Le processus de privatisation entrera dans sa phase décisive cette année avec la création des filiales. Les opérateurs stratégiques détiendront les 67% du capital.
Le passage de la Compagnie malienne de développement du textile (CMDT), du secteur public au secteur privé est devenu un processus irréversible. Pourquoi cette mutation forcée dont les répercussions sociales sont imprévisibles et les succès économiques incertains ? C”est à cette interrogation que le Conseil économique, social et culturel (CESC), dans son rôle de conseil des pouvoirs publics, a tenté de répondre, en consacrant la 5è session ordinaire de sa troisième mandature tenue du 5 au 19 février 2007 à Bamako.
L”importance du sujet se reflétait dans l”intensité des débats et le nombre élevé des interventions. Pendant 15 jours, plus d”une dizaine de communications ont été faites par les acteurs (le ministère de l”Agriculture, les missions et services impliqués, la CMDT, les syndicats des travailleurs et des producteurs). Elles ont porté sur la politique de développement du secteur coton, le protocole d”accord : Etat-CMDT-producteurs du 13 janvier 2005 sur le mécanisme de détermination du prix d”achat du coton graine, le processus de réforme, les motivations, les mécanismes et conséquences, les propositions de solutions, les atouts et les handicaps de la filière privatisée face à la concurrence sur le marché mondial, les stratégies envisagées pour suppléer à la baisse de rendement, entre autres.
En effet, la fin des années 1990 marque le début d”une profonde crise de la filière coton. La plus grave de son histoire, selon les spécialistes. Les premières manifestations remontent aux difficultés financières qu”a connu la CMDT. Le caractère structurel de la crise a conduit le gouvernement à assister financièrement la CMDT pendant plusieurs années. Et mieux, d”entreprendre un important programme de réforme pour l”ensemble du secteur.
Ainsi fut créée en février 2001, la Mission de restructuration du secteur coton (MRSC), rattachée à la Primature. Elle a pour mandat de diligenter et de coordonner la conduite de toutes les études nécessaires à l”élaboration d”un programme de réformes structurelles et institutionnelles à moyen et long terme. Ses autres missions consistent à piloter la mise en oeuvre du plan de sortie de crise et du programme de réformes de la CMDT et du secteur coton, la préparation d”une lettre de politique sectorielle et organiser les états généraux devant constituer un forum d”échanges et de concertations de tous les intervenants et partenaires du secteur et qui devront aboutir à un consensus sur la lettre de politique de développement de la filière.
Un fleuron de l”économie nationale. Le Mali est un vaste pays de 1.240.202 km2. Seulement un quart de cette superficie est constitué de terres arables. Sur les 12 millions d”habitants, 80% vivent en milieu rural et pratiquent des activités agro-sylvo pastorales. En effet, l”agriculture contribue pour environ la moitié du Produit intérieur brut (PIB) et assure près des 3/4 des revenus d”exportation. Parmi les cultures de rente sur lesquelles repose l”économie nationale, le coton occupe une place déterminante dans le commerce extérieur (45% des exportations). Le coton est la deuxième richesse du pays après l”or, avec 187 milliards de Fcfa en 2004, chiffres donnés par la Direction nationale de la statistique et de l”informatique (DNSI).
Depuis sa naissance en 1974, la CMDT exerce un quasi monopole sur la production du coton. La compagnie détient 60% du capital à travers l”État contre 40% au groupe français, DAGRIS. Avec une participation estimée à 15% dans le PIB, la filière coton a constitué une chaîne complète de travail qui implique l”ensemble des cultivateurs. Elle devient du coup, le fleuron de l”économie nationale qui fait vivre directement ou indirectement, environ 3,5 millions d”individus, soit 32% de la population totale du pays.
Malgré les nombreuses lacunes constatées dans son fonctionnement, la CMDT a été une réussite d”intégration sociale, constate la session du CESC. Ce succès est dû à la filière intégrée qui permettait à la compagnie d”assurer l”ensemble des fonctions de production, de transport, d”égrenage et de commercialisation du coton, en plus des missions de service public (ouverture des pistes, alphabétisation, hydraulique villageoise, etc.) Le doublement de la production cotonnière pendant la dernière décennie (600.000 tonnes) illustre l”effort d”amélioration de la compagnie.
Cependant, la CMDT a été victime de beaucoup de travers et même de scandales financiers. Selon Sory Ibrahim Guindo, consultant et auteur d”un ouvrage intitulé : "la privatisation de la CMDT à l”horizon 2008", les détournements de fonds au sein de la compagnie ont causé un déficit de 50 milliards de Fcfa pour l”année 2004-2005. Selon l”analyse du CESC, tous ces facteurs négatifs conjugués à la baisse du prix sur marché mondial imputables aux subventions des pays riches du nord à leurs producteurs, ont mis le coton malien hors de compétition.
La colère des paysans. Ces influences extérieures ont eu une conséquence fâcheuse sur la vie des producteurs. Malgré une nette amélioration des récoltes, on a assisté à une paupérisation des paysans, provoquant leur colère. Celle-ci s”est traduite par des revendications qui ont donné lieu à des remous entre 1999 et 2000. Le boycott de la culture de "l”or blanc" pendant cette période, illustre le degré d”exacerbation de cette crise.
L”organisation des états généraux du coton en avril 2001, s”imposait alors comme une solution durable de sortie de crise pour l”État. Ainsi, en se pliant à l”exigence de désengagement de l”État des activités productives et commerciales au profit du secteur privé et des collectivités locales exprimées par ses partenaires au développement, notre gouvernement s”est résolu à entreprendre la privatisation de la filière dont le processus doit prendre fin en 2008.
Pour ce faire, des objectifs ont été fixés et une stratégie, élaborée, pour conduire la filière à la privatisation avec le minimum d”inconvénients, note le CESC. Ils prévoient au terme du processus, la création des filiales et la répartition du capital. Suivant ce plan, les opérateurs stratégiques garderont les 67%. Les cotonculteurs se partagent 10 à 15% et les salariés, 2%. L”État avec un poste d”administrateur détiendra 10% du capital. Les 6 à 11% du fonds social reviendront aux privés maliens, particuliers et banques.
Soucieux de la bonne réussite de cette privatisation et de minimiser les conséquences néfastes sur l”économie nationale et les producteurs, le CESC à travers sa commission de développement rural a effectué une visite de terrain, du 14 au 27 août 2006, afin de s”aviser sur l”évolution de cette stratégie. Selon les conclusions de l”institution, les objectifs spécifiques visés par sa mission ont été atteints.
Il s”agissait de l”implication de tous les acteurs de la filière dans le processus de privatisation notamment les travailleurs. Le maintien et la promotion de la culture du coton dans les zones de production est effective, selon l”institution. L”objectif d”identification des dysfonctionnements caractérisant le processus en vue d”y proposer des solutions a été atteint. La préoccupation de susciter une prise de conscience nationale autour des enjeux de la privatisation, de réexaminer avec l”ensemble des acteurs la stratégie de privatisation dans le but d”y apporter des correctifs et la création d”un cadre de concertation permanent entre les différents acteurs, est aujourd”hui chose faite, constate le conseil.
Au cours de l”année 2007, le processus de privatisation entrera dans sa phase décisive. Elle consacrera la création des filiales de la CMDT en juillet pour aboutir à leur privatisation en 2008.
C. A . DIA
L”Essor du 13 Mars 2007
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