Redonner la crédibilité et la notoriété de la Chambre du commerce et d’industrie du Mali, c’est tout le sens de l’arrêté ministériel du mercredi 09 octobre 2012.
La crise née du prolongement ou pas du mandat du bureau sortant tire vers sa fin avec l’arrêté ministériel de mise en place de l’administration transitoire que vient de prendre le ministre du Commerce et de l’Industrie Abdel Karim Konaté. La nouvelle administration va désormais gérer la chambre jusqu’aux prochaines élections consulaires. L’arrêté pris le mercredi 09 octobre marque l’étape définitive du conflit à la CCIM. Le ministère du Commerce et de l’Industrie qui jouit d’un fort soutien des associations et groupements professionnels des opérateurs économiques tente de mettre un terme à une polémique qui n’a que trop durée.
Le collège transitoire
La mise en place d’un collège transitoire s’impose à la Chambre de commerce et d’industrie du Mali (CCIM) vu tous les aprioris qui définissent les relations entre les différents responsables du binôme industrie-commerce du pays. Et ce, depuis les dernières élections de 2006 qui ont porté Jeamille Bittar à la tête de la chambre. La chasse aux pro-Bittar a-t-elle commencé ? En cette période de guerre, l’Etat doit se méfier de tout règlement de compte entre groupes rivaux.
Aux dires de certains, depuis l’arrêt de la cour constitutionnelle donnant la victoire au président sortant, ceux qu’on appelait jadis ‘‘les 7 milliardaires’’ n’ont jamais mis les pieds à la CCIM, allant jusqu’à feindre ignorer son existence. La cristallisation des relations et la méfiance des uns envers les autres étaient tellement poussées que ni les baptêmes ni les décès dans aucune famille n’étaient des moments de réjouissance ou de recueillement pour les autres. Les jours passèrent et la vie continua. Chaque camp attendant les futures élections qui, n’eussent été les événements du 22 mars 2012, auraient dû se tenir il y a de cela quelques mois.
L’avis de la cour suprême
C’est donc dans ce climat délétère de ‘‘Je t’aime moi non plus’’ que Jeamille Bittar, le président sortant, a adressé le 5 juin 2012 une lettre à l’ancien ministre Mr Hamadou Touré, pour lui signifier que le mandat du bureau qu’il dirigeait devrait expirer le 31 juillet 2012, l’exhortant de prendre toutes les dispositions utiles pour la passation de service. Suite à cela, le16 Juillet 2012, le ministre du Commerce, des Mines et de l’Industrie d’alors, a saisi le président de la cour suprême d’une demande d’avis de consultation juridique relative au mandat du bureau sortant de la CCIM et de celui de son assemblée consulaire. La réponse de la cour fut qu’elle « propose au Gouvernement toute mesure qui lui paraît propre à favoriser le développement des activités commerciales, industrielles et de services » puis d’ajouter qu’elle « donne au Gouvernement les avis et les informations qui lui sont demandés sur des questions industrielles, commerciales ou de services. Cet avis est obligatoire lorsqu’il s’agit de questions relatives aux usages commerciaux ». Et de conclure plus loin par « qu’il échoit de reconduire l’actuel Bureau dans ses fonctions jusqu’à la fin de la période de crise ».
Donc pour le gouvernement, tel que rendu, l’avis de la cour suprême ne peut être que consultatif d’une part et, d’autre part, que la tension au sein de la Chambre de commerce et d’industrie du Mali, impose une démarche réconciliatrice des tendances, d’où sa décision de mettre en place un collège transitoire composé de 13 membres.
Ainsi au lendemain de la date d’expiration du mandat du bureau sortant, le conseil des ministres tenu le 1er Août 2012, a décidé de la mise en place d’un Collège transitoire de 13 membres jusqu’à l’organisation des élections consulaires pour, dira le ministre du Commerce et de l’Industrie Abdel Karim Konaté, décanter la situation. Dès lors, des concertations furent organisées avec les groupements professionnels du secteur privé. Et le consensus se fit autour de l’idée selon laquelle chaque camp déposerait sur le bureau du ministre de tutelle une liste de six membres devant siéger dans ledit bureau. La treizième personne devant être proposée par le ministre pour assurer la présidence transitoire. Ce que fit le Groupement des commerçants du Mali.
Mais voilà, contre toute attente, le bureau sortant s’est refusé à cela, pour s’abriter derrière l’avis de la cour suprême. Au prétexte qu’il s’impose à tous, et c’est la seule voie de la raison et du droit. Autrement dit qu’ils doivent conduire la période de transition. Et Jeamille Bittar de rétorquer, à l’accusation de refuser le consensus, par : « Non. Ce n’est pas un refus. Seulement nous ne voyons pas l’opportunité de proposer des noms pour siéger dans un bureau. La Chambre est composée d’élus et non de personnes nommées. »
La réplique
La réplique du ministre Abdel Karim Konaté fut prompte et immédiate. Il demanda, dans une correspondance adressée au bureau de Jeamille Bittar, de surseoir à toutes dépenses au niveau de la CCIM, exceptées les dépenses courantes, à savoir les salaires, l’eau, l’électricité, le local et autres. Jugeant que cette situation n’a que trop duré, il dira, qu’il prendra une décision en toute responsabilité. Et de taper du poing sur la table en ces termes « ce qui est sûr, le collège transitoire sera installé »
De son côté, le Groupement des commerçants se dit indigné par la campagne de dénigrement du camp Bittar. Sa commission de crise, dans un communiqué, informe les autorités qu’elle n’acceptera plus les campagnes calomnieuses et insultantes à son endroit, et ce, en dépit du respect qu’elle a pour les autorités.
Se prononçant sur l’avis de la Cour suprême, le groupement dira que dans les relations entre le gouvernement et la Cour suprême, un avis est de nature consultative et informative. L’avis n’est pas contraignant comme par exemple, les arrêts rendus par l’auguste institution. La déclaration de Bittar de faire imposer au forceps l’avis du tribunal n’est qu’une ignorance de la qualité de ce document.
Forceps contre biceps
Le Groupement qui accuse le camp d’en face de forceps, souligne dans son communiqué qu’il est le plus grand contribuable au budget de la CCIM et par delà du budget national. A ce titre, le Groupement peut porter plainte contre lui sans l’avis de quiconque pour détournement des fonds spéciaux à hauteur de 1,4 milliard de F CFA consigné dans le rapport du Vérificateur général. Et la loi, en la matière prévoit sa traduction devant la Cour d’assises et sa condamnation avec remboursement de sommes extorquées.
Le groupement rappelle à Hama Cissé, l’actuel président des commerçants détaillants du Mali, que leur part de cotisation au budget de la Chambre ne dépasse pas 20% que la plupart des membres de son association sont affiliés à l’impôt synthétique. De ce constat, selon la loi de la CCIM, ils ne doivent pas être électeurs à fortiori élus.
Le clin d’œil a Malamine Tounkara
Le communiqué, de souligner que Jeamille Bittar laisse une Chambre avec des comptes au rouge, alors que son prédécesseur Malamine Tounkara a laissé plus de deux (2) milliards de francs CFA dans les comptes de la Chambre à la fin de son mandat.
Ange De VILLIER