Quand le coton s’enrhume, l’économie malienne devient grippée. Cet adage n’a jamais été autant vrai. La crise de la filière coton est en partie responsable de la crise financière qui secoue le Mali depuis quelques années. Et le bout de tunnel n’est pas forcément pour demain parce que les rencontres de réflexion sur l’avenir de la filière accouchent généralement de solutions de facilité et occultent les vraies pistes de sortie de crise. Ce fut récemment le cas à Ségou où la CMDT avait rassemblé les acteurs de la filière.
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rnDégager des pistes de réflexion pour sauver la filière coton du Mali était l’objectif principal recherché par la CMDT à travers la rencontre organisée à Ségou les 6 et 7 décembre 2007. Une réflexion pertinente, dans la mesure où cette filière est vitale pour l’économie malienne.
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rnPourvoyeur important d’emplois, le coton fait vivre directement ou indirectement des millions de personnes au Mali selon la Compagnie malienne du développement des textiles (CMDT) et des statistiques de nombreux organismes internationaux. A ce titre, il contribuait également à réduire significativement l’effet de la pauvreté dans les zones de production.
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rnCependant, force est de reconnaître aujourd’hui que malgré toute la place qu’elle occupe dans le développement socio-économique, la filière malienne, à l’image des autres africaines, est fragilisée, voire menacée par la crise qui la secoue depuis plus d’une décennie. Et chaque année, ils sont nombreux des paysans qui se détournent de la culture de l’Or blanc pour faire autre chose.
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rnCe qui découle d’une prise de conscience du fait que la culture du coton, au lieu de les affranchir des affres de la pauvreté, continue à leur asservir par la faute d’un endettement exponentiel. Officiellement, on parle du retrait de 300 organisations paysannes et de 56 000 exploitations de la culture du coton. Mais, la réalité du terrain est au-dessus de ces chiffres. Dans les régions du Sud, de nombreux paysans se tournent aujourd’hui vers le coton biologique qui leur rapporte plus, mais qui échappe au contrôle de la CMDT puisque sa culture est surtout encouragée par des ONG comme Helvetas (Suisse).
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rnPendant deux jours chercheurs, producteurs, cadres de l’Office de la Haute Vallée du Niger (OHVN, un projet de développement agricole) et de la CMDT se sont donc réunis autour de la CMDT et de son PDG, Ousmane Amion Guindo, pour examiner sans complaisance le bilan de commercialisation 2006-2007, celui de production des semences coton, la protection phytosanitaire, l’évaluation de l’application des résolutions des ateliers sur les rendements coton au champ et l’endettement des producteurs et des organisations paysannes.
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rnSelon des confrères présents à Ségou, Ousmane Amion Guindo a souligné, en guise d’assurance, que « malgré la crise, la filière est en train de tenir parce qu’il a l’appui de l’Etat, parce que les paysans ont été compréhensifs malgré le prix de ces 3 dernières années (160 F CFA). Aussi, nous avons pu relever le défi de la qualité et l’ensemble du personnel de la CMDT… se déploie afin qu’on puisse préserver le maximum ». Ce que les paysans auraient aimé entendre, c’est quand la société pourrait relever à hauteur de souhait le prix d’achat du coton aux producteurs, de 160 à 250 F CFA par exemple ?
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rnCe qui est sûr, c’est que l’Etat malien ne peut pas éternellement porter la filière. C’est d’ailleurs ce qui explique le processus de privatisation en cours. Et il est aussi évident que les paysans maliens sont aujourd’hui convaincus que tous leurs maux ne viennent pas de la subvention. « Les subventions n’ont pas commencé ces dernières années, et pourtant le coton malien s’était jusqu-là bien porté. Pourquoi a-t-il subitement dégringolé ? », s’interroge un expert qui a requis l’anonymat.
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rn« Cette filière a été toujours mal géré à l’image de la CMDT elle-même. Les revenus du coton ont servi à financer les activités politiques et à enrichir un petit groupe au détriment du développement de la filière. S’ils avaient été investis dans la modernisation des moyens de production, on aurait moins senti les subventions agricoles européennes et américaines parce qu’on aurait pu produire un coton de meilleure qualité et à moindre coût », précise-t-il.
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rnSurenchère sur les intrants
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rnPlus que le PDG de la CMDT, les paysans sont de plus très critiques par rapport à la politique nationale agricole. « On nous dit que le coton malien se vend mal à l’extérieur parce que le gouvernement américain aide ses paysans en leur donnant de l’argent. Mais, pourquoi notre gouvernement ne nous aide pas aussi ? Nous n’attendons directement de l’argent à notre gouvernement. Mais, il peut chercher à subventionner l’engrais et les autres intrants », analyse Fatoma Ouattara, un paysan de Kadiolo (480 km au sud de Bamako).
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rnDe l’avis de ce cultivateur néoalphabète, « de nos jours, la cherté de l’engrais et des autres intrants est en partie responsable de l’endettement des paysans. Ce qui fait qu’au lieu de diminuer la pauvreté, la culture du coton l’aggrave dans les zones de production ».
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rn« Avec le niveau actuel de l’endettement des paysans, il est utopique de sauver la filière parce ce que ceux-ci sont les principaux acteurs de son développement. De nombreux cultivateurs se sont détournés de la culture du coton ces deux dernières années parce que non seulement cela ne leur apporte absolument rien en terme de revenus, mais ils se retrouvent endettés à la fin de chaque campagne. La chute des cours mondiaux n’explique pas à elle seule ce niveau d’endettement croissant. Je pense qu’il y a aussi trop de surenchères autour du prix de l’engrais et des autres intrants. Cela ne menace pas seulement la culture du coton, mais tout le secteur agricole malien », souligne un économiste qui préfère garder l’anonymat car proche du dossier de la privatisation de la CMDT.
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rnA son avis, « le Mali ne doit pas miser sur le relèvement du marché international sur lequel il n’a aucune influence. Il faut trouver des solutions internes. Et la baisse du prix des engrais et des autres intrants font partie. Mais, il faut aller au-delà pour avoir une vision d’avenir, je vais parler de la transformation d’au moins 50 % de la production nationale sur place. Cela est possible parce que les textiles sont importants dans l’importation au Mali ».
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rnPrésentement, moins de 5 % du coton malien e
st réellement transformé. Et pourtant, un soutien accru à l’artisanat et une promotion des produits artisanaux peuvent permettre au pays de consommer au moins 20 % de la production nationale de coton. Que dire des compresses, des bandes, des milliers de tee-shirts utilisés au cours des multiples campagnes (politique, sociale, culturelle, sportive…) ? Voilà autant d’opportunités de consommer le coton malien.
rnElles sont sans cesse remises en relief par les discours politiques, mais jamais traduites en action concrète d’industrialisation. Aujourd’hui, quel est l’impact réel de Fitina et de Batexi sur la transformation du coton malien sur place ? C’est la question que se posent de nombreux observateurs. Cet impact est insignifiant puisque l’Or blanc du pays continue à être tributaire des cours mondiaux.
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rnPour sauver la filière coton, il faut une unité de production textile compétitive, c’est-à-dire pouvant fabriquer des produits (pagnes, tee-shirts…) de qualité pour concurrencer les pacotilles importées. Rien qu’avec le marché du sport malien, une unité industrielle compétitive peut tirer son épingle du jeu. On est loin d’imaginer la quantité de maillots de sports que le sport peut consommer par an, des équipes de masses à celle de l’élite.
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rnTout cela est hélas aujourd’hui importé sans que l’économie nationale en tire quelque chose de consistant pour booster la croissance. Les besoins nationaux sont énormes. Mais, c’est surtout le coût qui handicape les industries nationales. Ce qui pose un problème de fiscalité, d’approvisionnement en électricité… Voilà des pistes de réflexion dont l’approfondissement permettra, à court ou moyen terme, à la filière cotonnière du Mali de surmonter sa crise.
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rnAlphaly – 19.12.2007
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