L’annonce de la démission du Président de la Transition guinéenne, Sékouba Konaté, a été ressentie au Mali comme un coup de tonnerre dans un ciel serein. Comprenant la gravité de la situation, le Président malien Amadou Toumani Touré n’a attendu que le départ de son hôte et homologue iranien, pour prendre le lendemain, son bâton de pèlerin en direction de la Guinée.
Coup de tonnerre dans un ciel serein au Mali, parce que nul besoin d’être expert pour savoir qu’un tel scénario (démission de Sékouba Konaté) peut conduire le pays au chaos par la remise en cause du processus démocratique. Et le citoyen lambda sait, autant que l’auteur de la chronique du vendredi, que le chaos est exportable de la Guinée au Mali, pays avec lequel elle fait les deux poumons d’un même corps. La visite d’ATT à Conakry, hier 8 juillet, a été autant profitable pour le processus guinéen que bien remplie, faite de rencontres et d’enseignements, à donner et à recevoir.
En prenant son avion, le contenu de sa besace n’est fait que de compléments des messages qu’il a déjà eu à dire par téléphone au Général Sékouba, le mercredi pour l’amener à revoir sa décision de jeter l’éponge avant la fin de la transition. Ce qu’ATT apporte en Guinée n’a rien des prières, mais de vérité toute crue destinée à son voisin et frère, le Général Sékouba Konaté. Des vérités sur le danger qu’il ferait courir à tout le processus en cours en Guinée, depuis l’éclipse du défunt Président Lansana Conté, en passant par la tentative d’assassinat du Capitaine Moussa Dadis Camara par son aide de Camp Toumba, suite aux évènements du 28 septembre dernier.
Mais ATT a pris soin d’amener aussi, son mémoire non encore écrit sur sa propre conduite de la transition qu’il a eu à présider au Mali du 26 mars 1991 au 8 juin 1992. Que de haut et de bas que le Général Sékouba Konaté doit admettre et accepter, tout en sachant qu’être Président de la transition ne relève pas de la sinécure. Celui qui ne se lasse pas de répéter qu’il a pu conduire la transition à terme grâce au soutien des enfants qui sont donc restés ses amis, a eu lui aussi ses moments d’hypertension sous la transition au Mali. Sous sa conduite, la transition malienne a tangué et a frôlé la démission de son président qui a dit à peine voilé qu’on ne le fera pas passer dans le sillage de Moussa Traoré. Ceux qui étaient pressés de son départ, étaient gracieusement servis du fauteuil de chef de la transition, s’ils le voulaient.
Mais le Lieutenant-Colonel a tenu bon, jusqu’au 8 juin 1992 date à laquelle, il a passé le pouvoir au Président Alpha Oumar Konaré, élu après le deuxième tour de l’élection présidentielle. Pour ça, ATT est un exemple en Afrique et ne devrait rien attendre pour exporter son expertise à son frère, le Général Konaté. Il le fait aussi pour éviter de recevoir en pleine figure les conséquences néfastes induites d’une impasse à la guinéenne. Alors qui mieux qu’ATT pouvait donner recette à Sékouba Konaté ? Gageons que le processus guinéen sera à jamais à l’abri d’un coup de frein fatal.
L’incident du mardi a fini d’établir ce qui pouvait relever du doute chez certains : bien des acquis dans le processus démocratique en Guinée ne sont pas encore définitifs. Chaque maillon de la chaîne doit être tenu à l’œil et traité avec les soins qu’il mérite, pour que la marche de l’ensemble ne puisse être compromise par aucun couac. Car rien qu’un trébuchement peut coûter la remise en cause totale et fatale à la démocratie en construction.
B. Daou