L’affaire de la Chambre de commerce et d’industrie du Mali (CCIM), qui implique Jeamille Bittar, président de cette institution et opérateur économique de son état, était devant le pool économique, la semaine dernière.
Prévu pour mardi, Jeamille aurait retardé son audience, à sa demande, selon nos sources, à vendredi, pour s’expliquer sur les détournements de deniers publics qui lui sont reprochés. Sa stratégie consistait, en effet, à rentrer en contact avec ses connaissances et surtout Sombé Théra procureur de la République, lui aussi, natif de San, pour pouvoir bénéficier des mesures de clémence. Selon nos informations, Bittar aurait longtemps frissonné devant le juge avant de répondre aux questions qui lui ont été posées en tant que citoyen ordinaire.
Des indiscrétions affirment même qu’il aurait oublié sur la table du pool économique où eut lieu son interrogatoire, son sac contenant espèces sonnantes et trébuchantes et son téléphone portable, preuve que les débats ont été houleux et souvent à son désavantage.
Après mardi, il faut savoir que le président de la Chambre de commerce et d’industrie du Mali était, vendredi, au pool économique, pour y être entendu. Cette affaire, qui est à sa phase d’enquête préliminaire, a attiré l’attention des Maliens. Cela est d’autant plus vrai que l’opérateur économique a dit qu’il est pressé d’être devant le procureur. Déjà, entre le mardi et le vendredi, Bittar aurait tenté en vain d’entamer des négociations pour éviter d’être entendu. Nos sources affirment qu’il aurait aussi tenté sans succès de joindre le ministre de la Justice Maharafa Traoré dont le téléphone ne répondait, le Procureur Sombé Théra dont le téléphone était parfois fermé et le ministre Ahmed Diane Séméga qui a dit que cette affaire n’est pas de son ressort. Voire Fanta Sylla appelé au secours…, des avocats également pour une intervention rapide. L’ancien Garde des Sceaux Sylla serait parvenue finalement à entrer en contact avec l’actuel ministre, mais aucune information n’a filtré de cet entretien sinon que Maharafa veut appliquer la loi.
Quand on a le pantalon troué, il faut se garder de monter sur l’arbre
Selon des informations proches du dossier, Bittar voulait voir directement Théra. Or, nous ne sommes qu’à la phase de l’enquête préliminaire. Le dossier sera ensuite remis au procureur et l’instruction va commencer avant d’être enrôlée devant une Cour d’assises dans un délai fixé par la loi. Bittar voulait aussi profiter de sa position dominante au Conseil économique social et culturel pour intimider celui qui était chargé de l’interroger. Le président de la chambre a d’abord nié les faits qui lui sont reprochés. Mais le juge n’a pas mis trop de temps pour le prendre au piège. En effet, le dossier relatif à l’un de ses voyages à l’Extérieur ne souffrait d’aucune ambiguïté : l’opérateur aurait empoché 300 millions de FCFA au lieu de 30 millions FCFA autorisés. Ne pouvant plus se rebiffer, le « rouquin » aurait reconnu l’opération frauduleuse. Séance tenante, il se serait dit prêt à rembourser le montant incriminé. A croire que ce n’est pas le même Bittar qui s’empressait de rencontrer le Procureur ! Ce n’est pas tout. Car le même Bittar octroyait des avantages au contrôleur interne et appliquait de nouveaux taux de frais de mission en violation de l’accord d’établissement. Pis, la grille salariale a été foulée au pied puisque non confirme à celle prévue par la convention collective du commerce. Des fonds abusivement utilisés pour des dépenses de fonctionnement et de construction… ouf, la liste est longue… Au total, le montant global, selon des sources proches du dossier, reproché, à Bittar s’élèverait à «15 milliards » de FCFA pour ce qui est, en tout cas, connu.
De la chambre à une affaire d’Etat ?
Selon nos enquêtes, cette affaire fut riche en rebondissements et en retournements spectaculaires avec des dénonciations accablantes touchant même l’âme de la Nation malienne. Le président de la chambre aurait cité le nom d’un ancien Premier ministre dans le cadre d’une initiative de la Primature que ce dernier a prise de même qu’une Fondation de générosité et d’une agence de communication en plein cœur du centre ville, pour justifier la destination de certains fonds. Ces révélations sont extrêmement graves et donnent un nouveau tournant à l’affaire même si concrètement il lui sera impossible de prouver matériellement la véracité d’une allégation. Nous avions dit, il y a quelques jours, que les noms de nos responsables ne doivent être mêlés à une affaire sordide de ce genre. A croire que l’affaire de la CCIM quitte la place de la Liberté pour se transporter ailleurs ?
On se demande, aujourd’hui, si Bittar alimentait les caisses de ladite Fondation ou de cette structure de communication. Des langues se sont déliées pour dire qu’avec ces révélations inquiétantes, une intervention anatomique est nécessaire auprès du Procureur pour classer l’affaire sans suite. D’autres disent, au contraire, que ATT aura plutôt souci de tirer cette affaire au clair pour laver l’honneur sali de certains des siens. ATT doit donc s’attendre à des coups bas de cette nature d’ici et après la fin de son mandat. Il s’agit là des effets collatéraux de la gestion du pouvoir.
Ce qui a aggravé le cas de Bittar, c’est sa propension à croire que les faits qui lui sont reprochés sont mensongers. Il l’a dit à des opérateurs économiques lors de ses visites à l’intérieur du pays.
Quant au Procureur Théra, il aura à appliquer la loi, dans son entièreté, comme d’habitude en respect au moins au serment qu’il a prêté. Afin que la justice puisse être rendue au nom du peuple malien et qu’on se sente dans une Res Publica (République ou chose publique)
Nous y reviendrons.
Issiaka Sidibé