Au départ, ATT nous avait présenté le PDS comme son programme pour répondre aux nombreuses préoccupations du peuple malien. Le PDS, c’est le parti de la demande sociale, ainsi appelé pour être plus proche du peuple dont les attentes tournent autour de l’allègement du panier de la ménagère, le boire et le manger, le logement, la lutte contre la corruption et la délinquance financière etc. Cet objectif initial est devenu plus tard le PDES, projet de développement économique et social, une plateforme ayant servi de propagande à l’élection du général à la présidence de la République. Aujourd’hui, avec la création du parti présidentiel ce sigle reste entier mais les connotations changent. Au lieu de "projet" on parle, désormais, de parti et en lieu et place de "société", on parle de solidarité. Même si c’est bonnet blanc et blanc bonnet, ce ratatinage montre une politisation à outrance de l’héritage d’ATT. Question de s’installer dans la durée pour pérenniser l’œuvre du père.
Pour cela, Ahmed Diane Séméga et ses hommes ne sont pas allés avec le dos de la cuillère. Rarement, en effet, la création d’un nouveau parti politique aura rassemblé tant de monde, suscité tant de solennité, provoqué tant de folklore, vuvuzelas à l’appui. On dirait que tout le gratin de la République s’était donné rendez-vous, le 17 juillet dernier, au CICB. Et la montagne accoucha d’un monstre sacré, une pieuvre aux tentacules hérissées prête à faire main basse sur tout ce qui bouge dans le pays. Le nouveau parti, en effet, réunit la crème des crèmes de l’élite politico-économico-intellectuelle du pays.
C’est d’abord le parti des opérateurs économiques, avec la présence de l’inévitable Jeamille Bittar, le président de la CCIM et du CESC (qui court derrière tout ce qui bouge dans le pays) et du vétérinaire Ousmane Bah. C’est le parti des énarques avec le jeune et sage Seydou Cissouma (la conscience du président) et le justicier du dimanche, Maharafa Traoré. C’est le parti des politiques aguerris comme N’Diaye Bah, le dissident non repenti du CNID et le gourou de Banamba Hamadaou Sylla, député à l’Assemblée nationale. C’est aussi, comme disait Lenine, le parti des ouvriers et des paysans avec l’analphabète Bakary Togola, président de l’APCAM, chargé de racoler les cotonculteurs de la CMDT.
Avec un bureau provisoire pléthorique de 127 membres, on dirait qu’on a affaire à un parti de type stalinien. Au sommet trône un politburo de 23 vice-présidents, tous des apparatchiks bon teint issus de la nomenklatura. Et dans le saint des saints, c’est-à-dire au présidium du comité central, Ahmed Diane Séméga, l’ancien gourou du Mouvement Citoyen devenu une sorte de Castro des tropiques. On vient d’assister manifestement à la naissance du parti communiste de Koulouba dont les membres roulent déjà dans des Zyls pour se rendre dans leur datcha tout près de la capitale. Ce sont les nouveaux membres du CC du PCUS ou du Parti communiste chinois. Ce melting-pot, qui est loin d’être un fourre-tout, va faire trembler les colonnes du temple en 2012. Il dispose déjà du nerf de la guerre parce qu’il ne comprend ni pauvre hère, ni pauvre bougre. Opérateurs économiques, ministres, paysans riches, députés jusqu’aux simples maires chacun va mettre la main à la poche dans cette commune volonté de vie commune. Qui va crier à l’ostentation s’ils le font à la sueur de leur front?
En 2002, qui a crié au scandale quand Soumi champion a volé en hélico en rase campagne au-dessus des nids de misère ? Il faut ajouter à tout cela que le Mouvement citoyen, socle sur lequel est bâti le parti d’ATT, n’est pas un profane en matière politique. Il compte, depuis belle lurette, une certaine implantation sur le territoire national et a des élus un peu partout. En outre, les membres du bureau provisoire du PDES sont judicieusement bien repartis entre toutes les contrées du pays. Aussi, chacun ramènera de son bled son trophée de guerre.
Autant dire que les grands partis traditionnels comme l’Adema, l’URD et le RPM ne doivent pas dormir sur leurs lauriers. La compétition sera largement ouverte, rien n’est encore joué pour 2012. Leur suprématie est même menacée par ce nouveau-né dans la conquête du pouvoir. Seul le charisme du prétendant au trône fera la différence entre les uns et les autres. Quant aux élections de proximité, ce sera un marquage à la culotte entre ces quatre formations politiques. Et dire que l’Adema rêve de revenir au pouvoir à cette date. Avec la nouvelle donne Dioncounda sera obligé de revoir ses ambitions à la baisse. Parce que tout ce qui est neuf est beau, le PDES va continuer de ratisser large. Il puisera à pleines dents dans les mécontents de tous les partis et tentera tous ceux qui sont attirés par une forte odeur d’argent. Ne vous leurrez pas, on ne fait pas de la politique les mains vides car un sac vide ne tient pas débout. Pour tout dire, en sortant de la clandestinité et en jouant à visage découvert, les héritiers d’ATT ont trouvé le meilleur moyen de sauvegarder son legs. Et pour un coup d’essai, ils ont réussi un coup de maître. ATT sera fier de ses ouailles.
Mamadou Lamine DOUMBA