Après l’épisode de l’engrais frelaté, voilà l’engrais caillou. Au Mali, chaque campagne agricole fait son lot de victimes parmi les paysans. La saison 2024-2025 ne fait pas exception. Depuis quelques semaines, des paysans se plaignant du « caillou » dans les sacs d’engrais subventionnés par l’Etat malien. Contacté par maliweb.net un des fournisseurs de ces engrais crie au « sabotage» et promet des suites judiciaires.
17 juillet 2024. À l’issue du conseil des ministres, le ministre de l’Agriculture Lassine Dembélé et le PDG de la CMDT (Compagnie malienne pour le développement du textile), Nango Dembélé, sont limogés et remplacés séance tenante. Aucune explication officielle n’est donnée. Mais, pour certains, le limogeage du ministre de l’Agriculture en pleine campagne agricole, est lié à un don d’engrais de la Banque mondiale. De l’engrais d’une valeur de six (6) milliards FCFA que le ministre avait souhaité offrir aux paysans, sans contrepartie.
Pour d’autres le départ de Lassine Dembélé est lié à la distribution de l’engrais de mauvaise qualité aux paysans. Un acte que l’on a tenté de dissimuler lors d’une mission de vérification de la présidence de la République dans les zones CMDT. S’il est cité dans l’affaire de l’engrais de mauvaise qualité, le PDG Dembélé aurait été limogé, quant à lui, à cause de la tension de trésorerie au niveau de la société d’État qu’il gérait depuis le début de la transition. Quoi qu’il en soit, la campagne agricole se retrouve affectée par cette instabilité institutionnelle dans les instances de décision agricole.
CMDT / DPA
A Koutiala, un paysan, Adama Coulibaly, fait une vidéo dans son champ. Il présente un sac d’engrais sur lequel on peut lire en lettre capitale CMDT / DPA. Selon le paysan qui s’identifie dans la vidéo et localise son village, l’engrais subventionné qu’il a reçu contient du caillou. De la roche broyée et mélangée à l’engrais avant d’être ensaché ou re-ensaché. « Nous avons trouvé que l’engrais ne se dilue pas comme d’habitude », affirme un autre paysan dans une autre vidéo. Pendant quatre jours et quatre nuits, ce dernier affirme avoir versé de l’engrais reçu dans l’eau. Au bout de l’expérience, ils ont récolté une quantité importante de caillou dans l’engrais
Sur les vidéos, on peut voir sur les sacs, le marquage CMDT / DPA. C’est à dire qu’il s’agit de l’engrais subventionné par l’Etat à travers la CMDT et fourni par DPA (société Doucouré Partenaires Agro-industries). Contacté par Maliweb.net un responsable de la société reconnaît que l’engrais DPA a bien été livré dans le village en question. Cependant, se défend-il, il s’agit d’un acte de sabotage contre l’entreprise. Une action en justice est engagée contre les auteurs présumés de cet acte. « Avant d’être livré, l’engrais DPA a été testé par deux laboratoires et nous avons des documents de conformité », a indiqué notre correspondant chez DPA. Des documents que Maliweb.net a demandé à consulter. Sans succès. Avec des promesses de “ revenir”.
« C’est du haram leur argent », s’indigne un paysan victime de l’engrais caillou. « On est obligé de mettre notre argent dans cet engrais subventionné et voilà le résultat », se confie le sexagénaire. « C’est des gens qui veulent nous nuire », ajoute-t-il en présentant les cailloux non dilués. Au Mali, l’engrais subventionné par l’Etat coûte 14 000 FCFA contre 27 000 FCFA de l’engrais sur le marché. Cet engrais subventionné est vendu aux paysans à travers la CMDT qui font de la culture du coton leur principale activité.
Au Mali, l’enveloppe annuelle destinée à la subvention de l’engrais tourne autour de 20 milliards FCFA. Cet argent pour l’achat de l’engrais, une partie du moins, sert à enrichir le circuit d’achat et de distribution de l’engrais. Quand il n’est pas détourné et vendu à prix d’or sur le marché (Sikasso : plus de 400 sacs d’engrais subventionnés détournés et saisis en ce mois de juillet 2024) ; l’engrais subventionné est de mauvaise qualité (affaire engrais frelaté) ; ou encore cet engrais de qualité certifiée au départ est mélangé aux cailloux. Ainsi, 50 sacs peuvent être transformés en 60. Autant d’argent empoché en toute illégalité. Il reste à déterminer l’ampleur de la fraude et mettre les auteurs hors d’état nuire.
Mamadou TOGOLA/maliweb.net