Les fouilles « archélogico-financières » réalisées à la Chambre de Commerce et d’Industrie du Mali (CCIM) sont sans appel : surfacturation, vol et détournement de fonds. A ces maux, s’ajoutent des dépenses injustifiées et le changement des règles de comptabilisation, d’année en année. Autant de pratiques qui selon le Vérificateur Général ont précipité la chambre consulaire du Mali dans l’abîme. Avec à la clé, un trou de 1,35 milliard de francs CFA dans la caisse.
Décidemment, le patron de la Chambre de Commerce et d’Industrie du Mali, Jeamille Bittar et non moins président du Conseil Economique Social et Culturel (CESC) est mal barré. Le gouffre financier creusé au niveau de cette chambre consulaire dépasse l’entendement. D’où la paralysie de la structure à tous les niveaux.
En clair, la CCIM dans son histoire n’a jamais connu une telle hémorragie financière. Pire, elle n’a jamais été confiée à un homme, aussi controversé que Jeamille Bittar : pendant 3 ans, les caisses ont coulé. Comme le Djoliba dans son lit. Les détournements n’ont pas été comptabilisés en centaines de millions. Mais en milliards de nos francs.
La croissance économique, entre parenthèse
La CCIM n’a pas seulement perdu de sa superbe. Elle a été vidée de son âme, vendue au diable. Et jusqu’aujourd’hui, son président n’affiche qu’une image de ruine et de désolation. Et pour cause : jamais, les gaffes au sein de la structure n’ont atteint un tel degré.
Jugé, pourtant, stratégique dans la politique de développement du monde des affaires de notre pays, la CCIM n’a pas échappé à l’appétit vorace de son Président, Jeamille Bittar.
Par petite touche, il a « sucé » les caisses, érigé le népotisme en mode de gestion. L’espoir tant suscité auprès des opérateurs économiques, a viré au cauchemar. Un flop magistral.
Réputée comme l’organisation des professionnels du commerce et de l’industrie, la CCIM a vite fait de taire ses ambitions. Raison évoquée par les enquêteurs du Bureau du Vérificateur Général : L’utilisation des fonds et des recettes de la boîte à d’autres fins. Estimé à 1,35 milliard de francs CFA, celles-ci auraient fondu comme du beurre au soleil. Ce n’est pas tout. Loin s’en faut.
Même, le non reversement de la TVA au service des Impôts pour un montant de 66,17 millions CFA et le non enregistrement des dépenses avant le paiement ne sont pas de nature à tempérer les curiosités. Du coup, la CCIM ne connaît pas la réalité des engagements financiers qu’elle prend vis-à-vis de ses fournisseurs.
Autres gaffes relevées dans la gestion du patron de la CCIM : le changement des règles de comptabilisation d’une année à l’autre. Histoire d’entretenir le flou et de déguster les fonds à la petite cuillère.
Aussi, les recettes constituées par la quote-part de la CCIM dans la vente des imprimés commerciaux par la Direction Nationale du Commerce et de la Concurrence (DNCC) ne sont pas comptabilisées. Pire, le magasinier reçoit les versements et conserve tous les exemplaires des reçus de paiement. En somme, la caisse de la chambre consulaire du Mali est gérée en dehors des circuits de la comptabilité. Au même moment, il n’y a aucun suivi de la réalité des versements effectués dans la caisse. Et le seul contrôle se fait à travers la signature par l’Agent comptable d’un état récapitulatif (recettes ou dépenses) que le magasinier soumet à son approbation, en fin de mois.
Par ailleurs, certains travailleurs de la CCIM cumulent des fonctions qui sont incompatibles entre elles. Pour cette raison, la régie de la chambre consulaire est gérée par l’Agent comptable, qui également, est l’ordonnateur délégué de la CCIM. Pareil pour le Directeur de l’Institut Consulaire d’Etudes et de Formation (INCEF) qui demeure à la fois ordonnateur des dépenses et caissiers. Est-ce à dire que les titulaires de ces postes sont des proches du « Prince » de la CCIM ? La preuve, indiquent les enquêteurs : le magasinier de la CCIM fait office de caissier pour le produit des imprimés vendus à la DNCC. Ce n’est pas tout. Loin s’en faut.
Même les recettes de vente d’imprimés commerciaux n’ont pas été à l’abri de l’appétit vorace du président de la CCIM. Les sous générés par la vente de ces imprimés ont été versés, directement, dans un compte bancaire ouvert à cet effet.
Entre mangement et « mangecratie »
Quant aux reçus destinés aux acheteurs et aux bordereaux de versement, ils se sont envolés. Comme par magie. Et sans explication. Et pour la même période. D’où l’exploitation abusive des mises au rebut et la déclaration d’un volume important d’imprimés comme « déchet ».
Rien qu’en 2009, la valeur des imprimés classés comme « déchet » se chiffre à 25,47 millions de francs CFA. Une hypothèse que les limiers du vérificateur rejettent. Avec la preuve par l’épreuve. A les en croire, tous ces imprimés ont été vendus.
Mais pour les satrapes de la CCIM, sur un total de 40.887 imprimés de Déclaration en Douane Unifiée (DDU) 12.736, soit 31,15%, ont été déclarés comme étant des « déchets ».
S’agissant de la gestion des ressources générées par l’organisation des foires et des expositions-ventes, c’est le branle-bas. Il n’y a pas d’informations fiables sur la réalité des recettes réalisées à ces occasions.
En outre, précisent les « cherche-leurres » du vérificateur, le service « Foires et Parc des Expositions de Bamako » a utilisé en 2007 puis en 2008 des carnets de plusieurs types pour encaisser les recettes. Les séquences de numérotation sont irrégulières. Du coup, le détournement de fonds est érigé en système pour le chaos national. Avec comme mot d’ordre : « bouffe et tais-toi, s’il en reste la nation pourrait en bénéficier ».
Du côté des dépenses, les irrégularités relevées frisent la couardise. Elles sont plus criardes les unes que les autres. L’échec est cuisant et le revers cinglant.
En effet, la CCIM a payé des immeubles, sans justificatif et sans titre de propriété, établi au nom de la structure pour un montant total de 292,44 millions de nos francs. Et coup de théâtre, elle verse par ailleurs 277,44 millions CFA pour acquérir un immeuble qui sert de siège à la délégation régionale de Kidal.
Dans les documents disponibles, il s’agit d’un achat d’immeuble bâti. Mais aucun acte de vente n’a été établi et le titre de propriété demeure au nom du vendeur, qui à en croire les fouineurs du Vérificateur, se trouve être le Président de la délégation régionale. Et le hic, c’est que le montant total a été payé et comptabilisé en charges au lieu d’être porté en immobilisation. De même, il n’y a aucune pièce justificative pour l’acquisition de la parcelle de terrain où est érigé le siège de la délégation régionale de Mopti. Pire, le paiement de 15 millions de francs CFA au titre du prix du terrain n’est supporté par aucune pièce justificative.
Vient ensuite, l’octroi d’indemnités, non justifiées, des frais de téléphone à certains membres pour une enveloppe globale de 37,85 millions de nos francs. Pourquoi ? Seul le président de la CCIM pourrait répondre à l’heure actuelle.
Egalement, la CCIM, a versé en 2008, sans base légale, la somme de 143 millions de francs CFA au titre des frais de représentation. Un seul exemple cité par les enquêteurs : Chaque année, le président de la CCIM, Jeamille Bittar, à lui seul perçoit 50 millions de francs CFA. Par la même occasion, il octroie à l’ensemble des présidents des délégations régionales une enveloppe globale de 40 millions de nos francs et 21 millions à l’ensemble des membres du bureau consulaire.
A tout cela s’ajoutent les dépenses injustifiées ou sans justificatifs (encore !) au titre des dépenses pour un montant de 121,19 millions de francs CFA que le Boss de la CCIM, Jeamille Bittar, brandit comme un éventail. Histoire de combler les trous de la caisse.
Enfin, la CCIM a effectué des achats sans mise en concurrence préalable des fournisseurs. Il en a été ainsi pour le contrat passé avec la société « Euro Décor » pour 1,21 million CFA. Et ironie du sort, le patron de la CCIM, Jeamille Bittar signe un contrat de 3,35 millions de francs CFA avec son imprimerie : « Bittar Impression ».
Depuis des lustres, la Chambre de Commerce et d’Industrie du Mali est au bord du précipice. Les caisses sont vides. Désespérément, vides.
Bref, la CCIM a été sacrifiée sur l’autel d’intérêts égoïstes. En somme, la caisse de la structure a subi une saignée financière de plusieurs centaines de millions.
En réalité, cette mauvaise gestion est le fruit d’un système bien huilé, mis en place par le « le prince » de la CCIM.
Selon ce système, le président de la CCIM veille aux « bons soins » de ses potes et de sa propre personne: enveloppes de fin du mois, marchés de gré à gré, bons de carburant à gogo, voyages et autres cadeaux en nature. Du moins, s’il veut éviter les « ennuis ». Politiquement.
Face à de telles pratiques qui ont occasionné un trou de 1,35 milliards de francs CFA à la CCIM, le Vérificateur exige à ce que le président de la CCIM, Jeamille Bittar rende à la CCIM ce qui n’est pas à lui. Et cela dans un bref délai. Passé ce temps, des poursuites seront engagées. C’est dire que le patron de la CCIM risque gros. Très gros. Comprenne qui pourra.
Affaire à suivre et à poursuivre !
Alou Djenfa Traoré