Quelques semaines seulement après sa grande bataille contre la signature d’un protocole d’accord qui donnait le monopole de fait à la société Achcar & fils, l’Association des Intervenants dans la filière thé vert au Mali est encore sur pied de guerre contre un autre projet du même genre : un projet d’Arrêté N° 10…./MEF-SG du…….2010 portant fixation des valeurs de référence servant de base à la liquidation des droits et taxes de douanes sur certains produits.
Ledit arrêté qui est présentement soumis aux représentants des structures et entreprises (24 au total) de la place donne de nouvelles indications sur les valeurs de référence de certains produits dont le thé, les farines, les huiles, la gomme à macher, les bonbons, les pâtes alimentaires, l’eau minérale, la peinture à huile, les piles entre autres. D’ailleurs, une première rencontre a été faite autour de ce projet d’Arrêté entre la Directrice Nationale des Industries, Madame Traoré Haby Sow et les représentants des structures et entreprises de la place. L’ordre du jour de la dite rencontre portait sur « les propositions de produits, avec valeurs de référence indicatives, à soumettre à la Commission Technique de révision des valeurs de références, divers ». Cette volonté du Gouvernement de promouvoir l’industrie au Mali serait défendable s’il avait associé à cette concertation tous les opérateurs économiques évoluant dans les secteurs ciblés pour trouver et déterminer ensemble une stratégie qui pourrait satisfaire toutes les parties et répondre aux besoins des consommateurs. Mais aujourd’hui force est constater que l’Etat est dans une autre dynamique : favoriser certains Maliens sur d’autres. C’est le cas par exemple de la problématique de la production, de l’écoulement et du ravitaillement en thé au Mali. Tous les Maliens se souviennent encore des actions menées, il y a quelques semaines seulement, par l’Association des intervenants dans la filière thé vert au Mali contre une tentative de monopole de fait que l’Etat voulait accorder à la société Achcar & fils. Cette tentative n’a échoué que grâce à l’implication personnelle du Chef de l’Etat qui a clamé haut et fort en son temps de ne pas créer des problèmes là où il n’en existe pas. Apparemment, cet appel à la raison du Président de la République n’a été entendu que pour laisser passer le vent de la contestation. En effet, le nouvel arrêté qui est en cours d’élaboration est taillé sur mesure pour les unités de production de thé (SOGEM, Société Achcar et fils).
C’est d’ailleurs la seule société qui représente les intervenants dans la filière thé vert au Mali dans lesdits travaux. La raison : les nouvelles valeurs de référence sur le thé vert lui sont largement favorables. Il ressort en effet du projet de l’Arrêté N° 10…./MEF-SG du…….2010 portant fixation des valeurs de référence servant de base à la liquidation des droits et taxes de douanes sur certains produits que la valeur de référence du thé 1 (thé vert conditionné pour la vente au détail toutes qualités confondues) a pour unité d’évaluation 1000 F.cfa. Quant à celle du Thé 2 (thé vert en vrac destiné aux unités industrielles), elle est évaluée à 750 F.Cfa.
Par unités industrielles, il faut simplement comprendre les unités de production de thé de la société Achcar et Fils, et non l’usine de thé Farako dont le thé est notoirement insuffisant à la production, chère à la vente et de surcroît de très mauvaise qualité.
Quant à l’Association des intervenants dans la filière Thé vert au Mali qui regroupe aujourd’hui 60 sociétés agrées et patentables réparties sur l’étendue du territoire national, ses membres ont été superbement ignorés. Et pourtant, l’Association que dirige Mme Ben Baba Jamila Ferdjani importe 50 000 tonnes de thé par an, contribue à hauteur de plus de 13 milliards de F.Cfa dans les recettes douanières et a créé près de 6 000 emplois aujourd’hui.
C’est dire que ce secteur prend de plus en plus un impact certain sur l’environnement économique et social du Mali.
Pourquoi vouloir favoriser la société Achcar et Fils alors ?
La seule explication que l’Etat peut donner aujourd’hui pour défendre son choix, c’est la protection de l’industrie locale. Or, il nous revient de source sûre qu’en fait d’industrie de Thé, Emile Achcar, n’a en réalité qu’une unité d’emballage de thé. Selon les mêmes sources, le thé qu’il vend est importé de la Chine. L’autre explication est que cette année, Emile Achcar veut importer 3 000 tonnes de thé de la Chine. Et il compte sur l’Etat malien pour obliger les importateurs à acheter chez lui, au lieu d’aller jusqu’en Chine. Mais, la réplique est venue du côté du Président de la CCIM, Jeamille Bittar, qui a clairement fait savoir : «on n’est pas d’accord que seul Achcar prenne le monopole. On n’est plus au temps de la SOMIEX». Quant au Président de la Coordination des Associations des commerçants détaillants du Mali, Hama Aba Cissé, il tiendra à dire que «si d’autres ont pris des milliards quelque part, on ne sera pas d’accord».
Est-ce donc à dire que c’est pour rembourser une partie de ces milliards de F.Cfa empochés que l’Etat a fixé la valeur de référence du thé vert en vrac destiné aux unités industrielles à 750 F.Cfa contre 1000 F.Cfa pour le thé vert conditionné pour la vente au détail toutes qualités confondues ? Il y a donc décidément rupture du principe d’égalité entre les citoyens et surtout entre les commerçants qui achètent le même produit sous les mêmes cieux. La révolte dans tout ça vient des régions Nord du Mali où les gros clients sont les Arabes et les Touregs. Dans lesdites localités, les boutiques ne vendent que du thé. En outre, les régions du Nord telles que Gao où leur économie repose presqu’en totalité sur le troc de thé avec la datte algérienne ne peuvent se développer sans l’entremise des commerçants de thé.
Déjà, affirme une de nos sources, les populations du Nord-Mali sont déterminées à ne pas consommer le thé Baro et l’emballage importé du Burkina Faso. Un thé importé par la société Achcar et Fils.
C’est donc dire qu’en cette année de célébration du cinquantenaire de notre accession à la souveraineté nationale et internationale, l’Etat malien s’apprête à sacrifier une frange importante de ses fils sur l’autel des intérêts sordides.
Birama Fall