique de la sous-région que certains aimeraient bien déstabiliser- c’est toute l’économie de l’Afrique de l’Ouest qui pourrait être détruite.
Quelles recommandations, sur quels fondements?
Ces considérations et ces alertes sont légitimes et importantes car ces risques de déstabilisation, si l’on y prend garde maintenant, vont rapidement s’étendre à la région. entière
On ne peut que contester de plus en plus fermement la légitimité d’un gouvernement provisoire qui prend de telles décisions engageant de plus en plus lourdement l’avenir du pays et de la région, en utilisant de plus la violence pour y parvenir.
On doit observer que ce danger est porté aujourd’hui essentiellement par un petit groupe de militaires, fragilisés par une évolution défavorable de la situation sécuritaire, qui représentent en gros une cinquantaine de personnes et qui jouent l’avenir de 20 millions d’habitants et de dix fois plus si on considère la région ! On a envie de dire, trop c’est trop !
On comprend mieux la logique de la force en attente anti-putsch qui a été annoncée au niveau de la CEDEAO, mais ne sera-t-il pas trop tard ?
On comprend moins le silence de la communauté internationale et notamment des pays méditerranéens, de l’Europe directement concernés, qui en cas de déstabilisation générale de la région se trouveraient aux premières loges des vagues d’immigration qui ne manqueraient pas d’en résulter- notamment compte tenu de l’importance des diasporas existantes.
On peut même se demander si une notion de droit/devoir d’intervention dans un périmètre dit de sécurité notion chère aux russes ne se justifierait pas pour prévenir de tels risques de déstabilisation et consolider, pendant qu’il en est encore temps, la paix au niveau continental.
Les Russes sont des habitués du port de Conakry
Les russes ont une longue expérience de l’utilisation du port de Conakry. Elle consistait à expédier depuis la Russie du matériel militaire à Conakry destiné au Mali et ensuite acheminé vers l’Algérie via le Mali pendant la guerre d’indépendance d’Algérie.
Actuellement le port de Conakry est géré par une société turque
L’Algérie vient de réchauffer l’application de l’accord d’Alger après la visite du ministre des affaires étrangères de la Russie alors que depuis la mort de Boubèye MAÏGA il n’y avait plus de contact à haut niveau entre maliens et algériens
La Rédaction