Le président IBK a entamé une tournée diplomatique qui l’a mené chez ses voisins mauritanien et algérien. La surprise est qu’IBK se rend aussi à Doha au Qatar, qui a financé largement le groupe armé du Mujao au Nord Mali. Une sacrée « diplomatie du billard »!
Pour mieux valider l’illusion qui doit laisser croire à l’opinion internationale que le Mali est un État définitivement remis sur les rails, le président (très mal élu) Ibrahim Boubacar Keita, dit « IBK » s’est lancé dans une tournée de proche et lointain voisinage. Le Premier des maliens s’est d’abord rendu, à bord d’un joli avion qui lui a été offert par le roi du Maroc, à Nouakchott, pour y visiter son frère ennemi Mohamed Ould Abdel Aziz, dit MOA, le président (très mal élu) de la République Islamique de Mauritanie. Officiellement la querelle entre les deux frères africains porte sur le laxisme manifesté face à ces jihadistes qui ont formé le projet de prendre le pouvoir au Sahel. Le général mauritanien, devenu président, reprochant aux anciennes « autorités » du Mali de faire cause commune avec les troupes de la Révolution islamique. S’il est vrai que la brouille tient, pour partie, à des querelles de jihad -la Mauritanie fermant les yeux quand les terroristes choisissent ce pays comme « base arrière »- le fond du problème tient aussi au jeu des hégémonies locales. Par exemple à la volonté de l’Algérie de régner sur le Sahel et en particulier sur le Mali, ce qui irrite le Maroc lui-même grand ami de la Mauritanie. Parfois la diplomatie tient du billard. Si le long pèlerinage d’IBK, donc de Nouakchott à Alger puis à Doha a pour premier objectif d’apaiser les vieilles rancœurs, il sert aussi à recueillir des fonds ou à s’associer dans des investissements communs.
Le bilan du séjour d’IBK en Mauritanie est assez comique pour qui sait que, dans leurs propres pays les deux « patrons » font face à des difficultés énormes. Pourtant, si on les écoute, ces deux prototypes du système africain veulent nous faire croire qu’ils sont en situation de régler le sort de monde. Ainsi, après s’être félicités réciproquement pour leurs « élections qui sont de grands succès démocratiques », IBK et MOA ont entamé un tour d’horizon. Horizon lointain les a conduit jusqu’en Syrie où, l’un et l’autre « souhaitent une paix négociée et appuient les efforts de médiateur de l’ONU Lakdar Al Ibrahimi… Puis c’est le sort de la Palestine auquel s’attellent ces athlètes de la diplomatie, demandant « le retour aux frontières de 1967 », ce qui ne mange pas de pain mais oubliant de demander le retour des réfugiés.
Comme il y a, quand même, quelques problèmes à régler dans leurs propres pays, les présidents en ont aussi parlé. Et « fait un certain nombre de constats communs ».
Tout d’abord, avec un total sérieux, les deux chefs d’état ont salué « la restauration de la souveraineté et de l’intégrité territoriale du Mali et la défaite des groupes terroristes qui évoluaient au Nord du pays ». « Intégrité » toujours placée sous perfusion de Serval et, en dépit de cela, sujette à pas mal de « sursauts » jihadistes. Bref, dorénavant, ni le Mali ni la Mauritanie ne vont « tolérer la présence de groupes armés terroristes sur leur terre »….les narcotrafiquants étant inclus dans la sphère. Enfin, au terme d’un « large échange de vues » où ont été évoqués le suivi électronique des camions et l’harmonisation des frais liés à « la lettre de voiture », les deux chefs d’état se sont embrassés.
Escale à Alger
Le voyage à Alger de son excellence IBK était autrement plus coton. Dans la Ville blanche on ne rigole pas avec les jihadistes du Nord Mali, dès qu’ils menacent la stratégie du pays de Bouteflika. Fous de Dieu ou pas, ces excités doivent être sous contrôle. Autre attraction du bref passage d’IBK, la question de savoir si Bouteflika, tout juste rentré d’un séjour à l’hôpital du Val de Grâce à Paris, était oui ou non en état de s’exprimer… Dimanche, c’est un président Algérien « en très bonne forme » que le malien a rencontré. Ce bulletin de santé, délivré par le docteur IBK, méritait le voyage. Sur le fond, rien n’a « filtré » puisque rien n’a été discuté. L’échange n’ayant porté que sur des « ébauches » qu’il s’agit de « développer »… En réalité, les algériens, particulièrement les « services », ont profité de la présence d’IBK et de membres de son état-major, pour leur inculquer une règle du jeu, celle à observer face aux jihadistes dans le Sahel (voir le décryptage ci contre)
IBK était assez pressé de rentrer au pays puisque Jean-Yves Le Drian, le vrai patron du Mali, l’attendait dimanche soir à Bamako. On se demande pourquoi puisque François Hollande, dans sa dernière conférence de presse, a bien précisé que l’opération Serval était pratiquement terminée et que le sort du Mali appartenait maintenant aux Maliens.
Si les pérégrinations d’IBK à Nouakchott et à Alger tombent sous le sens, puisque ces deux états sont à la frontière du champ de bataille (et même souvent dedans), pourquoi le prochain vol du président malien va-t-il le conduire dans le lointain Qatar ? Ce voyage est un aveu : pendant toute la montée en puissance des jihadistes au Sahel, et le boum de la pitoyable guerre libyenne, le Qatar a appuyé avec fidélité et persévérance les propagandistes de la charia et du califat. Doha a toujours protégé Mujao, un des deux mouvements djihadistes les plus radicaux du Nord du Mali. En appui à ce Mujao, installé à Doha (où ils ont pris en otages des diplomates algériens toujours retenus), le Qatar, sous les couleurs de son Croissant Rouge, a alors envoyé des renforts sanitaires mis à la disposition des guerriers d’Allah. Et aussi des fonds puisque, du jour au lendemain, l’argent qatari a permis de tripler les soldes des mercenaires religieux, d’acheter des uniformes neufs et de véhicules, de payer médecins et hôpitaux. Au moment de l’intervention française vers Gao, des observateurs, membres de services spéciaux allemands, ont décrit plusieurs avions gros porteurs quittant en hâte l’aéroport de la ville, des appareils appartenant au Qatar…
Plus avant, lors du ratissage de Serval et suite à différentes observations américaines réalisées à l’aide de drones, les agents des services spéciaux des deux pays ont constaté que des armes et de l’argent se sont retrouvés dans le désert avec la bénédiction de Doha. Cette implication terroriste est l’une des raisons qui à la fin du printemps 2013, ont obligé l’émir à démissionner au profit de son fils ; et le tout puissant Premier ministre HBJ à quitter son poste pour aller faire du business à Londres.
Le voyage d’IBK à Doha est une sorte de supplique adressé à Tamim, le nouveau roi : « par pitié, cessez de soutenir ceux qui nous persécutent, et donnez-nous de l’argent »… Le chef d’état malien a certainement obtenu la réponse diplomatique toujours utilisée par le Qatar, dès que ce pays est pris la main dans le sac. « L’aide au Mujao ? Nous n’avons rien à voir… Mais on ne peut empêcher de riches qataris de pratiquer une charité qui est peut être dévoyée »…
Entre deux thés à la menthe, IBK n’a pas manqué de transmettre à Tamim le pressant message qui lui a été confié à Alger : « Si Doha ne met pas tout en œuvre pour la libération de nos diplomates, attendez-vous à de graves inconvénients ». Finalement, ce petit boulot de télégraphiste a été sûrement la mission la plus importante d’IBK au Qatar.
Mondafrique