Relance de la culture du coton : Les recettes de Modibo Mao Makalou

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Il n’est plus a présenté, Modibo Mao Makalou est un économiste hors pair. Dans cette interview, il nous parle de la relance du coton malien, de ses solutions.  

Arc-En-Ciel : De belles perspectives s’annonçaient avec une production d’un million de tonnes de coton en 2022. Subitement, l’année 2020, le Mali a revu ses ambitions à la baisse pour ne pas dire que les paysans ont tourné le dos à cette culture. Comment en est-on arrivé là ?

Modibo Mao Makalou : En progression constante, la production du coton représentait, après l’or, la seconde recette d’exportation du pays (14% du PIB) évaluée à 270 milliards FCFA  en 2017 puis 188 milliards FCFA, selon la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO). On estime qu’environ  cinq millions de maliens obtiennent leurs revenus à travers la filière-coton. Toutefois, en 2020/2021, la récolte cotonnière atteindra un niveau historiquement bas au Mali. Initialement, le Département de l’Agriculture des Etats-Unis d’Amérique (USDA) avait annoncé une chute de la production de coton de 30%. Cependant selon les données relayées par Reuters, la production d’or blanc devrait se chiffrer à 176 200 tonnes durant ladite campagne, soit une baisse de près de 75 % par rapport au niveau de l’année dernière (700 000 tonnes).

En effet, avec la baisse de la demande mondiale au niveau de l’industrie textile mondiale, suite à la crise sanitaire de la Covid-19, l’Etat malien en mai 2020 a réduit le prix d’achat garanti au producteur du kilogramme de coton à 200 FCFA en 2020/2021 contre 275 FCFA un an plus tôt et l’engrais passa de 11 660 FCFA à 18 405 FCFA, alors que  c’était cette subvention sur les engrais qui couvrait la moitié des coûts des intrants qui venait d’être supprimée. Cette baisse importante du prix d’achat garanti au producteur suite à la chute des cours internationaux du coton d’environ 30% en 2020 a notamment conduit de nombreux producteurs de coton à se tourner vers d’autres cultures comme le maïs, et le soja. L’ajustement du prix au producteur par la suite d’un bonus de 50 FCFA au kilo ne changera pas la donne, la rupture était déjà consommée entre les acteurs (Etat et cotonculteurs).

Confrontés à cette baisse annoncée de leurs revenus, et à la hausse de leurs coûts de production les producteurs se sont tournés vers d’autres cultures. Ainsi, avec la faible récolte attendue, le Mali ne fera pas partie des trois premiers pays producteurs de coton du continent africain pour la campagne 2020/2021. Les trois plus importants producteurs de coton en Afrique seront donc le Bénin, le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire. La chute de la production de coton aura aussi un impact négatif important sur la production de céréales sèches, de savons, d’huiles alimentaires, d’aliments pour le bétail. Les animaux vivants constituent par ailleurs la troisième recette d’exportation après l’or et le coton soit environ 6% du PIB évaluée à 189 milliards FCFA (2017) et 108 milliards FCFA (2018) selon la BCEAO.

Pour rappel, la filière coton fournit des sources de revenus pour 40 % de la population rurale malienne qui constitue 60% de la population totale du Mali évaluée à 21 millions de personnes (2020).

Les autorités sont en train de multiplier les rencontres afin de relancer la production cotonnière et éviter une crise durable. Est-ce que vous pensez que ces mesures sont suffisantes pour que la relance de la culture du coton soit une réalité ? Et selon vous, quelles peuvent être les pistes de solutions pour une relance véritable du secteur ?

En effet, les autorités actuelles sont entrain de prendre des mesures salutaires en vue de relancer la production de coton au Mali pour la campagne à venir 2021/2022 avec les Assises nationales sur le coton principalement. Le Centre international de conférence de Bamako (CICB) a abrité, le lundi 8 février 2021, la cérémonie de clôture des Assises Nationales sur le coton. L’objectif de ces assises organisées par le ministère de l’Agriculture, de l’Elevage et de la Pêche, est de contribuer à la relance de la culture du coton au Mali, mais aussi de rendre l’or blanc malien plus compétitif, plus rentable, et plus durable tout en faisant de la filière-coton le moteur de la croissance économique au Mali. Aux termes de ces assises, les participants ont formulé plusieurs recommandations pour la reprise de la culture du coton. Il s’agit notamment de la fixation d’un prix incitatif aux kilogrammes de coton graine et la diminution du prix des intrants et du matériel agricole. Les participants ont aussi recommandé le maintien de la subvention sur les engrais « sous sa forme actuelle ». L’objectif, à ce niveau, selon les producteurs, est de relancer la production cotonnière dès la campagne agricole prochaine. Les producteurs demandent aussi la mise en place d’un programme de formation continue pour les nouvelles générations sur les techniques d’utilisation des intrants. Les acteurs de la filière souhaitent également l’attribution des marchés d’approvisionnement en intrants à des professionnels sur la base de critères vérifiables. La mise en place d’une commission de suivi des recommandations visant la relance de la culture du coton au Mali est aussi exigée et permettra d’évaluer la mise en œuvre des recommandations afin que les Assises ne soient pas un catalogue de recommandations sans effets ni valeurs.

Nous suggérons, par ailleurs, que les subventions soient aussi accordées pour les intrants aux cotonculteurs en tenant compte des réalités économiques. Le gouvernement du Mali devrait aussi étudier la création d’un fonds pour appuyer l’investissement dans la transformation du coton localement.

Propos recueillis par

Amadou Sidibé

 

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