Depuis 2007, les affaires au Bureau national des produits pétroliers (BNPP) sont catastrophiquement gérées. Conséquence de cette situation, ce sont plus de 13,51 milliards de nos francs qui se sont volatilisés en espace de 3 ans au niveau de cette structure.
En effet, le Bureau National des Produits Pétroliers (BNPP), l’un des bureaux spécialisés de la direction générale des douanes (DGD) et créé en décembre 1997 est chargé de prendre en charge les importations de produits pétroliers à les vérifier et à liquider les droits et taxes dont elles sont passibles. Il est seul habilité à ce faire.
Ledit bureau joue, en raison de sa compétence exclusive, un rôle central dans la réalisation des recettes liées aux importations de produits pétroliers.
Des recettes douanières qui financent le budget d’Etat à hauteur de 30 % en moyenne et la contribution annuelle des produits pétroliers aux recettes douanières tourne autour de 35 %.
A noter que de 2002 à 2009, à cause de la hausse des prix des produits pétroliers, l’Etat malien a accordé une exonération aux importateurs. Toute chose qui a engendré un manque à gagner de 40 milliards par an.
Par ailleurs, pour s’assurer que le BNPP applique la réglementation en vigueur sur la fiscalité, le bureau du vérificateur général, a effectué une mission de vérification financière au niveau de cette structure, courant 2010. La vérification a porté sur les exercices 2007,2008 et 2009.
Hélas, il s’est avéré que le BNPP fait l’objet d’une gestion désastreuse. Ce qui s’est émaillée par d’énormes irrégularités, occasionnant ainsi la perte de 13, 51 milliards de F CFA.
Conséquences : pour 6 530 déclarations de mise à la consommation, les droits et taxes liquidés par le BNPP sont inférieurs aux montants dus sur la base du TEC et des arrêtés en cours d’application.
En effet, au cours de la période sous revue, le montant total liquidé par le BNPP est de 25,82 milliards de F CFA. Pour les mêmes opérations, les re-calculs ressortent plutôt à 33,43 milliards de FCFA le montant total qui aurait dû être liquidé.
L’écart est de 7,61 milliards de FCFA. Cet écart correspond au total des montants qui auraient dû être payés par les importateurs mais qui ne l’ont pas été. Il s’agit donc d’une perte pour l’Etat.
Aussi, certains arrêtés ministériels ont été falsifiés. Ces arrêtés au nombre de 31 et portant le même numéro et la même date présentaient des taux différents pour la valeur CAF et la Taxe Intérieure sur les Produits Pétroliers (TIPP) différents.
Il s’agit des arrêtés en vigueur en février, mars, avril et mai 2007. Ces documents, censés être les mêmes que ceux qu’a fournis l’Office National des Produits Pétroliers (ONAP), en différent à l’intérieur des tableaux où sont portées les valeurs à utiliser pour liquider les déclarations en douane.
Dans de nombreux cas, les taux des arrêtés reçus de l’ONAP sont supérieurs à ceux des arrêtés remis par le BNPP. Par conséquent, les droits et taxes liquidés sont inférieurs à ceux qu’on obtiendrait en utilisant les arrêtés fournis par l’ONAP.
En d’autres termes, sur la base de ces liquidations, les importateurs ont versé à l’Etat un montant inférieur à celui qu’ils lui auraient dû verser. Cette situation a causé une perte globale pour l’Etat à hauteur de 907,67 millions de FCFA.
Autre irrégularité signalée au niveau de cette structure, la remise des marchandises aux importateurs avant le paiement des droits et taxes.
Ainsi, ce sont des centaines de tonnes de marchandises sous douane qui ont été livrées avant acquittement des droits et taxes liquides. A titre d’exemple, pour la période 2007-2009, le fichier extrait de la base de données informatique comportait 6 418 liquidations pour lesquelles il n’y a pas de quittance. Pourtant, les marchandises ont été remises aux importateurs.
L’inadmissible est que, le BNPP interrogé sur la question, a indiqué que la pratique de délivrer la cargaison avant acquittement des droits liquidés est ancienne et qu’elle est dictée par la nature de ses activités.
Le hic est également que ladite pratique n’a aucun fondement juridique. Elle est même contraire aux prescriptions de l’article 116 du code des douanes. En plus, elle favorise d’importantes déperditions financières au préjudice de l’Etat. Conséquence : de 2007 à 2009 les liquidations qui restent impayées s’élèvent à 5 milliards de FCFA.
A noter que parallèlement à la vérification, le BNPP a recouvré 177,22 millions de FCFA sur ce montant.
Autre manière de mieux profiter du denier public, la non régularisation systématiquement des déclarations D.24. Or, les déclarations simplifiées du modèle D.24 doivent être régularisées par une déclaration en détail dans un délai maximum de 20 jours.
L’examen des données des registres et les recoupements avec la base de données informatiques révèlent que 47 déclarations simplifiées n’ont pas été régularisées entre 2007 et 2009.
La réglementation en vigueur prévoit que, faute de déclaration de régularisation, le BNPP procède d’office à une déclaration de mise à la consommation et liquide les droits et taxes. Sur ce fondement, il airait dû liquider et mettre en recouvrement les droits et taxes rattachés à l’ensemble des déclarations D.24 non régularisées. Ce qui n a pas été le cas.
Par ailleurs, le BNPP reçoit en général les déclarations de régularisation hors délai. Ainsi, 38,13% des D.24 ont été régularisées hors le délai de 20 jours après leur établissement.
Pourquoi ?
Rien n’est moins sûr, mais ce qui est indéniable, c’est qu’ici, toutes les voies sont utilisées pour remplir les poches.
Aussi, ce qui est pire dans tout ça, c’est l’attitude non coopérative adoptée par les responsables du BNPP. Ainsi, le traitement réservé par la Direction Générale des Douanes (DGD) aux requêtes de documents n’a pas permis à l’équipe de vérification d’effectuer des travaux diligents.
En effet, les documents et informations fournis sont incomplets ou parviennent après un long délai d’attente. C’est pourquoi, deux demandes n’ont été satisfaites qu’au bout de cinq relances ayant laissé écouler six semaines. D’autres demandes sont demeurées sans suite jusqu’à la fin des travaux. En particulier, la DGD refuse de fournir les rapports de son Bureau de Contrôle Interne et de sa Sous-direction des enquêtes au motif que ces demandes n’ont pas de lien avec les travaux de vérification en cours. Elle se fait ainsi juge de l’étendue des travaux du Vérificateur Général en violation de l’article 10 de la loi n°03-030 du 25 août 2003 qui énonce que le Vérificateur Général ne reçoit d’instruction d’aucune autorité et qu’il arrête librement son programme de travail.
Au BNPP, le mot d’ordre est simple, on pille le denier public, on mange, on danse et en toute impunité, comme si le pays était à eux. Au Mali d’ATT, on aura tout vu, sauf le sérieux.
A. Sanogo