Les membres du Collège transitoire de la Ccim qui doivent être installés dans leurs fonctions en principe aujourd’hui, doivent comprendre qu’ils ne sont pas choisis pour parader au sein de la Chambre consulaire tout en bénéficiant de prébendes liées à leurs nouvelles activités. Bien au contraire, au vu de la façon dont ils sont projetés aux affaires, la prudence et la rigueur doivent guider leur démarche pour réussir cette mission à hauts risques. En effet, les moindres maladresses et dérives pourraient les rattraper, surtout si l’on sait que la plupart d’entre eux, ayant pris déjà goût à la chose auparavant, ne sont pas exempts de reproches, encore moins de soupçons d’être simplement à la recherche de quoi grignoter.
Le Collège transitoire de la Chambre de commerce et d’industrie du Mali tant attendu est en réalité un éléphant de porcelaine. C’est ce que pensent nombre d’opérateurs économiques qui nous ont approché et qui estiment, au vu des noms publiés, qu’ils ont l’impression qu’il y a à boire et à manger à la Ccim pour que les mêmes se battent avec toutes les armes possibles pour être responsabilisé au niveau de cette Chambre consulaire. Non seulement, la plupart de ceux qui sont désignés ne constituent pas les meilleurs références des milieux d’affaires du pays, mais il y en a encore qui restent autant responsables que le président sortant, Jeamille Bittar, dans sa gestion de la Ccim, pour avoir cheminé avec lui pendant plusieurs années à la tête de l’institution consulaire. Raison pour laquelle, ils ne sont pas indiqués pour cette transition qui, si l’on n’y prend garde, risque de se transformer en eau de boudin.
Eviter que la situation de la Ccim ne tombe de Charybde en Scylla, tel est le principal défi que le Gouvernement doit relever après avoir pris la responsabilité d’installer un Collège transitoire dont la composition révèle d’emblée la présence de trois anciens malheureux candidats face à Jeamille Bittar, les années passées. Il s’agit d’abord de Mamadou Baba Sylla et Mamadou Lamine Tounkara, tous deux battus par Bittar lors des élections consulaires de 2002. Ensuite, il y a Mamadou Konaté qui, après avoir annoncé sa candidature, a fini par la retirer pour rallier le Groupement des commerçants qui l’avait fait élire comme membre consulaire. D’aucuns disent même que sa candidature annoncée à l’époque n’était qu’un épouvantail, disons une simple stratégie pour mieux négocier une place sur la liste consulaire dudit Groupement. Dès lors, l’on redoute une démarche empreinte de revanche sur Bittar, ce qui serait un véritable recul pour la Ccim et le gouvernement qui l’aurait cautionné y répondrait devant l’histoire.
Déjà, le président de ce Collège, Mamadou Konaté, déclare qu’il n’est pas membre du Groupement et qu’il est du secteur des services. Par cette sortie, il fait planer déjà le doute sur le sérieux de ce Collège transitoire qu’il préside car tout le monde sait qu’il a été membre consulaire au nom de la filière commerce et par la même occasion conseiller de Jeamille Bittar, de 2003 à 2006. Un passage au cours duquel il a été bien connu des états financiers de la Ccim pour y avoir émargé en diverses circonstances dont de nombreuses missions à l’étranger. Du côté de la Ccim on nous rappelle aussi qu’il lui avait été attribué, à hauteur de plusieurs millions Fcfa et sans appel d’offres, un marché de confection d’un manuel de procédures administratives et financières pour le Trie-Cédéao. Viendrait-il terminer ce travail plusieurs années après ? C’est compte tenu de cela, parmi d’autres griefs, qu’il sera mis en observation et ses moindres faits et gestes seront épiés par ses adversaires.
C’est vrai qu’en le nommant président du collège transitoire, le Premier ministre a profité de l’occasion pour étendre son influence politique à la Ccim si l’on tient compte que Mamadou Konaté, est membre du Haut conseil islamique et un proche parmi les plus proches de Mahmoud Dicko dont les relations avec le Premier ministre relèvent du secret de polichinelle.
En ayant comme vice-président Youssouf Bathily, le Trésorier de la Ccim de 2003 à 2006 et co-signataire des chèques avec Jeamille Bittar, l’on se demande bien s’il n’y a pas suffisamment de ressources humaines dans les milieux d’affaires pour trouver mieux. En effet, tout comme Bittar, Youssouf Bathily est autant responsable de la gestion décriée par le Contrôle général des services publics en mission à la Ccim en ce temps-là. C’est à partir de cela d’ailleurs qu’un inspecteur du Trésor et un inspecteur des finances ont été détachés à la Ccim, respectivement comme Agent comptable particulier et Contrôleur financier, pour sécuriser les fonds publics de la Ccim.
D’anciens collaborateurs de Bittar
Sur un autre plan, en retrouvant Mamadou Baba Sylla dans ce Collège transitoire, Youssouf Bathily et Mamadou Konaté ont désormais l’occasion de rendre compte du projet de cimenterie autour duquel ils s’activaient lors du premier mandat de Bittar et dont on attend toujours des avancées, après les sommes importantes qui y ont été injectées. L’on se rappelle que beaucoup de bruit avait été entretenu autour de ce projet et le Premier ministre de l’époque, Ousmane Issoufi Maïga, avait toujours manifesté son scepticisme quant à la fiabilité de ce projet. L’histoire lui a donné raison car le ramdam a fait subitement place à un silence radio assourdissant depuis quelques années.
Le 1er vice-président, Moctar Théra, était le 4è vice président du Bureau sortant, dirigé par Bittar. On le présente comme le représentant de la sensibilité du bureau sortant, mais le démenti est vite arrivé car, au niveau du camp de Bittar qui a refusé de fournir des noms comme cela lui était demandé, on le considère comme faisant cavalier seul.
Le 3è vice président, Sanou Sarr, est un ancien de la Ccim qui a eu à traverser tous les « régimes » en partant de Darhat à Bittar, en passant par Mamadou Lamine Tounkara. Sa collaboration avec tous les présidents qui se sont succédé n’a jamais fait défaut et du côté de la Ccim, l’on nous signale que Bittar l’avait désigné comme le point focal de la ligne de crédit iranienne en faveur des opérateurs économiques du pays.
En parlant de Mamadou Lamine Tounkara, précisons que lui aussi signe son retour en tant que 4è vice président dans le Collège transitoire. Pour celui qui a été président tout puissant de la Ccim flamboyante avec tous les honneurs après Darhat (il a été déboulonné par Bittar en 2003), a-t-il besoin de siéger dans ce Collège transitoire installé dans un environnement aussi conflictuel sur un terrain si mouvant?
Que dire aussi de Lanfia Camara, un des proches de Bittar au point d’accompagner ce dernier dans la création d’une organisation patronale mort-née, le Medem, qui se voulait un clone du Médef pour concurrencer le Cnpm. Lanfia a toujours servi Bittar dans des missions et autres taches qu’il a eu à exécuter, y compris jusque dans des missions à l’étranger. Il était pressenti un moment pour remplacer Mamadou Sidibé à la tête de l’Organisation patronale des industriels (Opi) mais finalement c’est Cyrill Achcar qui a eu la préférence des membres de cette organisation.
Faire du neuf avec du vieux
Avec Abdoul Aziz Mariko (connu dans le milieu du prêt-à-porter au Grand marché de Bamako) désigné 8è vice président du Collège électoral, le Syndicat national des commerçants détaillants du Mali (Synacodem) obtient gain de cause avec ses agissements enregistrés ces derniers temps pour que ce Collège transitoire soit mis en place. Il remplace son éternel rival (la Coordination des associations et groupements de commerçants détaillants du Mali) dirigé par Hama Aba Cissé, premier vice président du bureau sortant.
Hadia Mouye Sanogo occupe le poste de Trésorier général du Collège électoral. C’est aussi une habituée de la Ccim depuis le temps de Darhat. Celle que Bittar appelait très souvent «maman » est aussi dans le Bureau du Conseil malien des chargeurs.
Oudiari Diawara 5è vice président, Lalaïcha Ascofaré 6è vice président, Alou NDiaye (Pdg de Snf) 9è vice président et Gaoussou Coulibaly dit Djéri au poste de 2è Trésorier général adjoint, ont édulcoré cette liste car avec eux on ne trouve rien à dire. En effet, c’est dans cette allure de sang neuf que le Gouvernement devait composer la liste du Collège transitoire et laisser de côté ceux qui ont déjà pollué de leur ombre les locaux de la chambre consulaire. En effet, on n’a pas besoin de rappeler que ce n’est pas avec du vieux, rapiécé, que l’on va faire du neuf.
Il convient de rappeler que le notaire Me Ahmadou Touré, prédécesseur du Ministre Abdel Karim Konaté à la tête du Département du Commerce et de l’industrie qui assure la tutelle de la Ccim, avait fait fi de l’avis de la Cour suprême qui soutenait que le mandat de l’équipe de Bittar devait être prorogé jusqu’aux prochaines élections. Comme argument principal, il avançait que le Collège transitoire contribuerait à atténuer la tension qui entoure la Ccim et née du contentieux des dernières élections consulaires. Mais au finish, la montagne a accouché d’une souris. On a plutôt cherché à régler des problèmes autres que ceux propres à la Ccim. Rien que pour ces raisons, parmi tant d’autres, une prudence a accueilli ce Collège transitoire car dans les milieux d’affaires on refuse de succomber à une quelconque campagne de séduction. Pour les opérateurs économiques que nous avons rencontrés, il n’ya donc pas de quoi s’enthousiasmer.
Les grands défis à relever
Le Collège transitoire sera donc jugé à l’œuvre, notamment dans les nombreux défis et délicates missions que sont ; la restructuration de la Chambre consulaire pour en faire un outil précieux au service des opérateurs économiques et sortir ainsi d’être considérée comme un refuge d’hommes d’affaires en perte de vitesse et à la recherche d’un gagne-pain; la relecture des textes pour enlever tout point source de discorde dont notamment le fameux vote par correspondance tant décrié ; redéfinir des critères de représentativité et d’éligibilité pour permettre à la crème des affaires de se retrouver dans une Ccim qui ne sera plus une affaire de commerçants qui peinent à réaliser un chiffre d’affaires d’à peine 10 millions Fcfa ou d’artisans qui se font passer pour des industriels en tournant le dos à la Chambre des métiers qui est leur véritable chambre consulaire.
En dehors de tout ceci, il faut envisager sérieusement la question de la décentralisation pour élever certaines délégations régionales en chambres autonomes qui pourraient travailler de concert avec les chambres des métiers et d’agriculture pour prendre en charge les questions de développement des affaires au plan local. En effet, c’est une véritable aberration que dans l’élan de décentralisation amorcé par le Mali, l’on maintienne une seule et unique chambre de commerce qui aiguise les appétits politiques par son emprise nationale, au détriment de la prise en compte des préoccupations du monde des affaires.
Avec le profil de ce Collège électoral peut-on vraiment relever tous ces défis ? L’histoire en jugera.
Birama FALL