Coopération Mali/Banque mondiale : En attendant la reprise

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L’encours global engagé au titre de l’exercice 2012 s’élève à environ 425 millions de FCFA, dont 45% déjà débloqués bien avant le coup d’état du 22 mars

 Dans un entretien accordé au quotidien national L’ESSOR, publié dans sa livraison du lundi 16 juillet dernier, le ministre de l’Economie et des finances, Tiéna Coulibaly est revenu sur les difficultés de trésorerie que connaît notre pays depuis le coup du 22 mars dernier. Selon lui, le pays a subi une avalanche de chocs, à commencer par les partenaires qui ont fermé le robinet de la coopération. La suspension fait perdre à notre pays une conquête enveloppe contenant 522 milliards de nos francs, environ le 1/3 du budget national, au titre de l’exercice 2012. Côté recettes : depuis le déclenchement de cette crise (institutionnelle et économique), le pays enregistre une perte de 78 milliards de FCFA, réduisant fortement la capacité de mobilisation de nos services de recettes. Au total, le manque à gagner pour notre Trésor public est globalement estimé à environ 600 milliards de FCFA.

Cette déclaration ne pouvait mieux tomber que maintenant. Elle ne fait que confirmer une situation, dont souffrent des milliers de maliens qui vivent au quotidien les conséquences de la crise. En lisant donc « L’ESSOR » du lundi 16 juillet dernier, toutes les consciences se disant « patriotiques » devraient s’arrêter un temps soit peu pour songer à l’avenir de ce pays, au lieu de s’occuper de son égo. Mais, certains acteurs de la vie politique nationale, syndicale et religieuse, continuent d’alimenter le débat sur le clivage en opposant certains maliens à d’autres, qu’ils indexent comme des apatrides. Dommage, qu’on en arrive là.

Dans tous les cas, le gouvernement de Cheick Modibo Diarra peut continuer à feindre d’ignorer les partenaires sociaux dans la gestion des affaires du pays, mais il sera rattrapé par la réalité économique. Et pour cause, les partenaires techniques et financiers ont été clairs avec lui. Sans gestion inclusive des affaires du pays, pas de lever de mesures de suspension de la coopération. Selon le Chargé d’affaire de l’Ambassade de la délégation de l’Union européenne au Mali, Bertrand Soret, la dynamique de retour à l’ordre constitutionnel est certes enclenchée, mais il n’en demeure pas moins que les organes de la transition devraient être plus inclusifs afin de parvenir à l’élaboration d’une feuille de route viable. En conséquence, toutes les conditions pour une reprise complète de la coopération ne sont pas encore réunies. La situation n’est donc pas assez encourageante pour permettre une reprise normale de la coopération. Le processus de dialogue a été enclenché et il permet d’espérer, mais le principe de vigilance demeure encore.

Le même constat est partagé par le directeur des opérations de la Banque mondiale au Mali, Ousmane Diagana. Selon lui, déjà la situation socioéconomique était précaire bien avant les événements du 22 mars. À la crise alimentaire qui se profilait à l’horizon, se sont greffées deux autres crises : la révolution en Libye, qui a fortement impactée sur la situation sécuritaire dans le pays. Elle a entraîné une rébellion armée, qui a débouché sur l’occupation de 2/3 du territoire. La dégradation de la situation sécuritaire a donc provoqué une désaffection de notre pays. Ainsi, les touristes et autres investisseurs privés se sont détournés de la destination Mali. L’argent a horreur du bruit. En outre, la crise de la dette souveraine européenne a également impacté sur le transfert des ressources des migrants dans le pays, qui constituaient une importante manne financière. La baisse drastique de ces ressources a provoqué une tension de trésorerie sur les revenus des milliers de ménages au Mali, dont les membres travaillent en Europe.

En conclusion, la baisse des revenus du fait de la crise de la dette souveraine européenne et la contraction des investissements publics et privés nationaux et étrangers à cause de l’insécurité dans la partie septentrionale de notre pays ont mis la croissance en berne. L’économie sous perfusion ne pouvait donc plus attirer de capitaux extérieurs aussi bien publics que privés.

Les investisseurs étrangers ont perdu confiance en la capacité de rebondissement de notre économie. C’est donc dans cette situation économique déjà très délétère, que sont intervenus les événements du 22 mars, qui ont abouti à la chute du régime d’Amadou Toumani Touré. En réaction à ce coup de force des militaires, les partenaires techniques et financiers, y compris la Banque mondiale, ont décidé à l’unisson de suspendre leur coopération avec notre pays. Tandis que le Mali est fortement dépendante de l’aide extérieure d’habitude. Le budget national est soutenu à plus de 21% par l’extérieur, selon Ousmane Diagana.

Dans ce flot important d’aides extérieures, l’apport de son Institution est de taille, a t-il précisé. L’encours global engagé au titre de l’exercice 2012 est  de 850 millions de dollars US, environ 425 millions de FCFA, sur lesquels 45% ont déjà été débloqués depuis bien avant le coup d’état du 22 mars.

En termes d’appui budgétaire direct, la banque donne 50 millions de dollars US, environ 25 milliards de FCFA. À cela s’ajoute un stock d’opération, constitué de 350 millions de dollars US, environ 175 milliards de FCFA. Dans le domaine sectoriel, la Banque mondiale appuie plusieurs secteurs : l’énergie, la santé et l’éducation.

Dans le secteur de l’énergie, elle finance un projet structurant d’énergie domestique pour une enveloppe de 180 millions de dollars US, environ 90 milliards de FCFA, soit 29% du portefeuille. Dans le secteur productif, elle finance plusieurs projets et programmes, notamment le PCDA et le PAPAM. A la veille même du coup d’état, le conseil d’administration de la banque avait accordé 100 millions US, environ 50 milliards de FCFA, à notre pays pour la prolongation du PCDA.

Outre les appuis financiers, la banque mondiale joue le rôle catalyseur dans le système économique de notre pays. C’est-à-dire que son intervention attire d’autres bailleurs de fonds. Elle assiste aussi le Mali dans les études de faisabilité ou socio environnementaux des projets de développement. Depuis l’année dernière, la banque avait inscrit le Mali sur la liste des pays prioritaires à cause de la stabilité et la solidité de ses institutions. Pour cela, elle avait décidé d’accompagner un certain nombre de projets au Mali, qui allait servir d’échantillon pour les autres pays africains. Dans ce cadre, trois projets avaient été finalisés. Les  deux premiers concernent l’enseignement supérieur et l’enseignement de base. Le second est relatif à la mobilisation d’un don en faveur de l’éducation de base. Le fonds mobilisé s’élève à 150 millions de dollars US, environ 75 milliards de FCFA.

Le trois projet concerne la situation d’urgence pour 20 millions de dollars US, environ 10 milliards de FCFA.

La banque avait également accordé un montant de 170 millions de dollars US, environ 85 milliards de FCFA. Ce montant devrait être viré dans les comptes du Mali avant la fin du premier trimestre 2012.

Outre, les partenaires financiers non-africains, le Mali étant un pays enclavé, est membre de plusieurs organisations sous-régionales, notamment l’UEMOA et la CEADEAO.

Avec ses voisins, le Mali entretient d’excellentes relations économiques, commerciales et financières. Comment, un homme sensé, fut-il homme politique, peut-il conseiller à nos compatriotes d’adopter une attitude belligérante et va-en guerre face aux Chefs d’Etat et de Gouvernements des autres pays membres de la CEDEAO, dont le seul tort est de nous aider à régler nos différends ?

Les Maliens doivent regarder la réalité en face et se convaincre d’une chose : plus la crise institutionnelle perdure, plus on s’enfonce dans la crise économique et ce sont des milliers de Maliennes et de Maliens qui perdent chaque jour leurs emplois.

L’arrêt du seul chantier de la nouvelle terminale à l’aéroport internationale de Bamako, financé par Millenium Challenge, a coûté le boulot aux ouvriers de cinq entreprises maliennes.

Le secteur du tourisme, de l’hôtellerie et de la restauration est déjà à terre.

Les grandes chaînes hôtelières ont mis tout leur personnel non essentiel à la porte. Cette situation a eu des effets d’entraînement sur les secteurs industriels et agricoles avec des répercussions sur le niveau de mobilisation de recettes fiscales de l’Etat.

 

Mohamed Ba

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