Soixante douze heures d’enfer. Ainsi pourrait-on qualifier la période du lundi au mercredi dernier, pendant laquelle la Guinée a failli basculer dangereusement dans la pagaille, alors que, jusque-là, le général Sékouba Konaté tenait bien le gouvernail pour conduire le pays vers la démocratie et la stabilité socio-économique. Le premier acte de cette mutation est la présidentielle du dimanche 27 juin, un scrutin qui vient de révéler ses secrets avec le passage au second tour de Cellou Dalein Diallo et Alpha Condé. Mais la décision annoncée du général Konaté de se retirer du processus suite aux injures et accusations de manipulations des résultats formulés par les partisans de Sidya Touré de l’UFR a précipité le pays au bord de l’impasse. Heureusement que le coup de fil salutaire du président ATT est venu le dissuader de partir et l’inciter à conduire la transition à son terme. C’est sur cette lancée que ATT est attendu à Conakry, ce jeudi à 10 heures, pour discuter avec tous les acteurs impliqués.
La nuit a été très longue à Conakry, avant-hier, suite à l’annonce de la démission du général Sékouba Konaté. D’ailleurs, hier matin, nombreux sont les ministres, membres du Conseil national de la transition qui sont arrivés en retard à leur bureau. Dès l’annonce de la décision de démission du président Sékouba Konaté, les tractations ont commencé, dans le cadre d’une véritable réunion de crise. Tous les responsables des institutions, les diplomates, la société civile et d’autres bonnes volontés se sont réunis pour supplier le général Sékouba de rester à son poste, pour conduire la transition à son terme. Les officiers de haut rang de l’armée étaient au premier plan, comme s’ils montaient au front, suivis des responsables des institutions républicaines.
Le général Sékouba Konaté, encore président de la transition pour peut-être quelques heures, les a rencontrés, dans cette soirée inoubliable de mardi, pendant laquelle, la Guinée tanguait dangereusement et menaçait de basculer dans le chaos. La situation était confuse et l’allégresse du jour du scrutin s’estompait progressivement, laissant la place à la mélancolie.
Heureusement qu’à cet instant-là, les candidats au deuxième tour, Cellou Dalein Diallo et Alpha Condé, ont donné une image forte à la Guinée, en se présentant, main dans la main, devant le général Sékouba Konaté. Tour à tour, chacun des deux prétendants à la présidence de la République aurait demandé au général de ne pas quitter ses fonctions de président de la transition.
Ensuite, c’était au tour de Sidya Touré de venir présenter ses excuses et de supplier le général de revenir sur sa démission. Ironie de l’histoire, ce sont les militants de l’UFR de Sidya Touré qui ont beaucoup plus irrité le général président. Ils l’ont couvert de pou et de boue, lors de leur marche de lundi surtout dans la déclaration au vitriol que l’UFR a diffusée publiquement pour appuyer le mouvement de protestation qu’elle a organisé dans la capitale guinéenne. C’est un responsable religieux qui aurait facilité la rencontre du candidat malheureux de l’UFR avec le président de la transition. "J’ai compris", aurait répondu Konaté aux excuses de Sidya Touré.
A rappeler que c’est en rencontrant les présidents des institutions républicaines, mardi, que Sékouba a exprimé sa déception : "En arriver à offenser nos parents, ça je ne pourrai pas l’accepter ! Pour rien au monde ! Mon honneur et ma dignité ne me le permettent pas...", a lancé Konaté.
C’est ainsi que la présidente du CNT, non moins syndicaliste, Hadja Rabiatou Sérah Diallo, au nom des institutions républicaines (CNT, CNC et CES), a présenté ses excuses au général Sékouba Konaté, qui a tenu ensuite à lever tout soupçon d’interférence dans le jeu électoral en faveur du candidat du RPG, les propos distillés par l’UFR, qui s’appuie sur son entretien avec le président de la CENI avant l’annonce des résultats provisoires. Le président de la transition a ainsi demandé à son ministre Secrétaire général de la présidence, de décrire à l’opinion ce qui s’est passé avec Ben Sékou Sylla, dans la soirée de ce fameux vendredi, jour de la proclamation des résultats du premier tour de la présidentielle.
Tibou Kamara, annonçant que le président de la CENI n’avait sur lui aucune fiche de résultat, a dit que l’ordre d’arrivée donné par Ben Sékou Sylla, au départ, n’a pas changé après son entretien avec le président de la transition. Seulement, Tibou Kamara a précisé que le président de la CENI a parlé de fraudes et que le général Konaté a estimé qu’il revenait à la Cour suprême de se prononcer sur d’éventuelles annulations.
Avec ces échanges et explications, le président Sékouba s’est retiré, sans mot dire, laissant l’assistance médusée. A la suite d’une concertation entre les ambassadeurs du Mali et du Sénégal, le premier, Me Hassane Barry, parvint à mettre Amadou Toumani Touré en contact avec le général. Les deux hommes ont discuté pendant longtemps. Puis Sékouba a eu un autre entretien avec Abdoulaye Wade.
C’est après ces deux entretiens téléphoniques que le président démissionnaire a débuté une rencontre avec la hiérarchie militaire. Selon des sources proches de l’Etat major, cette réunion a porté sur sa succession. Sékouba aurait demandé aux militaires de choisir Rabiatou Sérah Diallo comme présidente de la transition, afin d’éviter des problèmes, mais de garder le gouvernement comme tel, sans changement.
Notre source d’ajouter que cela n’a pas beaucoup plu à certains officiers, qui ont demandé au général qu’ils souhaitent que ce soit l’actuel chef d’Etat major général de l’armée qui lui succède. Une petite discussion, et peu après, le schéma du général est accepté : prendre Hadja Rabiatou comme présidente. Jean Marie Doré et son équipe allaient continuer leur action gouvernementale.
Pendant tout ce temps, au Mali, le président ATT était avec un hôte de marque, le président d’Iran. C’est donc à peine sorti de la réunion avec les militaires, que Sékouba Konaté est appelé au téléphone par ATT. Plus d’une heure de communication, puis le Général Sékouba Konaté donne son accord de rester au pouvoir, jusqu’à la fin de l’élection présidentielle, c’est-à-dire mener la phase de transition à son terme. C’est après que la bonne nouvelle est tombée: le général Sékouba Konaté accepte les excuses de tout le monde et décide de rester au pouvoir.
D’ailleurs, selon ce qui est convenu, le président ATT est attendu, à Conakry, ce jeudi 8 juillet, à 10 heures, pour échanger avec la classe politique guinéenne et réconforter son frère Sékouba Konaté, pour qu’il puisse continuer à mener la transition sans problème.
Kassim TRAORE
*Envoyé Spécial