Proposition de Wade de racheter Dagris: Le flou artistique, selon des producteurs maliens

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Au cours d’un entretien le 11 juin dernier avec le président français, Abdoulaye Wade a, au nom de ses homologues du Burkina Faso et du Mali, émis le vœu de racheter la holding publique de sociétés de coton et d’oléagineux Dagris en cours de privatisation. Une idée floue, selon des producteurs maliens, qui s’interrogent sur les retombées de ce rachat.

Au Mali, des producteurs, qui disent avoir appris cette nouvelle par voie de presse, se demandent la nécessité, voire l’utilité de cette “opportunité” sur la filière cotonnière. “Nous n’avons pas été officiellement touchés par les autorités. Si cela s’avérait une réalité, nous nous demandons à quoi ça va servir. Quel sera l’interêt de ce rachat pour nous les producteurs”, s’interroge Mènè Diallo, président du Syndicat pour la valorisation des cultures cotonnières et céréalières du Mali (Syvac).

“La seule préoccupation des producteurs, ajoute un de ses collègues, est la valorisation du prix d’achat du coton. Les producteurs veulent également une baisse substantielle des prix des intrants. Si le rachat de Dagris peut contribuer à resoudre ces problèmes, ils peuvent le faire, sinon comme cela, c’est vraiment flou. Dans le cas contraire, nous sommes dans nos champs”.

Selon un autre producteur de Sikasso qui ignore complètement ce qu’est Dagris, “nos chefs d’Etat ne tiennent jamais compte de l’avis des paysans. Au lieu d’aller jeter de l’argent en France, ils peuvent acheter la CMDT et aider les producteurs. Je ne sais pas ce que Dagris va faire ici. De toute façon, on attend”, dit-il.

Du côté de l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture du Mali tout comme de la CMDT, le sujet n’est pas encore à l’ordre du jour. A ces deux niveaux, l’on est plus préoccupé par le démarrage difficile de la campagne agricole.

“Dagris est à nous”

Sur le rachat de Dagris, le comité d’entreprise de Paris a, pour l’heure, refusé de se prononcer, estimant que le prix validé par la commission des participations et transferts de l’Etat (7,7 millions d’euros), s’apparente à une manœuvre frauduleuse, les capitaux de Dagris ayant été estimés à 105 millions d’euros en fin 2005. La direction de Dagris qui a passé outre son refus, a saisi le juge des référés, qui a suspendu la privatisation.

La filière cotonnière en Afrique et au Mali en particulier est dans une mauvaise passe due surtout à la chute vertigineuse des prix du coton sur le marché international et aux pratiques de subventions agricoles des pays développés.

Conséquences : les sociétés cotonnières africaines à l’image de la Compagnie malienne pour le développement des textiles (CMDT), déficitaires d’année en année, sont contraintes à la privatisation. Le partenaire stratégique de ces sociétés en France, Dagris, l’ex-Compagnie française pour le developpement des fibres textiles (CFDT) paye également un lourd tribut à cette chute vertigineuse. La Compagnie est en cours de privatisation, l’Etat français ayant décidé de vendre les 64,7 % du capital qu’il y détient. Le prix de vente de ce paquet d’action s’élève à 7,7 millions d’euros.

Une occasion en or pour trois grands producteurs de coton en Afrique au sud du Sahara, le Burkina Faso, le Mali et le Sénégal, qui ont décidé de racheter Dagris. La demande a été faite, le 11 juin dernier à Paris, par le président sénégalais Me Abdoulaye Wade, qui s’exprimait au nom de ses pairs du Burkina et du Mali.

Wade a justifié cette demande au président français Nicolas Sarkozy, en declarant que “Dagris est à nous les Africains, puisqu’une vingtaine de millions de personnes vivent du coton en Afrique de l’Ouest”.

Sidiki Y. Dembélé

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