Entretien avec le président de la Chambre de commerce et d’industrie du Mali, Youssouf Bathily : « Nous avons programmé d’investir 20 milliards F CFA pour le financement des équipements marchands sur la période 2015-2020 »

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Depuis un certain temps, les rencontres se succèdent à la Chambre de commerce et d’industrie du Mali où le président de l’institution, Youssouf Bathily, se bat de jour comme de nuit pour trouver des sites de recasement aux milliers de commerçants détaillants qui ont été déguerpis à la suite de l’opération de libération des voies et domaines publics initiée par le Gouvernorat du District de Bamako, en juillet 2016. C’est un opérateur économique dynamique, doté d’un flair extraordinaire dans la recherche de financement – ayant occupé au sein du bureau du Collège Transitoire de la CCIM le poste de président de la Commission Equipement-Infrastructures et Recherche de financement – que nous avons rencontré dans son bureau à la CCIM, situé sur la place de la Liberté. Sans langue de bois, il s’est prêté à nos questions. Entretien. 

Maliweb.net : Ces derniers temps, la question relative au recasement des commerçants détaillants est revenue avec force sur le devant de l’actualité. L’on se rappelle qu’en août 2016, une commission avait été mise en place par votre institution pour prendre en charge cette question de recasement des déguerpis cela faisant suite à l’opération de libération des voies et domaines publics décidée en juillet de l’année dernière par Mme le Gouverneur du District de Bamako. Qu’en est-il ?

Youssouf Bathily : Je voudrais rappeler dire que, avant même cette opération de déguerpissement, que la CCIM avait vu la pertinence de la question de places pour les commerçants détaillants, les artisans et  les transporteurs et cela au vu du développement démographique dans la capitale et dans les chefs-lieux de région.  

C’est vrai que c’est une question pertinente qui préoccupe au plus haut degré le ministère du Commerce, la Chambre de commerce et d’industrie du Mali et au-delà l’ensemble des autorités de notre pays. Raison pour laquelle la CCIM a prévu 70% du budget du Plan de mandature 2015-2020 destinés aux équipements marchands pour soutenir l’économie nationale.

Comme vous voyez, ces acteurs du secteur privé que sont les déguerpis ont raison de compter sur le bureau de la Chambre que je préside et l’Etat en vue de leur recasement et cela dans des délais raisonnables. En tant que jeunes pour la plupart et chefs de famille, ils sont parfaitement dans leur droit de réclamer à l’autorité des sites de recasement.

Des associations de commerçants détaillants se plaignent pourtant de ce qu’elles considèrent comme un oubli voire une négligence de la part des autorités qui traineraient les pieds malgré les promesses faites dans le sens du recasement des déguerpis dont le chiffre avoisinerait, selon certaines sources, quelque 8 000 personnes. Que répondez-vous ?

YB : Je peux comprendre leur impatience car, chaque jour qui passe est un jour qui est presque perdu pour eux. Seulement, je voudrais dire à tous que depuis le début de cette opération de libération des voies publiques, la Chambre s’investit jour après jour pour trouver des sites de recasement que notre institution est aussi prête à aménager sur ses fonds propres au profit des déguerpis.

Pour preuve : lorsque nous sommes arrivés aux affaires, nous avons saisi par lettre les maires des six communes du District en leur demandant de mettre à la disposition de la CCIM des sites à aménager en vue du recasement des déguerpis et des marchés à rénover pour régler le problème de places qui se pose dans ces marchés. Seules les mairies des communes III et IV ont répondu favorablement en nous indiquant un site à Darsalam pour la commune III et Sibiribougou pour la commune IV. C’est ainsi que nous avons signé une convention avec ces deux mairies pour la réalisation de deux marchés pouvant contenir 710 places dont 440 sur le site identifié en commune III et 270 pour celui de Sibiribougou en Commune IV.

Pourquoi les quatre autres mairies n’ont-elles pas réagi ?

Certaines mairies ont proposé des sites mais qui, après vérification, se sont révélés avoir été vendus. En réalité, les mairies n’ont pas d’espaces disponibles pour servir de marchés en vue du recasement des déguerpis. Il s’agit d’une triste réalité qui fait que malgré nos efforts la question demeure toujours préoccupante. Seul l’Etat peut nous sortir de cette situation.

D’autre part, je tiens à souligner que le gouvernement, à travers les départements ministériels concernés, est en train d’envisager de mettre à notre disposition certains sites que nous avons identifiés dans le rapport de la Commission ad hoc de suivi et d’évaluation des opérations de déguerpissement que j’ai mise en place dès août 2016. En tout cas, la CCIM n’attend que d’avoir des sites pouvant être des marchés viables pour les réaliser. Et cela le plus tôt possible.

Où se trouvent ces sites de recasement proposés par la Commission ad hoc ? Etes-vous sûrs que ces espaces identifiés sont réellement disponibles et qu’ils pourraient être mis à votre disposition ? 

YB : Pour une raison d’Etat, le Gouvernement doit tout mettre en œuvre pour mettre à la disposition de la CCIM des sites pour réaliser des marchés afin de recaser également les déguerpis.

C’est en tout cas notre souhait d’avoir le maximum des sites que nous avons identifiés dans le rapport de la Commission ad hoc dont copie a été transmise aux autorités, à travers le ministre du Commerce.

Dans ledit rapport, la commission, qui était composée des représentants des associations faîtières et des groupements professionnels de commerçants détaillants, d’artisans et de transporteurs, a identifié 33 sites pouvant servir de marchés modernes.

A propos de marchés, depuis l’incendie qui a ravagé le Marché Rose en mars 2014, les anciens occupants dudit marché ne sont toujours pas recasés. Quelle est l’évolution du dossier de reconstruction de cette infrastructure dont la place n’est plus à démontrer dans la vie économique de notre capitale ?

YB : C’est vrai que la Chambre de commerce et d’industrie du Mali avait été chargée de la reconstruction de  ce marché notamment sur instruction du Premier ministre en date du 20 novembre 2014 demandant à notre institution « d’engager le processus de reconstruction du Marché Rose de Bamako par des études architecturales et de faisabilité dans les meilleurs délais ». Ce que nous avons fait. Mais ledit dossier est bloqué au niveau de la Mairie du District de Bamako. Nous avons à maintes reprises tenté de débloquer le dossier avec le Maire du District. Mais en vain. Cette situation a besoin d’être réglée très rapidement afin de pouvoir résoudre le problème des victimes de l’incendie du Marché Rose et d’autres déguerpis.

Maintenant que faites-vous dans le cadre du recasement de ces milliers de personnes déguerpies qui n’ont plus de places pour exercer leur métier et pouvoir subvenir aux besoins de leurs familles ? Sans oublier qu’ils contribuent énormément au développement économique du pays et à la paix sociale qui est aussi gage de prospérité.

YB : Je voudrais rappeler que la Commission ad hoc dont je parlais tantôt avait pour missions de sensibiliser et d’informer les personnes touchées par l’opération de déguerpissement ; de procéder au recensement de ces personnes et à l’évaluation éventuelle des dégâts ; de procéder à l’identification des sites pour offrir de nouveaux espaces aux commerçants et aux artisans déguerpis et, enfin, de réunir la documentation relative aux domaines et aux espaces publics pour une meilleure appropriation de ce qui est possible et de ce qui n’est pas possible de faire en matière d’occupation d’espaces.

Je tiens à rappeler que la Commission ad hoc continue  de se réunir avec nous à la CCIM en vue de suivre l’évolution du dossier et informer dans ce sens les personnes intéressées. Je voudrais également profiter pour remercier le ministre du Commerce qui n’a ménagé aucun effort depuis le début de l’opération jusqu’à nos jours pour initier des rencontres avec la Commission ad hoc en vue de les rassurer des dispositions prises au niveau du Gouvernement pour une solution durable aux problèmes des déguerpis.

Concrètement que fait la CCIM pour soulager les déguerpis que l’ont voit à longueur de journée dans vos murs ?

  Le 6 février dernier seulement, nous avons en compagnie de la Commission ad hoc visité le chantier de construction d’un marché sis à Darsalam qui va recevoir incessamment 444 commerçants détaillants avec toutes les commodités d’un marché moderne. Il y a aussi le site de Sibiribougou en commune IV, dont les travaux sont également très avancés, qui va offrir quelque 270 places.

Au vu du nombre de commerçants détaillants recensés par la Commission ad hoc, à savoir 7 948 personnes, ce nombre de places disponibles parait quelque peu dérisoire. Mais ce n’est que le début de solution.

A mon avis, parmi les sites identifiés il y a tout d’abord la « bande 140 » sur la route de l’aéroport et le champ hippique qui peut être délocalisé dans la zone aéroportuaire derrière le marché de poissons que l’Etat peut mettre aussitôt à la disposition de la CCIM pour en faire les plus grands marchés modernes de l’Afrique de l’Ouest. Cela permettra, j’en suis convaincu, de résoudre de manière définitive et durable le problème de places tant pour la rive droite que pour la rive gauche.

 Avez-vous suffisamment de ressources financières pour aménager ces sites sollicités dans le rapport ? Ou bien vous voulez compter à ce niveau également sur l’Etat ? 

 YB : Oui. Mobiliser les financements n’est pas un problème pour la CCIM. Dans ce cadre nous comptons sur l’Etat et sur l’accompagnement des institutions financières. D’ores et déjà, nous vous informons que nous avons l’accord de principe de financement des équipements marchands pour plus de 20 milliards F CFA. Il s’agit là d’un montant important qui pourrait servir à construire de nouveaux marchés mais aussi à moderniser d’autres au profit exclusif des commerçants et de nos populations. Conformément à sa mission d’assistance et d’appui aux entreprises, la Chambre va s’assumer pour faciliter les conditions d’exercice du métier du commerce de détail en facilitant la mise à disposition des meilleures infrastructures à l’ensemble des acteurs du secteur privé national. C’est dire encore une fois, combien nous accordons de l’importance au cadre de travail des opérateurs économiques qu’ils soient dans les bureaux ou dans les marchés.

Le mot de la fin…

YB : Je tiens à rappeler que personne ne viendra construire ce pays à notre place. Il faut tout simplement croire et oser. Par la bénédiction de Dieu, l’homme peut tout faire.

Avant de terminer, je tiens à vous remercier en ce moment très capital où nous préparons la session budgétaire de l’assemblée consulaire dont la date sera communiquée dans les jours à venir.

Réalisé par Mamadou FOFANA / Maliweb.net

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