À Alger comme à Luanda, en passant par Abuja ou Pointe Noire, elle hante les nuits des dirigeants et inquiète fortement les populations qui, dans la foulée de leurs princes, avaient pris la mauvaise habitude de vivre presque exclusivement de la rente pétrolière, dans une certaine insouciance des lendemains. Elle, c’est la chute vertigineuse du prix du baril du pétrole et les perspectives moroses qui sont annoncées pour ce produit phare. Elle a plongé dans la crise financière de nombreux pays, prélude à une crise économique plus profonde et peut être, des difficultés sociales voire politiques dans certaines contrées. Cependant, conformément au vieil proverbe africain relatif à la mort du cabri de certains, profitant à la succulence de la sauce d’autres, tout le monde ne se lamente pas sur le sort du cours du brut, loin de là ! Les pays importateurs d’hydrocarbures qui suivent les prix de ce produit comme du lait sur le feu, sont grandement soulagés quand le cours du pétrole est clément.
Ces pays ont mis en place des dispositifs de gestion des prix des hydrocarbures utilisant l’ajustement de la fiscalité en fonction du cours pour assurer la stabilité des prix au détail. Ils régulent ainsi les prix à partir des taxes. Quand les cours sont élevés, l’État réduit la fiscalité, préserve un peu les marges des fournisseurs et agit sur le prix à la pompe. Le même mécanisme fonctionne à la baisse, au bénéfice des taxes. La baisse continue des cours du pétrole a été une véritable aubaine pour leurs finances publiques. Des États n’ont pas répercuté la baisse sur les prix à la pompe, la fiscalité a été maintenue à un certain niveau et les ressources générées ont été significatives pour les trésors publics. Dans le contexte baissier des cours, les perspectives sont donc positives pour ces pays. Il se pose ainsi une question majeure pour eux : que faire de l’opportunité que constitue cette baisse structurelle des cours du pétrole ? Faut-il simplement engranger des revenus supplémentaires et se contenter de les enregistrer parmi les recettes et couvrir des contre-performances éventuelles sur d’autres segments budgétaires ? Faut-il les utiliser pour diminuer le déficit budgétaire et préserver quelques marges de manœuvres pour le futur ? Faut-il faire autre chose ?
Il est indispensable au préalable que les décideurs publics de ces pays se penchent sur la question. Autant les pays pétroliers, en proie à des difficultés, réfléchissent aux possibilités leur permettant de rebondir, autant les importateurs doivent analyser les opportunités actuelles tout en anticipant des retournements éventuels de conjoncture. Ils doivent considérer cette aubaine comme un facteur non prévu et non maitrisé et y accorder une attention majeure. Celle-ci conditionne l’adoption d’initiatives et de stratégies porteuses pour l’avenir à partager avec les populations. Dans cette optique, ils doivent mobiliser leurs outils d’anticipation et de suivi du marché et des grandes évolutions le concernant.
La première des postures à prendre rapidement est de veiller à ce que l’embellie sur le front de la fiscalité pétrolière ne masque pas les résultats insuffisants en matière de collecte des ressources intérieures, véritable talon d’Achille des pays africains (pression fiscale encore inférieure à 20% du PIB). Il faut que les autres recettes soient gérées avec un grand souci de performances et continuer à mettre la pression à ce niveau, avec pour objectif d’améliorer les ressources fiscales internes. Les reformes des administrations fiscales, la lutte contre la corruption, la modernisation et la simplification des procédures fiscales, l’amélioration des relations avec les contribuables, la mise en valeur de certains « gisements » fiscaux constituent des pistes qu’il faut continuer d’arpenter afin de réaliser les objectifs d’amélioration des performances fiscales des États.
La seconde posture est celle de la communication et du partenariat avec la société civile dans la gestion de ces ressources imprévues et non maitrisées. Il est souhaitable que les populations sachent comment fonctionne le dispositif de gestion des prix des hydrocarbures, son impact sur les prix sur le marché, ses effets stabilisateurs de prix…. La communication sera encore plus efficace si les décideurs associent les populations dans l’utilisation des ressources additionnelles dégagées, ce qui facilitera leurs tâches au moment d’adoption de mesures plus difficiles en cas de retournement de la conjoncture.
La posture suivante consistera à considérer ces revenus supplémentaires comme exceptionnels et de ce fait à les affecter vers le financement de dépenses d’investissement ou de dépenses opportunes ou porteuses d’avenir, au lieu de les laisser fondre parmi les recettes courantes destinées à couvrir des dépenses de fonctionnement. Les Gouvernements pourront, en rapport avec les populations, mettre en place un cadre partenarial pour suivre l’évolution de ces ressources, examiner les initiatives à conduire et les suivre. En la matière, plusieurs options s’offrent à elles.
La baisse substantielle du prix des carburants n’est pas à proprement parler une dépense publique mais constitue un manque à gagner dans la mesure où elle se fait au travers d’une baisse de la fiscalité. Le prix du carburant a un impact sur de nombreux autres facteurs économiques comme les transports ou encore l’énergie et donc sur les produits de consommation courante. Sa diminution significative (au moins 5%) donnera du pouvoir d’achat aux populations et pourra servir de levier à une embellie économique liée à la consommation. L’impact économique de cette mesure sera cependant limité. Elle bénéficiera principalement aux consommateurs de produits pétroliers et aux citadins dont l’énergie est en partie fournie par les centrales thermiques. Plus on sera éloigné des villes, moins on percevra nettement la portée de la baisse du prix du carburant.
L’allocation de subventions aux intrants agricoles (engrais, pesticides, semences) ainsi qu’aux matériels agricoles (tracteurs, charrues…), le soutien aux cantines scolaires ou encore la subvention aux frais de scolarité touchent directement les couches défavorisées et la production rurale et donc le plus grand nombre. Une partie des ressources additionnelles issues de la baisse du prix du pétrole peut être allouée à cette activité, soulageant grandement les populations rurales. On pourrait mieux orienter la subvention et l’affecter aux intrants qui ne bénéficient pas directement de la chute des cours (ceux qui ne sont pas dérivés des hydrocarbures) pour en améliorer encore l’impact.
La lutte contre le chômage des jeunes est une urgence continentale. L’entrepreneuriat est considéré comme un des moyens efficaces de promouvoir l’auto-emploi des jeunes et surtout l’innovation, la créativité et donc le développement. Nous devons faire nettement plus pour le soutien à la création d’entreprise par les jeunes, l’appui à leurs projets notamment dans la production (pisciculture, agro-industrie…). Il faut augmenter les budgets alloués à cela et utiliser pour ce faire une partie des ressources additionnelles dégagées par la baisse du prix du pétrole.
L’énergie solaire est une alternative de long terme aux hydrocarbures et dispose en Afrique, notamment dans les parties sahéliennes et sahariennes, d’une source d’approvisionnement inépuisable. Elle est renouvelable et surtout préserve l’environnement et le climat. Les pays africains ont prévu dans le cadre de l’Accord de Paris, des mesures d’adaptation dont la promotion du solaire. On peut concrétiser cet engagement en investissant une partie des ressources additionnelles au développement du solaire et sa vulgarisation aussi bien dans les campagnes qu’en ville.
On pourrait soutenir la recherche dans ce domaine, promouvoir les innovations, encourager la réalisation de mini centrales, soutenir les entrepreneurs du secteur, faciliter l’accès aux matériels de production… La baisse du prix du pétrole menace le développement de cette industrie, il est donc tout à fait normal que les ressources additionnelles dégagées du fait de cette baisse soutiennent la promotion du secteur solaire.
L’accès aux soins reste problématique pour une bonne partie des Africains en raison de la qualité insuffisante du personnel de santé. Or, le développement humain, crucial pour le progrès socioéconomique de l’Afrique, repose d’abord et avant tout sur le système sanitaire. Le recrutement de personnels qualifiés, le renforcement des capacités du personnel sanitaire, les investissements en infrastructures et en équipements sont des initiatives qui peuvent bénéficier de l’utilisation des ressources additionnelles dégagées par la baisse du prix du pétrole.
Parallèlement aux activités à soutenir par les ressources additionnelles consécutives à la chute du cours de l’or noir, il est indispensable de mettre en place un véritable fonds de soutien aux cours des produits pétroliers qui sera alimenté par une partie de l’excèdent généré et qui sera géré avec la société civile dans le cadre du dispositif partenarial évoqué précédemment. Le fonds complètera la fiscalité flottante au cas où celle-ci menacerait de déséquilibrer les finances publiques en cas de hausse importante et durable des cours. Ce fonds sera régulièrement abondé en période favorable et pourrait même être utilisé pour financer certains investissements prioritaires (production d’énergie, maitrise de l’eau, …) dont les revenus serviront à le rembourser et à le reconstituer. Il pourrait être utilisé comme fonds souverain, utilisé comme une structure privée essentiellement mue par la rentabilité. Ce dispositif complètera ainsi l’architecture à mettre en place pour permettre aux pays importateurs de mieux bénéficier de l’embellie actuelle des prix du pétrole. Cette architecture mettra définitivement ces pays à l’abri de pressions de la société civile pour mieux redistribuer les dividendes actuels sous forme d’augmentation de salaires, de subventions…Elle leur permettra de s’orienter vers des initiatives porteuses à moyen terme de prospérité économique et cela, dans un cadre de grande stabilité sociale.
Moussa MARA
Le prix du super carburant n’a jamais atteint le cap DES 700 f cfa le litre par le passé. C ‘est sous le regime IBK que nous assistons à ces montés fulgurantes du prix des hydrocarbures.
Nous tenons à lui signaler que nous les travailleurs du secteur privé nous n’avons encore rien beneficiers des augmentations de salaires jusqu’à present. Et par consequant nous sauront sagement utiliser nos carte NINA en 2018.
Moussa Mara est vraiment marrant. Il était aux affaires quand le prix du pétrole baissait. Quel profit en a t-il tiré? Il est trop facile de critiquer lorsqu’on se trouve de l’autre côté du pouvoir après en avoir été chassé par un coup de pied magistral. Qu’est ce qui l’a empêché en ce temps-là, d’expérimenter une nouvelle forme de redistribution des dépenses de l’état conformément aux nouveaux prix du pétrole? Il est très facile de voir les poux dans la tête du voisin, mais lorsqu’on en porte soit-même, on partage son expérience avec tous les pouilleux. Ce sont tous des fumiers et des destructeurs d’économies sur le dos des peuples. Si c’est après coup qu’il pense aux solutions, ce qu’il n’avait rien à proposer. En voilà des manières!!!!
Le Mali, pays importateur de pétrole devrait ressentir “cette évolution baissière” de manière positive sur le prix à la pompe (c’est-à-dire le prix en diminution). Malheureusement, le Pouvoir Public en profite pour renforcer la fiscalité intérieur sur le prix de vente du carburant à la pompe. C’est pour cette raison que l’on ne constate pas cette baisse en achetant le carburant. Or, toute augmentation de la valeur d’un bien économique a des effets sur la valeur d’autres biens économiques; surtout en ce qui concerne les dépenses au niveau des ménages. Les fluctuations de prix sur des biens de grandes consommations ont des effets importants sur l’inflation.
C’est comme ça dans de nombreux pays !
Faire payer au prix de l’or !
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