En répondant à l’appel du Haut conseil national de lutte contre le sida, le secteur privé malien sauve les apparences dans une simulation d’unité pour barrer la route au Vih/sida. Mais au-delà des faux semblants, le secteur privé, aujourd’hui en lambeaux, doit se ressaisir pour atteindre les objectifs de croissance accélérée fixés par le gouvernement. Des atouts existent pour faire du secteur privé national le moteur du décollage économique du pays. Mais, c’est compter sans les nombreuses tares qui minent son épanouissement.
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La promotion d’un secteur privé dynamique et compétitif constitue un défi essentiel pour le Mali, engagé désormais dans la voie de la croissance économique accélérée. Mais, malgré l’attention toute particulière que ne cesse de lui accorder le gouvernement depuis plusieurs années pour l’amélioration du cadre macroéconomique, le secteur privé malien reste toujours confronté à des difficultés d’ordre structurel, financier et organisationnel qui le rendent moins efficace.
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Pourtant, par sa cohérence et sa pertinence, le Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté (Cslp) avait déjà retenu le secteur privé comme pivot de la croissance économique et du développement durable. Pour ce faire, sept axes d’intervention étaient dégagés : le renforcement du partenariat de concertation entre l’Etat et le secteur privé ; la consolidation et le développement des infrastructures et services d’appui aux entreprises ; le renforcement des fondements institutionnels règlementaires des marchés ; la construction d’un système financier solide et performant ; le développement de l’esprit d’entreprise, la promotion des Pme et la création de facilités et d’une base de compétences nécessaires à la compétitivité ; la coordination et l’harmonisation des programmes appuyés par les partenaires au développement et, enfin, l’accroissement de la contribution des exportations à la croissance.
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Les orientations stratégiques et les objectifs d’une telle politique ont été définis par le Programme décennal du secteur privé (Pdsp) et la Lettre de politique de développement du secteur privé (Lpdsp).
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Une batterie de mesures qui n’a pas porté le secteur privé vers les niveaux de performance attendus. Sans nul doute, des grains de sable sont nichés dans l’engrenage. Il faut les en extirper pour faire tourner correctement la grande machine de production de la croissance économique.
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Dans ce contexte, la Loi d’orientation du secteur privé, annoncé par ATT et attendu dans le premier trimestre de l’année 2008, sonne comme un véritable défi lancé aux opérateurs économiques. Le secteur privé devra monter droit vers les cimes de la compétitivité et de la performance, au vu du rôle stratégique qui lui est confié dans le Programme de développement économique et social (Pdes) du président ATT : « Le secteur privé sera encouragé à jouer un rôle primordial dans le Pdes comme principal vecteur du développement. Dans le cadre d’une politique volontariste, plus de 400 milliards de F cfa seront injectés dans l’économie réelle du Mali dans les cinq prochaines années en vue de créer les conditions favorables à l’essor du secteur privé. Nous veillerons à protéger les industries existantes et à conforter les industries naissantes ».
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Dispositions réitérées dans la lettre de cadrage de l’action gouvernementale adressée par le président de la République au Premier ministre. Les intentions et la volonté ne souffrent d’aucun doute du côté des pouvoirs publics, mais la grande question : le secteur privé sera-t-il à la hauteur ?
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Pourtant, au vu des nombreuses forces dont il peut se prévaloir, le secteur privé national doit entrevoir un avenir en rose avec beaucoup de sérénité, mais à condition de juguler aussi ses nombreuses faiblesses.
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En terme de forces, il convient de retenir, d’abord, le climat politique et social apaisé, soutenu par une concertation public/privé. Un dispositif complété par une volonté politique d’accompagnement du secteur privé notamment par une simplification des procédures administratives, une politique fiscale stable et adaptée, une sécurité judiciaire, une participation plus large des Maliens au capital des sociétés.
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Ensuite, il faut relever que le Malien est doté d’un fort potentiel entrepreneurial. La tradition commerciale du Mali est très ancienne et la Route du sel qui liait le Mali au Maghreb en est la meilleure illustration.
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L’esprit d’entreprise au Mali est donc culturel. Et c’est convaincu de cette richesse que les décideurs, au plus haut niveau de l’Etat, ont décidé d’encourager et de développer l’élan de créativité.
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Sans oublier aussi que la marche progressive vers l’intégration économique a désenclavé le Mali qui se trouve à une position centrale dans l’Uemoa, mieux dans l’espace Cedeao. Courtisé par les ports de tous les pays côtiers, frontalier avec sept Etats, reliant la Côte Ouest de l’Afrique à l’intérieur du continent, le Mali est aujourd’hui un carrefour des affaires, disons l’épicentre d’un énorme marché de plus d’une centaine de millions d’habitants.
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Surtout, le Mali garde encore non exploités, des filières, et créneaux, dont essentiellement le domaine de l’agro industrie. Le coton n’est valorisé qu’à moins de 3% de la production. Les immenses possibilités de l’Office du Niger sont le catalyseur de la révolution verte. La filière fruits et légumes n’a pas encore atteint sa véritable dimension, malgré la notoriété internationale construite par les mangues du Mali. Les activités de cueillette dont essentiellement le karité, la gomme arabique, sont presque en jachère.
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Sur un autre registre, on peut citer le tourisme et même les mines, car en dehors de l’or l’accroissement des recherches prouve que le sous-sol du Mali renferme bien d’autres richesses en attente d’une exploitation..
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Mais alors, pourquoi cela ne marche pas du côté des opérateurs économiques ? Parce que de nombreuses tares se posent en facteurs bloquants. C’est un ensemble de faiblesses dont les plus évoquées sont la corruption, la carence de financement, l’insuffisance d’infrastructures, les pratiques anti-concurrentielles, le système judiciaire. Une globalisation qui ne permet pas de cerner la quintessence des faiblesses du secteur privé. Une étude affinée permet de les scinder en deux grands groupes : les faiblesses internes aux entreprises et les contraintes liées à l’environnement des entreprises.
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En s’invitant dans le quotidien des entreprises, l‘on découvre, en effet, l’une des grandes tares du secteur privé : c’est le profil et la moralité des entrepreneurs. On est frappé par un constat : les dirigeants conscients des enjeux réels de l’entreprise, de ses défis de compétitivité et de performance, à travers une gestion saine, moderne et rigoureuse se comptent du bout des doigts. En plus, ils sont étouffés par les « self made men » hissés dans le haut cercle des affaires par « des coups » commerciaux ou industriels, les monopoles et situations de rente.
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Une situation qui a pour conséquences immédiate une modernisation lente du secteur privé, en plus d’une inobservation des lois et règlements générant la corruption et les pratiques anti-concurrentielles. En dehors du manque de lisibilité dans la gestion des entreprises. « A chaque appel d’offres ou situation, ses états financiers taillés sur mesure », nous faisait remarquer un comptable. De réels problèmes de management et de gouvernance caractérisent malheureusement la plupart des entreprises. La preuve en est que beaucoup d’entre elles ne peuvent accéder au marché financier régional et sous-régional par défaut de lisibilité dans leur gestion et gouvernance.
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Du côté de l’environnement des entreprises, il faut noter, de prime abord, la faiblesse des entreprises avec un tissu industriel mal étoffé et peu diversifié. Le dernier recensement industriel de l’année 2006 au Mali est assez édifiant.
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Le coût des facteurs de production a maintes fois été cité comme une des grandes contraintes au développement de l’entreprise au Mali, mais des efforts sont en train d’être déployés par le gouvernement pour atténuer cette charge. A cela, il convient d’ajouter l’insuffisance des infrastructures de base et les difficultés de financement des activités. Autant de faiblesses dont une partie non négligeable a été identifiée par la Ccim –sous la direction de Malamine Tounkara- dans le cadre d’un atelier sur l’environnement juridique et fiscal des entreprises au Mali.
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C’est dans le cadre de l’élaboration du Programme de développement décennal du secteur privé que le Cabinet Koni Expertise a procédé à une étude vraiment exhaustive de la situation du secteur privé national.
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Il apparaît clairement que les entreprises maliennes ont un besoin réel d’assistance et d’encadrement. Mais comme le note une étude de la Boad sur la promotion et le financement des petites et moyennes entreprises dans les pays de l’Uemoa, au Mali « le dispositif d’appui direct aux Pme est souvent pléthorique et composé d’une multitude de structures avec des moyens limités, qui ne leur permettent pas de réaliser leurs missions ». C’est pour stigmatiser le foisonnement de structures d’encadrement et de représentations dont la plupart, très faibles en force de proposition, deviennent de simples fardeaux vivant des subsides de l’Etat. Une carence souvent maquillée par de l’activisme débordant. En parcourant les chambres consulaires et organisations patronales pour se documenter ou s’informer on peut se faire une idée de leur faiblesse à ce niveau, comparativement aux structures sœurs de la sous région. En effet, les réalisations de l’Apep, du Réseau de l’entreprise en Afrique de l’ouest (Reao) du Centre du secteur privé et de la Jeune chambre internationale sont qualitativement plus appréciables que celles des chambres consulaires et organisations patronales.
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Voilà autant de réalités que devra affronter le secteur privé s’il veut réellement être à hauteur de souhait des autorités publiques et tirer profit de l’élaboration d’une Loi d’orientation du secteur privé. Puisqu’elle est encore plus affaiblie par ses dissensions internes, au point d’entretenir plusieurs groupes se regardant en chiens de faïence, l’on se demande bien si dans ces conditions de sclérose, il pourrait vraiment tirer profit de la bonne volonté d’accompagnement des pouvoirs publics. Là gît tout le problème.
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Amadou Bamba Niang
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