La visite (de trois jours) du président malien, Amadou Tounami Touré, à Alger, relance le débat sur l’utilisation du territoire malien comme base arrière par les terroristes, mais également sur le paiement de rançons à ces derniers dans le cadre de la libération d’otages occidentaux dirigés, après leur rapt, vers le nord du Mali.
Le président Amadou Tounami Touré (ATT) arrivera aujourd’hui à Alger, au moment où la question du paiement des rançons aux terroristes pour libérer les otages qu’ils détiennent refait surface. Parce qu’elles constituent une manne financière importante – estimée par certains à 50 millions d’euros et par d’autres à plus de 100 millions – les rançons ne font que renforcer les capacités militaires et humaines d’AQMI, qui a pris comme base arrière le nord du Mali.
Cette situation est facilitée par la passivité, pour ne pas dire la complicité, de militaires et politiques maliens qui se livrent (après chaque enlèvement) à une course effrénée aux prises de contact avec les phalanges d’AQMI dans le but de partager avec ces derniers le «butin». Si sur le terrain nigérien et mauritanien, les terroristes ne peuvent faire que des incursions, au nord du Mali, ils circulent en toute quiétude tant qu’ils ne commettent pas d’attentats sur cette terre d’accueil. Une situation qui n’a cessé d’irriter les voisins. En juillet 2010, le gouvernement malien a provoqué la colère de l’Algérie et de la Mauritanie en élargissant quatre détenus (réclamés par Alger et Nouakchott pour leur implication direct dans des attentats terroristes) en contrepartie de la libération d’un otage français tenu en captivité dans les camps d’AQMI. La décision a été suivie du rappel des ambassadeurs. Depuis, entre Alger et Bamako, rien ne va plus.
Il a fallu la nomination, en début d’année, d’un nouveau ministre des Affaires étrangères, en la personne de l’ancien patron des services secrets, Boubey Soumeylou, connu pour être très proche des plus hauts dirigeants du pays, à commencer par le président Bouteflika, pour que les relations reprennent. Le retour de centaines de combattants des forces loyalistes d’El Gueddafi au nord du Mali et l’arrivée massive de véhicules bourrés d’armement et d’explosifs vers cette région vont accélérer les évènements. Devenue tellement importante avec ce qui se passe en Libye, la menace n’est plus une affaire d’un pays ou d’une région. Le Mali, le Niger, la Mauritanie et l’Algérie se sont mis d’accord, lors d’une conférence tenue à Alger les 6 et 7 septembre dernier, en présence de leurs partenaires économiques, pour coordonner leurs efforts afin de venir à bout de l’insécurité. Tous sont conscients que le paiement des rançons ne fait que renforcer les capacités militaires des terroristes.
Mais sur le terrain, le constat ne fait que s’aggraver. Mieux, au moment où la visite (à l’invitation de Bouteflika) d’ATT se prépare, les négociations pour la libération de quatre otages français (enlevés il y a une année sur la base vie d’Areva à Arlit) se poursuivent au nord du Mali. Elles buttent uniquement sur le montant de la rançon jugé par le gouvernement français «trop importante» (on parle de 80 millions d’euros). Au début de cette semaine, le journal français le Monde a fait état d’un contentieux entre Areva et la société britannique Hiscox, qui assure ses employés contre le risque d’enlèvement. La société d’assurance menace de rompre son contrat avec le groupe français au motif que le versement d’argent en contrepartie de la libération des otages reviendrait à financer le terrorisme. Alors, peut-on croire que le Mali s’engage réellement à refuser l’asile aux phalanges d’AQMI et, de ce fait, toute négociation avec celles-ci ?
Salima Tlemçani
EL WATAN