Le PDG de la CMDT au sujet de la production cotonnière 2021-2022 : « La baisse de la production est mondiale… il faut s’attendre à une baisse de 20% »

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Le Mali s’apprête à accroître la quantité de son coton transformé sur place, grâce notamment à l’installation de deux usines de filature respectivement à Koutiala et Bamako. Après le choix des sites devant abriter lesdites unités industrielles, le PDG de la CMDT, Dr Nango Dembélé, dans cet entretien accordé à notre rédaction, fait le point du montage financier des deux usines et explique en même temps les raisons de la chute annoncée de la production cotonnière.

 Le Ciwara : Comment la CMDT s’est retrouvée dans cette aventure quand on sait qu’on en parle depuis très longtemps ?

Dr Nango Dembélé : je dirais tout simplement que c’est la volonté politique qui s’est manifestée. Et c’est ce qui nous a permis de démarrer très rapidement. N’oubliez pas que nous avons eu les premiers contacts avec la société Qingdao, à travers un protocole d’accord, signé il y’a quelques mois. Je dirais que c’est un projet présidentiel. Et nous, au niveau CMDT, ça nous donne un atout majeur qui est la stabilisation de l’ensemble de la filière coton au Mali. Comme vous le savez, c’est une matière première dont le cours change du jour au jour. Avec la filature, les prix sont encore plus stables et c’est le fil qui donne 30% de la valeur ajoutée depuis le paysan jusqu’à l’habit que vous et moi portons. Il s’agit donc d’une étape décisive dans l’industrialisation du coton au Mali. Et je crois, comme nos amis chinois l’ont dit, que la plupart des pays industrialisés sont passés par cette étape. Et si on arrive à la maîtriser, ça ouvre de beaux jours pour le coton malien.

Qu’en est-il de la création de la Somafil et le montage financier ?

C’est une société mixte dont 85% des parts reviennent à l’Etat malien à travers la CMDT et 15 % à la société chinoise Qingdao. Par rapport au montage, c’est un prêt à long terme

fait par une banque de la Chine avec une garantie de l’Etat malien. Ce projet s’autofinance, ce qui veut dire que si nous avons le prêt pour 20 ans, les premières estimations indiquent que d’ici à 10 ans on pourra faire la récupération du fond investi sans attendre la fin des 20 ans. Ça veut aussi dire que le projet sera rentable dès les deux premières années de la production. Sur le plan juridique, la société a été déjà créée. Nous avons signé les documents de création avec désignation des membres du conseil d’administration, libellé le capital.

C’est pour quand alors la première production de ces usines  ?

Dembélé : Dans notre planning avec la partie chinoise, l’actualisation du plan d’affaire doit se terminer en décembre.  À partir du mois de janvier février, je pense qu’on serait en mesure de poser la première pierre. Et selon mon directeur industriel que j’ai désigné pour piloter ce projet, les travaux de construction ne devraient pas dépasser les 15, 18 mois. Autant dire que nous arriverons à poser la première pierre d’ici à février 2023 et on peut s’attendre aux premières productions des usines dans un an ou un an et demi.

Quelles vont être les retombées immédiates pour les populations ?

D’abord l’emploi direct qui vont créer les usines. Et le cumul pour les deux est de 5000 emplois directs sans compter leurs contributions à l’économie locale, notamment les transports et tous ceux qui s’en suivent. Cela va booster à coup sûr l’économie de Koutiala et de Bamako. N’oublions pas également que ces usines, comme les usines d’égrenage, vont payer des taxes et impôts qui tombent dans la caisse des mairies. Mais pour la CMDT, le plus important, c’est surtout la valeur ajoutée que nous allons capter et partager avec les producteurs de coton.

Où en êtes-vous avec la commercialisation de la campagne 2020-2021 ?

La campagne 2020-2021 a été exceptionnelle à tous égards. De 720 000 tonnes comme prévision, nous sommes passés à 780 000 tonnes. Moi-même, j’étais dépassé, parce qu’à chaque fois ou je pensais que c’était la dernière on me dit «monsieur le PDG il y’a 20 000 tonnes à évacuer sur les usines». Heureusement il y’a avait le système bancaire malien qu’il faut remercier parce que nous CMDT on n’avait pas d’argent pour acheter tout ce coton. Malgré la production record, sans leur financement, ça allait être la catastrophe. Aujourd’hui, le coton de la campagne 2021-2022 est entièrement vendu. Il nous reste à évacuer 30 000 tonnes vers les ports.

On s’attendait à 800 000 tonnes pour la campagne en cours, mais il semble que cette prévision a été revue à la baisse. Qu’en est-il ?

Effectivement les prévisions de campagne de la CMDT avant l’embargo étaient de 810 000 tonnes. Avec la guerre Russie-Ukraine, l’urée est devenue rare sur le marché. Même avec l’argent on l’avait pas. Donc j’ai réuni ma direction pour qu’on puisse revoir à la baisse nos ambitions pour la campagne. Nous sommes descendus à 740 000 tonnes et on a démarré. Mais quand on a donné les contrats en décembre 2021, le 3 janvier l’embargo est tombé sur le Mali. Et ceux qui avaient des stocks aux ports de Dakar et de San Pedro sont restés bloqués jusqu’en juillet 2022. C’est encore le lieu de remercier les opérateurs maliens qui, malgré l’embargo, ont pu passer par d’autres pays pour nous donner des petites quantités. Ce qui nous a permis de nous approvisionner à 80%.

Est-ce qu’aujourd’hui, vous êtes en mesure d’atteindre ces 740 000 tonnes ?

Non. Vous savez, en matière de production agricole, c’est toujours des prévisions pour nous permettre de mobiliser les moyens de production. Sans cela on ne sait pas combien d’engrais il faut acheter. Nous sommes dans une production aléatoire qui ne dépend pas de la CMDT ni du paysan malien. Si la pluie n’est pas au rendez-vous, c’est un problème et si c’est excessif c’est un autre facteur de baisse de la production. Finalement, il faut attendre la fin de la campagne d’égrenage. L’an passé, par exemple, la production avait été estimée à 720 000 tonnes et nous-nous sommes retrouvés à 780 000 tonnes. C’est pour vous dire que nous avons une estimation qui permet de nous placer dans une fourchette de l’ordre de 500 000 à 600 000 tonnes. On ne peut vous dire exactement un chiffre. Ça peut monter tout comme ça peut descendre. Nous sommes néanmoins réalistes sachant qu’il y aura une baisse de production pendant cette campagne.

Mais qu’est ce qui explique cette baisse de production ?

Cette baisse de production n’est pas seulement au Mali, mais mondiale. Et sur le plan mondial, il faut s’attendre à une baisse de 20%. Dans la sous-région, le Sénégal et la Côte d’Ivoire ont annoncé une baisse de plus de 50%. Pour le Mali, les raisons principales au-delà de la conjoncture internationale sont : l’inondation qui a fait perdre plus de 35 000 hectares, l’attaque des jassides, une nouvelle variété d’insectes qu’aucune société cotonnière de la sous-région n’a pu contrôler. Et contrairement à ce que disent certains, les paysans ont eu des insecticides, seulement ils ont été inefficaces face aux jassides.

N.D

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